Chapitre 20 (Partie II)

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Je ne sais pas combien de temps je passe ainsi, le visage presque enfoncé dans le sol et la bouche ouverte sans aucun son qui en sort. Je me redresse doucement, restant tout de même à genoux, incapable de me souvenir comment me remettre debout ou si mes muscles le supporteraient. 

J'ai l'impression d'être vidée de toute énergie et de toute volonté. Ma gorge me fait affreusement mal et me brûle à chaque fois que j'avale ma salive. Mes mains tremblent doucement, ne sachant pas où se poser. 

Dès que j'approche un doigt de ma gorge, celle-ci se contracte violemment, me faisant grimacer. Alors je garde mes mains sur mes genoux, le regard fixé dans le vide, le cerveau éteint. 

Je ne sais pas ce qui m'entoure à présent et je crois même que je m'en fiche. La scène précédente continue de rejouer dans mon cerveau, les yeux sans vie de Benny se gravant progressivement dans ma mémoire. 

Ces deux prunelles vides et froides semblent brûler ma gorge et mon cœur. Mes yeux sont trop secs pour pleurer de nouveau, alors je me contente de les fermer pour inspirer longuement, appréciant l'air frais qui soulage ma carotide enflammée.

Mais rapidement, ce sentiment se fait écraser par le poids de la réalisation : Benny m'a tuée. Il m'a étranglée, a voulu le faire et est allé jusqu'au bout. De nouveau, mon cœur se serre et je tourne la tête assez rapidement pour vomir juste à côté de mes pieds, brûlant ma trachée douloureuse au passage. 

Mon corps m'envoie des signaux de douleur et de dégoût en même temps, tandis que mes muscles gémissent de douleur –à moins que ça ne soit moi ?- lorsque je prends appui sur le sol pour m'écarter de la flaque qui s'est créée à mes pieds. Désormais, mon estomac me brûle également, faisant de mon corps une sorte d'incendie que même l'air frais ne parvient plus à calmer. 

Tout ce que j'entends, c'est la voix brisée de Benny qui me supplie de l'aider et sa phrase, calme, nette et détachée, Je suis mort et c'est de ta faute qui fait écho dans mon cerveau. Qu'ai-je fait ? Comment ai-je pu lui faire du mal à ce point ? 

Qu'est-ce qui s'est passé, pour que j'en vienne à le défigurer à ce point ? Pourquoi Benny ? Je n'ai jamais voulu lui faire de mal, comme lui avait promis de ne jamais m'en faire... Que s'est-il passé ? Qu'ai-je fait ?

Je devrais être morte. C'est la froide observation qui serpente entre mes neurones, gelant d'un seul coup tout mon système cardiaque. Pourquoi ne le suis-je pas ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas mourir et rendre la vie des autres plus simple ? 

Ce n'est pas comme si j'allais manquer à qui que ce soit, en plus. Benny me déteste, ma famille n'existe probablement pas et l'hôpital est rempli de robots qui m'effaceront de leurs mémoires d'un seul mouvement de clavier. 

Rectification : Benny est mort. A cause de moi. Et maintenant, son fantôme me déteste, je suppose. Quant à ma famille, elle ne s'est pas souciée de moi lorsque j'étais à l'hôpital, pourquoi le ferait-elle maintenant ? 

Luttant contre mon propre corps et mon instinct de survie, je laisse mes mains remonter le long de mon corps jusqu'à trouver ma gorge. Inspirant rapidement, je fixe mon regard sur un point précis, si loin qu'il m'est flou et enserre doucement ma gorge de mes doigts fins. 

Cette dernière pulse en anticipation et je presse mes pouces dans ma trachée, luttant contre les signaux de détresse envoyé par mon cerveau. Benny a essayé et ça n'a pas marché, pas jusqu'au bout. Je ne ferais pas la même erreur.

Je continue de serrer, à chaque fois un petit peu plus fort, jusqu'à ce que les signaux envoyés par mon cerveau soit si fort que j'ai l'impression de voir ma tête exploser et que ma gorge soit si serrée que l'air peine à passer. L'incendie dans mon bas-ventre reprend de plus belle alors que ma gorge semble accepter son sort. 

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant