Felidae [Parties I et II]

Chapitre 8 (Partie I)

Mon doigt passe avec lenteur dans la masse compacte et brune de mes cheveux, légèrement tremblant. Ma main retombe ensuite mollement le long de mon corps, suivie par mes yeux. C'est étrange, de s'observer bouger dans un miroir.

On se voit, on fait attention à nos gestes, mais on oublie complètement de penser à autre chose. Je cligne des yeux, laissant échapper un petit soupir nerveux. Puis, rassemblant mes cheveux et mon courage, je les attache en une queue de cheval haute comme Aira m'a appris à le faire, grâce à l'élastique qu'elle m'a laissé.

Une nouvelle fois, j'apprécie de découvrir la couleur de mes cheveux, observant avec amusement ce brun changer d'intensité lorsqu'une lumière passe dessus. C'est un phénomène assez surprenant la première fois qu'on y assiste.

Comme si nos cheveux pouvaient changer de couleur et s'adapter à leur environnement. Ils étaient même devenus noirs quand je les ai mouillés et lavés, hier soir. Et ce matin, les voilà de nouveau bruns.

Mais il n'y a pas qu'eux, qui changent de couleur avec la lumière. Mes yeux font pareils. Étrangement, quand la lumière est trop forte, ils deviennent si clairs que s'en est presque orange, tandis que sous l'eau, ils sont noirs.

Enfin, « sous l'eau » est un bien grand mot, disons que quand j'ai la tête sous le pommeau de douche. Il y a même un moment, en me brossant mes cheveux mouillés, où j'ai presque cru apercevoir un reflet violet dans mon iris gauche.

Reflet qui n'aurait aucun sens, puisque mes yeux sont aussi bruns que mes cheveux. Enfin, selon l'infirmière en tout cas. C'est elle qui m'a dit qu'ils étaient de cette couleur. Je le savais déjà, je n'étais juste plus très sûre du nom de ladite couleur.

Maintenant au moins, c'est certain. Instinctivement, je me rends compte que je me suis rapprochée du miroir jusqu'à y voir mes yeux de si près que j'en cligne des cils de surprise. Je recule d'un pas, le souffle court. Il faut vraiment que j'arrête de me faire peur à moi-même.

C'était un certain choc, de me redécouvrir dans un miroir après presque trois semaines alitée. Comme si j'avais eu le temps de changer, plus qu'en cinq ans de coma. Mais les couleurs sont les mêmes, ainsi que ma taille ou même l'emplacement des pansements ou de certains bleus.

Rien n'a vraiment changé, si ce n'est la couleur de ma peau, qui est devenue un peu plus beige que blanche. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais, au final. A quelque chose d'insolite, sûrement. Quelque chose qui aurait peut-être permis un déclic dans ma tête et laisser affluer mes souvenirs.

Un petit sourire triste vient prendre place sur mon visage, illuminant tout de même ma peau encore trop blanche. Ce n'est pas pour aujourd'hui. Peut-être que ça sera demain, qui sait ? Aujourd'hui, je vais pouvoir manger avec d'autres enfants, d'autres patients, dans une salle commune. Mon cœur s'emballe, accélérant légèrement, ce que je ressens lorsque ma température corporelle augmente.

Je jette un coup d'œil vers l'horloge mural, laissant échapper un nouveau soupir lorsque je vois qu'il n'est que six heure trois. L'infirmière m'a bien dit qu'elle passerait vers sept heures ! Mais je n'ai pas été capable de m'endormir, tant un mélange de stress et d'excitation me tordait le ventre.

Pour la première fois depuis mon réveil, je n'ai pas été capable de dormir. Je ne saurais pas dire si c'est bien, mal, normal ou non, mais je ne compte pas vraiment m'en vanter quoi qu'il arrive. Ce qui me stresse aussi, c'est qu'Aira n'est pas revenue.

Mes tests étaient pourtant concluants, assez pour que je sois autorisée à me mêler aux autres enfants... Mais Aira n'est pas venue. C'est l'infirmière qui a fait en sorte que j'apprenne quelques mots de plus, ce qui n'est normalement pas son rôle, tandis qu'Aira se la jouait « fantôme » en restant introuvable, que ça soit par moi ou même mon médecin ! Quelque chose que je ne comprends pas, mais que j'ai fini par accepter. Visiblement, les androïdes ne font que nous décevoir.