Chapitre 12 (Partie I)

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Comme je l'avais prédit, cet incident a fait des dégâts, que ça soit pour moi ou même pour mon corps médical. Outre l'étroite surveillance de l'infirmière, qui a désormais été assignée à mon chevet uniquement, mon médecin venait vérifier mon état deux fois par jour. 

Au début très faible suite à une importante perte de sang, cette surveillance excessive a vite commencé à jouer avec nerfs. Les seuls moments où j'avais un tant soit peu d'intimité, c'est la nuit. Étrangement, c'est la nuit que l'infirmière quittait ma chambre afin de me laisser dormir tranquillement. 

Je les ai soupçonnés d'avoir installé des caméras dans la pièce afin de me regarder dormir tout de même, mais pour ma santé mentale j'ai tout fait pour ne pas trop y penser. Cependant, le sommeil tardait à venir, de peur de me retrouver de nouveau dans le jardin. Et si l'infirmière me voyait en plein cauchemars et comprenait quelque chose ? 

Mais comme ni elle, ni le médecin ne m'ont jamais fait de remarques à propos de cauchemars quelconque, j'en ai déduit que mon corps ne réagissait pas comme mon esprit aux visions que je subissais la nuit. 

Parce que moi, je les vivais. Les flashs étaient toujours là. Toujours les même. Parfois, dans un ordre différent. Certains duraient plus longtemps, rajoutant des cris de terreur aux éclaboussures de sang sur la vitre.

Et même si je savais ce qui m'attendait, je ne pouvais m'empêcher de sursauter et hurler quand je voyais le sang éclabousser la surface qui me faisait face. Nuit après nuit, j'essayais de trouver un sens à ces visions, sans résultat. Elles ne déclenchaient même pas un sursaut de souvenirs.

Au bout de six nuits, dépitée, je me contentais de rester dans le jardin jusqu'à mon réveil, observant le lever de soleil. J'aimais la sensation de liberté que je donnais le rêve, sans personne pour me surveiller, m'empêcher de faire quoi que ce soit ou vérifier chacun de mes gestes. 

Il n'y avait que l'herbe comme témoin de mon passage, dessinant la forme de mon corps allongé en couchant certains brins. Bien que mes yeux ne soient pas protégés, je pouvais regarder ce soleil-ci de face en n'esquissant qu'un simple sourire. 

Comme si dans les rêves, il n'y avait aucune règle, que mon corps lui-même était libre de faire ce qu'il voulait. Parfois, je tournais la tête vers la maison, qui m'encourageait à y entrer, son toit rouge luisant sous la puissante lumière céleste, mais je ne bougeais pas. Je ne savais que trop bien ce que j'allais y voir. 

Et je voulais rêver. Profiter. Apprécier. Je ne voulais plus avoir peur, crier ou entendre mon cœur battre aussi fort dans ma poitrine. Paralysée par une peur sourde, je n'osais plus ne serait-ce que m'approcher du bâtiment. Je l'observais de loin, analysant ses angles et ses couleurs, un léger sourire au coin des lèvres. 

Peut-être la prochaine nuit, me suis-je promis, en sachant que je ne le ferais pas. Chaque nuit, je me faisais la même promesse, tout en sachant que je n'y retournerai plus. Mais c'était ma rengaine, mon moyen d'être sûre d'être en plein rêve. Parfois, je formulais même cette promesse à voix haute, trouvant dérangeant d'entendre ma propre voix, tant j'ai appris à vivre avec le silence.

Le silence qui m'entoure est à la fois protecteur et familier. Je ne sais plus depuis combien de temps je vis entourée de cette paix interne, mais je crois qu'une partie de moi l'a acceptée. Mes rêves sont donc muets, tout comme moi. Silencieux, mais tellement plus puissants. 

Seulement de belles images, des couleurs par milliard et de pures sensations et émotions qui traversent ma tête, toutes ensembles. Et c'est d'une puissance... Que je ne pense pas pouvoir décrire. Je ne sais pas si j'aurai un jour les bons mots pour en parler. 

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant