CHAPITRE QUINZE .3

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Elles étaient arrivées devant une ancienne ferme au portail rouge, signe que des filles travaillaient là.

Adacie regarda Tranit, un peu inquiète.

— C'est un bordel ? Il n'y a rien de mieux ?

Tranit remarqua l'air sombre de son aide de camp, mais la rassura d'un petit sourire.

— Non, c'est bien différent. C'est un jardin des plaisirs. Uniquement des volontaires libres. Pas d'esclave chez nous.

C'est un endroit plutôt correct.

Plusieurs pavillons de terre cuite avaient été construits autour du bâtiment central et des éclats de rire, des chants, provenaient de plusieurs d'entre eux.

Un gros malabar équipé qu'une puissante hallebarde gardait l'entrée. Il reconnut Tranit.

— La patrouille est déjà passée commandant, dit-il en restant au milieu du passage, bien campé sur ses jambes. J'avais cru entendre dire que vous n'étiez plus là.

— Je ne suis plus dans la milice, c'est vrai. Non je veux savoir si vous avez une étuve de libre. À cette heure, il n'y a que chez vous que c'est possible.

— Oui, il y a bien encore un petit pavillon derrière, mais je ne sais pas si la maîtresse vous le laissera. Elle gagne tellement plus avec ces chevaliers.

— On versera notre écot comme ces braves garçons, le rassura Tranit. Tu l'appelles ?

Le hallebardier s'écarte et lui fit signe de passer.

— Elle est à la cuisine commandant, allez en parler avec elle.

Les deux jeunes femmes entèrent dans la cour et arrêtèrent leurs montures devant un petit bâtiment annexe. Plusieurs personnes semblaient y travailler frénétiquement. Tranit appela une grosse femme qui surveillait tout le monde et négocia le dernier pavillon et son étuve pour la nuit au prix fort. Elle pourrait compter sur quelques nourritures et tout l'alcool dont elles auraient besoin.

Tranit s'en amusa. La tenancière sachant qu'elle n'était plus de la milice pouvait lui avouer vendre après les heures légales sans aucun risque.

Tranit et Adacie laissèrent leurs dorkis aux bons soins d'un palefrenier et traînèrent leurs affaires et leur équipement jusqu'à un petit pavillon circulaire dans lequel deux filles se dépêchaient d'allumer le four.

Le pavillon comprenait une chambre à l'étage, le rez-de-chaussée servant de vestiaire et d'étuve avec un bain chaud pour s'y laver, se relaxer, se faire masser. Tranit comptait bien en profiter.

S'il n'y avait pas eu le bruit, les rires et la musique venant des pavillons attenants, l'endroit aurait été parfait pour vraiment se détendre.

Dès que l'eau commença à tiédir, elle donna congé aux servantes et après avoir rangé ses bagages au vestiaire, Tranit ôta sa robe puis dénoua les pans de sa chemise qu'elle avait attachée entre ses jambes.

Les traces de son plaisir étaient visibles et elle enleva le vêtement d'un geste rageur. Adacie s'en empara, amusée, et la mit dans un vase rempli d'eau froide.

— C'est pas grave commandant. Laissez tremper dans de l'eau bien froide une bonne heure avant de savonner. J'ai l'habitude.

Adacie s'approcha d'elle et posa une sacoche, verte elle aussi, près de son baquet

Elle posa sa massue qu'elle gardait dans un fourreau de cuir à portée de main. Sous le regard interrogateur de Tranit, elle sourit avant de lui dire.

— Plus tard, commandant, quand nous serons vraiment seules.

Tranit la remercia d'un sourire et nue, entra dans l'eau de son baquet. Une sensation de bien-être s'empara immédiatement d'elle. Adacie commença à se déshabiller à son tour.

Tranit ne put s'empêcher de regarder ces vêtements étranges. Les bottes se fermaient sur le devant avec des lacets. Les chausses étaient d'une seule pièce et la veste courte se déboutonnait. La jeune femme expliquait.

— C'est l'uniforme standard. Pantalon de treillis, veste et chaussures de combat. Les cavaliers ont de vraies bottes, mais ces chaussures sont très bien.

Tranit la regardait enlever une chemise assez courte et trop près du corps pour être vraiment confortable. Adacie était aussi grande qu'elle, mais bien plus fluette et ses muscles dessinaient son corps.

Tranit n'avait jamais vu une femme ainsi bâtie, mais elle était encore plus surprise par les deux pièces de vêtements qui couvraient sa poitrine et son entrejambe.

— Qu'est-ce que c'est que ça ?

Adacie s'en amusa et fit tomber ces deux vêtements qu'elle agita devant Tranit.

— Ça ? Brassière et caleçon ou boxeur ! Une invention d'Erwan aussi et c'est merveilleusement pratique. J'en ai une autre paire propre en haut, vous essayerez commandant, après on ne peut plus s'en passer.

Tranit prit un air dubitatif, mais Adacie s'en amusa. Elle glissa ses vêtements dans le vase d'eau froide puis piocha deux pots contenant de la pâte savonneuse et des serviettes rêches dans un coffre pour pouvoir se laver.

Adacie se plongea à son tour dans son baquet d'eau chaude pour se livrer à une toilette intensive, puis elles s'aidèrent pour se laver les cheveux.

Ceux de Tranit, tombant maintenant jusqu'aux épaules avaient bien besoin d'un double shampouinage après ces quinze jours de manœuvres et le manque de soin durant ce temps. Même après sa toilette chez Laumit, un nouveau soin était le bienvenu. Ceux d'Adacie étaient beaucoup plus courts, comme ceux de plusieurs Montagnards que Tranit avait vus têtes nues.

Quand elles eurent fini de se laver, elles entrèrent dans l'étuve, vaste cuve assez grande pour six ou huit personnes, pour enfin se relaxer avec de l'eau vraiment très chaude.

C'était plutôt somnifère, mais elles s'aidèrent en se procurant quelques massages relaxants qui ne valaient pas ceux d'une experte, mais toutes les filles des sœurs Alix étaient occupées avec les chevaliers.

Adacie fit aussi une rapide lessive avec ses affaires et celles de Tranit voulant profiter de la chaleur des lieux. Tranit la comprit : même pour des officiers, la vie en campagne était difficile pour le linge. Tranit alla chercher ses tenues sales, mais Adacie s'en empara prétextant qu'elle irait plus vite seule.

Tranit la laissa faire et trouva de quoi s'épiler, les manœuvres étaient aussi vraiment pénibles concernant les soins du corps et, ayant terminée sa corvée, Adacie à l'aide d'une pierre ponce lui adoucit quelques callosités.

Au moins, les Montagnardes se comportaient dans l'intimité comme des femmes normales. Ça ne valait pas l'attention d'une vraie manucure, mais cela faisait l'affaire.

Néanmoins, lorsqu'elles quittèrent l'étuve, vêtues d'aube en laine douce, Tranit se sentait propre et beaucoup moins fatiguée que quelques heures plus tôt.

À son signal, on leur apporta des plateaux chargés de mets, malheureusement pas très appétissants et forts chers, ainsi que deux grosses jarres de bière, de quoi rassasier une douzaine de bons buveurs.

L'établissement était plus connu pour les plaisirs charnels qu'il apportait à ses clients que pour la qualité de sa cuisine.

Adacie montait à l'étage avec ses affaires alors que Tranit en profitait pour prendre quelques objets et son nécessaire à fumer.

Les serveuses redescendirent sans mot dire, déjà épuisées alors que leur nuit de travail était loin d'être finie.

Tranit allait refermer la porte qu'elles n'avaient pas bloquée lorsque celle-ci se rouvrit violemment et qu'une puissante main l'agrippa à la gorge, la précipitant contre le mur.

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant