CHAPITRE TREIZE .4

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Il y eut de l'animation vers la porte. Un cavalier maigrelet et apparemment épuisé s'approcha de Cydrac pour lui remettre un message que celui-ci parcourut rapidement. Il se tourna vers l'un des hommes assis près de lui et l'envoya dans les étages de l'auberge. Le messager restait debout, presque vacillant.

Après une dernière parole, Cydrac lui fit signe d'aller s'asseoir quelque part et appela la serveuse. Celle-ci amena le soldat à quelques pas de Tranit et Laumit puisqu'il n'y avait plus d'autres tables de libres.

Mais les deux jeunes femmes continuaient à regarder Cydrac et Laumit confia à son amie.

— D'accord ! Il est plus âgé que nous, mais d'ici même, je le sens. On ne doit pas s'ennuyer avec lui.

— Je t'ai dit qu'il s'appelait Cydrac, qu'il est au service des Montagnards, je n'en sais pas plus.

— Il est beau !

— Si tu le dis ! Mais je n'aime pas cette attitude. Je l'ai vue chez plusieurs d'entre eux et c'est irritant. T'as l'impression qu'ils sont ailleurs, qu'ici ce n'est rien. Ils sont bizarres !

— Les hommes sont toujours bizarres, s'amusa Laumit.

— Pas ce bizarre là, gromella Tranit. Les filles aussi, d'ailleurs ! Cette lieutenante que j'ai accompagnée aux pâtures, elle me regardait parfois comme si elle avait pitié de moi que je ne puisse comprendre ce qu'elle faisait ou disait.

À un moment, j'aurais bien pris une masse d'arme pour lui écraser la tête et effacer son sourire condescendant. Ou alors j'aurai dû laisser la couleuvre la boulotter elle et ses semblables !

Laumit lui rendit sa pipe, amusée.

— Fume un peu plus, ça te calmera. Je ne t'avais jamais vu énervée, sauf contre Bornarou. Ces deux idiots dehors doivent nous maudire.

— Avec lui c'est la seule attitude possible ! Quand aux deux soudards, il est possible qu'ils soient déjà dans le digesteur le plus proche, asséna-t-elle sans une once de scrupule dans la voix.

Laumit ne releva pas la dureté dans la voix de sa camarade. Comme la serveuse revenait pour servir le soldat, elle trouva le moyen de passer près de Laumit et de lui demander si elle voulait autre chose.

Tranit faillit s'exaspérer, mais Laumit la calma d'un sourire et bisouilla rapidement les lèvres de la servante avant de lui commander deux autres chopes de bière.

Plusieurs hommes se tournèrent sur son passage et recommandèrent des boissons.

Là, Tranit compris que les filles de salle ne devenaient pas plus fleuries ou odorantes parce qu'elles travaillaient avec beaucoup d'hommes, mais qu'elles étaient choisies pour leur état afin que les clients consomment plus. C'était tellement évident maintenant qu'elle le voyait.

Cydrac même semblait avoir suivit la fille, alors qu'il se trouvait à l'autre bout de la salle. Il s'écarta pour laisser le passage à un jeune chevalier, plutôt rondouillard, mais semblant extrêmement satisfait de lui, qui venait de se lever derrière le cavalier. Il semblait hésiter vers où se diriger, mais finit par se tourner vers les deux amies. Laumit elle-même le regardait. Tranit s'en étonna.

— Non ! Lui aussi ? Qu'est-ce qui t'arrive ?

— Lui, c'est subtil ! Il n'est pas aussi séduisant que ce Cydrac, mais son parfum...

Il commençait à se diriger vers elles. Tranit poussa un profond soupir et se rencogna dans l'angle de la salle, presque gênée de l'attitude de Laumit. Son amie n'allait pas pouvoir s'arrêter là, elle la connaissait trop bien.

Le chevalier vint devant leur table et s'inclina élégamment vers elles puis se tourna vers Laumit.

— Benwan d'Arthèz pour vous servir, gente damoiselle.

Laumit fit sa coquette, mais ses yeux brillaient intensément.

— Laumit la brasseuse, tout simplement.

— Une beauté aux arômes si subtils ne peut être « tout simplement ». Aimeriez-vous prendre un dessert avec moi ? J'ai pris une chambre à l'étage.

— Avec plaisir !

Laumit se leva sans se faire prier, tandis qu'une Tranit incrédule, d'un geste de la main, les incitait à partir au plus vite. Le jeune chevalier tendit son bras à Laumit et ils partirent en bavardant, comme si de rien n'était.

La serveuse revint avec les chopes et regarda Tranit en souriant.

— Elle ne va pas s'ennuyer. Lui, c'est un volcan !

Tranit remplit sa pipe, boudeuse. Elle vida sa chope rapidement et se tourna vers la scène où les bardes entamaient cette fois une ballade épique.

Tranit remarqua que le soldat non loin d'elle se levait et se tournait vers Cydrac qui revenait avec une chope de bière.

— Colonel Cydrac, monsieur ! Avec cette voix, c'était une fille, elle semblait apeurée ! Cydrac se tournait lentement vers elle en portant la chope à ses lèvres. La fille poursuivit, raide comme un piquet.

Soixante-deux pou raquitènunité survo neufeur...

Tranit ne comprit pas ce qu'elle lui disait, mais Cydrac manqua de s'étouffer avec sa gorgée de bière et en cracha une partie.

Aucune autre personne ne semblait avoir entendu ou écouté ce que la fille avait dit, mais Cydrac se précipita vers elle, puis la dépassa avant de s'arrêter devant la table de Tranit.

La jeune femme avait posé instinctivement sa main sur la poignée de sa dague, prête à dégainer et faire passer sa rage sur la première personne venue, adoptant une posture défensive, mais le cavalier s'inclina seulement légèrement devant elle à distance respectueuse, avant de se tourner vers la fille et de lui lancer une pièce, un soleil, apparemment.

— Tu vas pouvoir fêter ça ! Reste ici en dicequinze.

— À vos ordres, colonel !

* * *

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Vixii

Les larmes de Tranit - 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant