Chapitre 6 (Partie II)

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Un petit « toc » discret contre ma porte me fait sursauter et, tout en reprenant mon souffle, je m'approche de cette dernière pour l'ouvrir. C'est ma mère qui se trouve derrière, un sourire accroché sur son visage à peine réveillé.

Ses cheveux d'un brun presque roux sont impeccablement lissés le long de son dos et elle a le teint d'une femme revenant d'une séance d'UV. Il faudra que je lui demande son secret pour être aussi jolie même à la sortie du lit !

C'est probablement un truc de maman. C'est injuste ! J'ai toujours vu ma mère comme une princesse de conte pour enfant, au teint et à la chevelure parfaite quoi qu'il arrive. Elle jette un regard circulaire dans ma chambre, mais rien ne vient décrocher son sourire, donc je suppose qu'elle est satisfaite de mon rangement.

— Tu es prête à venir petit-déjeuner ? Ton père est en train de préparer du thé, souffle-t-elle à mi-voix.

Je sors de ma chambre lorsqu'elle s'écarte de la porte, me laissant me faufiler hors de l'encadrement. Derrière moi, le bois grince et la porte se claque fermement, tandis que je réponds à sa question avec un sourire et un mouvement de tête rapide et sec. Je suis nerveuse à l'idée qu'elle fasse une quelconque réflexion sur l'état de ma chambre, en fait. Non pas que ça la mettrais en colère ou quoi que ce soit, mais juste parce que je sais que ça lui déplaît. Et j'aime lui faire plaisir.

— Prête, j'affirme.

Ma nervosité fait rire ma mère et elle se contente de passer une main dans ma chevelure, que j'ai oublié de coiffer. Je me fige en la sentant de coincer un doigt dans un nœud et arrête presque de respirer lorsqu'elle est obligée d'utiliser sa deuxième main pour libérer la première. Levant les yeux vers elle, je lui offre un petit sourire d'excuse.

Cette dernière m'observe avec une lueur de moquerie dans ses yeux verts et sa bouche se tord en un rictus amusé que je ne connais que trop bien. Bien que nous n'ayons pas le même type de relation qu'avec mon père, je reste proche de ma mère. Nous sommes toutes les deux des « résistantes » vis-à-vis du dictat de beauté imposé par notre société.

Et je sais que ma mère adore mon côté passionnée échevelée, même si jamais elle ne me laisserait sortir avec une telle dégaine. Quant à moi... Tant que je fais rire ma mère, je suis bien. Je n'ai pas envie de la voir en colère ou en pleurs. Je n'ai même pas envie d'imaginer que ça puisse arriver. Je l'ai toujours vue heureuse.

— Je vois que ta brosse n'est pas encore levée, plaisante-t-elle en passant devant moi dans les escaliers.

Je lève les yeux au ciel devant sa petite pique et passe une main sur mes cheveux pour tenter vainement de les plaquer sur mon crâne. Je sais qu'elle plaisante, mais je veux quand même avoir l'air un minimum civilisée pour venir à table.

Plantée devant les marches, j'hésite quelques secondes à retourner vite fait dans ma chambre pour attraper ma brosse, quitte à l'emmener à table avec moi, puis y renonce lorsque je vois ma mère s'arrêter au milieu des escaliers pour se tourner vers moi.

Ses yeux m'interrogent et je me mets lentement en mouvement, passant la première marche avec attention. J'aimerai aller plus vite, mais mon père a poncé les marches hier et depuis, les escaliers restent assez glissant en descente. Ne voulant pas perdre la face pour autant, je proteste d'une manière ridicule auprès de ma mère, tel un enfant en bas âge :

— J'ai oublié ! Et je ne voulais pas manquer le lever de soleil.

Cette maigre répartie fait rire ma mère qui, cette fois, se moque ouvertement de moi tout en lâchant la rambarde des escaliers pour me laisser le passage libre. Elle s'arrête dans le couloir, se tournant face à moi pour m'observer descendre, sa lueur de moquerie toujours présente au fond de ses yeux.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant