Chapitre 2 (Partie I)

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Mon cou me lance. Sur le côté gauche. Il brûle. Comme si du feu se répandait dans mes veines, quelque chose en moi brûle. Lentement, ma main se déplace jusqu'à cet endroit mais il n'y a rien d'autre que ma peau, lentement réchauffée par le soleil.

Parce qu'il fait chaud. Je sens le soleil réchauffer mes joues, mes yeux clos savourant la chaleur qui enveloppe mon corps. Je sens des brins d'herbe frôler le bout de mes doigts, tandis que le vent balaye mes cheveux, dont l'une des mèches m'atterrit dans le visage. Mes lèvres s'étirent, formant un grand sourire, puis je laisse échapper un rire.

Je me sens bien, là, assise dans le jardin de la maison familiale. Réglée comme une horloge, je suis toujours la première levée, à sept heure vingt-huit, pour me faufiler dans le jardin et profiter des premiers rayons de la plus belle étoile de notre galaxie. J'y reste cinq, parfois dix minutes, avant d'oublier le temps et juste apprécier les sensations.

Et généralement, à ce moment-là, ma mère me rappelle à l'ordre d'un éclat de rire, pour que je la rejoigne dans la cuisine et prépare le petit-déjeuner. Ce matin, c'est différent. Quelque chose a changé. Le soleil brille plus fort, il fait plus chaud qu'à l'accoutumée.

Rouvrant les yeux, je remarque que l'herbe me semble plus verte, le vent plus violent contre mes cheveux. Il me fait mal. Le vent ne me fait jamais mal, d'habitude. Perturbée, je me relève, regardant droit devant moi, attendant que maman ouvre la baie vitrée de la cuisine, celle par laquelle je me suis échappée il y a quelques minutes. Et l'espace d'un instant, mon cœur se serre quand elle ne l'ouvre pas.

Je reste figée, incapable de comprendre ce qu'il se passe. Je veux voir ma mère ouvrir cette fichue porte ! Sans me contrôler, je me mets à courir vers la porte, l'ouvrant aussi vite que je le peux avec mes muscles fins et entre à l'intérieur.

Et mon cœur se remet à battre. Ma mère tourne la tête vers moi, m'offrant un joli sourire, tandis que sa main gauche est posée sur le manche d'une casserole. Vu l'odeur, je penche pour des œufs. Son sourire fond lorsqu'elle remarque ma mine un petit peu inquiète et elle fronce les sourcils, m'invitant du regard à venir m'asseoir près du bar.

Notre cuisine est construite « à l'américaine », comme papa aime le rappeler. Il a vu ce genre de chose dans les vieux films que lui et Aignan adorent regarder. Ainsi, pour séparer la cuisine de la salle à manger, il y a un petit comptoir -que papa appelle « le Bar »- avec quelques sièges. Prenant place sur l'un d'eux, j'attends tranquillement que ma mère termine la cuisson des œufs, un sourire sur les lèvres. J'adore la voir se déplacer dans la cuisine, avec la grâce d'une ballerine.

- Que se passe-t-il, Fel' ?, demande ma mère, posant la casserole sur un dessous de plat, à même le bar.

L'odeur des œufs me titille les narines, tandis que j'élude la question. Mais ma mère me connaît par cœur, elle sait que mon cerveau ne reste jamais plus de cinq minutes sur une tâche. C'est l'un de mes principaux problèmes.

Et avant que l'on ne pense quoi que ce soit, ce n'est pas de l'hyperactivité ou quelque chose du même genre. C'est juste que les routines m'ennuient. C'est la raison pour laquelle je prends des cours à domicile, via mon ordinateur. Cela me permet de sortir, rencontrer d'autres personnes. Je ne me suis jamais vraiment fait d'amis, sans doute parce que je n'en ai jamais voulu.

Les seules personnes que je considère comme « amis » sont les enfants des voisins, tout simplement parce que ce sont les seuls enfants que j'ai pu croiser. Bon, hormis Aignan, mais il n'est pas vraiment un ami. C'est mon petit frère.

Il a seulement un an et demi, mais c'est déjà le petit ange de la maison. Il doit encore dormir, il n'est que huit heures deux après tout. C'est bientôt l'heure du biberon, ceci dit. On va probablement l'entendre crier de faim d'ici quelques minutes. Il est pire que moi, au niveau de l'horloge interne.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant