Chapitre 12 (Partie II)

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Rêve. Réalité. J'aimerai pouvoir choisir, mais j'ai l'impression d'être coincée dans un entre-deux permanent, où la réalité tente de percer un rêve aussi fragile qu'un morceau de verre. Et le pire dans tout ça, c'est que l'élément perturbateur, c'est moi. 

C'est moi qui pousse la réalité à détruire le rêve, tout en forçant le rêve à exister. Je m'enferme moi-même dans cet entre-deux aussi toxique que paradisiaque. Comme l'enfant qui cherche en permanence à se mettre en sécurité dans les jupes de sa mère, j'essaye de me protéger de l'inconnu en créant un faux terrain connu. 

Mais au final, n'est-ce pas encore plus dangereux ? Le faux terrain connu me devient inconnu, jour après jour, nuit après nuit, rêve après rêve... Je commence à me faire peur à moi-même, avec des réflexions aussi poussées et surtout sortant de nulle part. 

Un soupir s'échappe du bout de mes lèvres tandis que je sors du lit, incapable d'y rester allongée ou assise une minute de plus. Après dix jours passés enfermée, je connais désormais par cœur chaque recoin de la pièce, allant du mur le plus doux à celui qui est le plus irrégulier. 

Les meubles eux-mêmes n'ont plus de secrets pour moi. Je sais ce que chaque tiroir cache, ce que chaque ouverture me laisse entrevoir. Pourtant, mon activité favorite est de me regarder dans le miroir et constater des changements. 

Par exemple, ma peau qui devient de plus en plus beige aux fils des jours, abandonnant son teint de porcelaine. Ou mes cheveux, qui semblent devenir plus fort et beau chaque jour, presque comme s'il revivait avec moi. 

Mais ce qui me fascine, ce sont mes yeux. Au départ, je les croyais simplement bruns, normaux, changeant de teinte de couleur selon la lumière. Mais il y a plus. Bien plus. Quelque chose qui m'a d'abord choquée, puis simplement passionnée.

Quelque chose qui ne concerne que l'un de mes yeux –ce qui est la principale raison de mon interrogation sur ce sujet, d'ailleurs-. Mon œil gauche. Pourquoi le gauche ? Parce qu'il oscille entre le brun et le violet. Oui, le violet

Encore cette fichue couleur, qui semble me suivre où que j'aille et quoi que je fasse. Qui plus est, je ne suis pas certaine que ça soit la couleur naturelle d'un œil, alors cette information m'a totalement déstabilisée au départ. 

J'ai mis ça sur le compte de leur « drogue » ou « sérum », comme ils le nomment. Ce dernier étant violet aussi, il était possible que mon œil ne fasse que refléter ce liquide présent dans mes veines. 

Je ne sais pas vraiment comment fonctionne les veines ou même les yeux, donc c'est possible que ça soit le cas... Mais maintenant, après dix jours sans aucune injection, il devrait être logique de ne plus voir ce violet transparaître derrière l'iris brun ! Surtout que l'œil droit ne laisse rien voir de plus que du marron... 

Encore une fois, « devrait ». Je n'y connais rien dans ce domaine, alors il est possible que j'aie tout faux et qu'en réalité, cette lueur ne soit qu'une illusion venant de mon cerveau devenu paranoïaque. 

Alors du coup, je passe de longues minutes à étudier cet œil, cherchant une logique à cette couleur étrange qui s'illumine de temps à autre. Mais la vérité, c'est que je ne sais pas quoi en penser. 

C'est simplement étrange. Pas anormal, pas impossible. Juste étrange. Quelque chose que je vais finir par accepter, que je ne regarderais même plus en me levant le matin. Une sorte d'habitude, même plus une anomalie. 

D'ailleurs, il est possible que ça n'en soit pas une et que j'imagine juste que ça veuille dire quelque chose. Pour me dire qu'en effet, je suis différente des autres. Pour expliquer ce qui ne va pas chez moi.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant