Chapitre 9 (Partie III)

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Jetant un œil en arrière, je remarque que Benny s'engage également dans cette file, le regard vers le sol et son plateau, de nouveau enfermé dans son mutisme et l'air morne. Deux infirmières sont presque à mon niveau, accompagnant d'un sourire les enfants vers les armoires géantes, avant de récupérer ceux auxquels elles sont assignées pour les aider à retourner dans leurs chambres.

Avec stupeur, je découvre que certains infirmières prennent avec elles cinq, voir six enfants ! Je pensais que chaque infirmière avait un seul enfant attribué, comme me l'avait confié la mienne, mais j'ai eu tort...encore. Encore un mensonge de sa part.

J'aurai dû m'en douter, je crois. D'un pas plus ferme, je m'approche des androïdes en noirs et place mon plateau sur l'un des étages, tremblant légèrement sous leurs regards presque assassins.

Je ne sais pas ce qu'ils voient en moi, mais ils ne semblent pas spécialement agréables. Est-ce que c'est à cause d'eux que Benny n'aime pas les androïdes ? Ils ne sont –heureusement- pas tous comme ça. Enfin...je crois ?

Je m'éloigne alors des armoires, cherchant du regard les enfants ayant déjà posé leurs plateaux, sans en trouver. Comme s'ils avaient tous disparus, magiquement attrapés par leurs androïdes. Si certains semblent attendre leurs « amis », qui n'ont pas encore déposé leurs plateaux, d'autres discutent entre eux tout en suivant un androïde vers la sortie.

Tournant la tête dans tous les sens, je n'aperçois pas la mienne. Benny est dans la foule, presque arrivé aux armoires. Il regarde toujours son plateau, sans un bruit ni un regard autour de lui. Est-ce qu'il a un androïde ?

Ou est-ce qu'il va devoir trouver son chemin tout seul ? Je me sens perdue dans cette grande pièce, toute seule. Certains enfants me percutent en passant, sans même me jeter un regard, comme si j'étais invisible.

Je grimace en reculant, ma main se posant d'elle-même sur mon épaule gauche qui a été particulièrement visée par ceux quittant la file. Je ne sais pas, sans doute suis-je du mauvais côté. Les yeux brouillés par quelques larmes, je cherche mon infirmière ou Aira des yeux, mais je n'en vois aucune.

Seulement des têtes brunes, blondes, rousses, roses, vertes ou même bleues, de tailles différentes, avec des couleurs de peaux très différentes également. Le son s'amplifie jusqu'à me faire grimacer une nouvelle fois, ne supportant pas ce débit.

Je tourne la tête pour voir Benny, qui semble avoir deviné ma détresse et m'encourage d'un sourire, que je lui rends. Les larmes dans mes yeux le rendent flous mais il n'en tient pas compte, continuant de me sourire jusqu'à ce qu'un nouveau mouvement de foule me fait le perdre des yeux.

Mon sourire fond alors et je fais un pas en avant, cherchant le jeune homme, sans succès. La panique me gagne une nouvelle fois et je porte une main à mon cœur, espérant ne pas refaire une crise dans cette pièce.

— Felidae, m'appelle mon infirmière, qui se fraye un chemin dans la foule d'enfant quittant la salle pour me prendre par le bras, commençant à m'emmener loin d'eux, me faisant soupirer de soulagement.

Je pile cependant juste avant d'arriver devant les portes battantes, me souvenant que je n'ai pas dit à Benny que je le retrouverai aux ateliers. S'il m'y attend et que je ne viens pas ? Il faut que je le retrouve ! Une nouvelle fois je regarde en arrière, croisant le regard brun foncé vraiment surpris de Benny.

Nos regards se croisent et j'essaye de signer ma réponse sur les ateliers malgré la foule, sans succès. Mes mains s'agitent en vain devant un Benny à la fois surpris et confus, avant de le perdre dans la cohue.

Je me fige un moment, les yeux grands ouverts, cherchant ceux de Benny, mais en vain. L'infirmière me tire par le bras pour me faire bouger et la foule reprend ses droits, floutant totalement ma vision de la salle. Alors je tourne de nouveau la tête, acceptant mon sort et suivant l'infirmière hors de la salle, dans les couloirs uniformément gris et silencieux.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant