Chapitre 10 (Partie III)

416 73 108
                                    

Je veux juste courir loin. Loin de tous ces mensonges, de toutes ces informations, de toutes les questions. Je cours sans m'arrêter, sans regarder où je vais, laissant les larmes et la fatigue prendre le dessus. Il a tort. Je ne suis pas la seule enfant.

Le médecin va me rendre ma mémoire, il l'a promis ! Il n'a pas le droit de faire ce genre de promesse s'il ne les tient pas. « C'est pourtant comme ça qu'on manipule un enfant », répond la voix. Je résiste à l'envie de me gifler pour pallier le manque de corps physique de cette fichue voix.

Mes réflexions sont coupées court lorsque je rentre la tête la première dans quelqu'un, manquant de tomber si ma victime ne m'avait pas rattrapée à temps. Je lève les yeux pour découvrir mon infirmière et les paroles de Benny me reviennent en mémoire face à son sourire.

Malgré moi, je la repousse avec une violence contenue et efface les larmes qui coulent sur mes joues. Malgré moi, une certaine méfiance à son égard vient de s'instaurer et mon cœur se brise, comprenant que c'est la fin des heures paisibles.

L'infirmière ne s'en alarme pas et se contente de passer une main réconfortante sur mon bras jusqu'à ce que je me calme, me décidant à lui offrir un sourire. Je refoule les idées de Benny. Elle ne peut pas me vouloir du mal.

Elle est là quand j'en ai besoin, elle me rassure quand j'en ai besoin... Où était Benny, quand le premier groupe m'a humilié ? Elle, elle était là pour m'accompagner, du début à la fin. Je sais que je peux lui faire confiance, elle a fait ses preuves. Pas lui.

Je ne peux pas croire quelqu'un sur une spéculation pareille, pas si j'ai des preuves que les androïdes nous veulent du bien ! C'est la seule personne qui, jusqu'ici, semble nourrir une sorte de haine envers eux. Et bien que ses raisons soient possibles, je refuse d'y croire sans en avoir eu ne serait-ce qu'une simple preuve. Un exemple.

Autre que l'épisode du plateau, pour lequel l'infirmière s'est maintes et maintes fois confondues en excuse. Quant à mon âge, je ne vois pas en quoi il est si spécial. L'attitude des androïdes envers moi n'ont jamais une seule fois laissé paraître que c'était anormal. L'infirmière fait passer l'une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille avec un sourire qui me paraît encore plus faux qu'avant, manquant de me refaire pleurer.

— Je vais te ramener dans ta chambre, d'accord ? C'est fini, tu n'as plus besoin de retourner dans un atelier si tu n'en as pas envie, c'est promis, chuchote l'androïde en me prenant dans ses bras.

Je repose ma tête sur son épaule et laisser les derniers sanglots coincés dans ma gorge sortir, accompagnés de brefs gestes de tendresse de la part de l'infirmière. Puis, une fois que les larmes se sont taries, nous marchons ensemble jusqu'à ma chambre, passant devant la première salle de jeu, puis la cantine, avant d'arriver aux escaliers.

L'androïde ne dit rien, se contentant simplement d'apposer sa main au milieu de mon dos, soutenant ainsi ma peine silencieuse et ma tête, si lourde... Ma main droite se pose contre ma tempe, m'arrachant une grimace. Toutes ces découvertes m'ont fait mal au crâne et pourtant, ce n'est pas une douleur désagréable.

Au fond de moi, quelque chose a envie d'y croire, pour expliquer tout ce qui n'a pas de sens depuis mon réveil. Pour expliquer les yeux blancs, l'épisode du plateau, celui de ma crise de panique, ou même les sortes de trous dans le cou de tous les humains croisés jusqu'ici. Sans parler du fait que ma famille refuse de me voir tant que ma voix n'est pas revenue.

« Tu commences à comprendre... », termine la petite voix. Tristement, tout en m'asseyant sur mon lit sur lequel je suis finalement parvenue, je souris au plafond et décide de fermer les yeux, espérant qu'une sieste me permettrait de mettre fin à tout cela et de reprendre ma vie comme elle l'était avant de croiser Benny.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant