Chapitre 9 (Partie II)

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Je frissonne, n'étant pas vraiment à l'aise face à ce regard perçant qui me scrute, semblant découvrir tous mes secrets, des secrets dont j'ignore moi-même l'existence. Puis, comme si de rien n'étais, il replonge le nez dans sa soupe, continuant de faire jouer sa cuillère avec le breuvage au lieu d'y goûter. Je le comprends, c'est immonde.

Pour autant, est-ce qu'il se prive de petit-déjeuner tous les matins sous prétexte que celui-ci n'est pas bon ? Est-ce qu'ils servent toujours la même soupe, tous les matins ? Je cligne des yeux et finis par fixer à mon tour la bouillasse grise posée sur le plateau.

Je n'ose y goûter, préférant écouter les bouts de conversations que je parviens à entendre. Il y a une fille qui parle de « jeux » et de « puzzles ». Je ne sais pas ce que ça veut dire, il faudra que je pose la question à Aira.

En fait, la plupart des conversations tournent autour des mots « jeux », « puzzles », « sculpture », « peinture », « fun ». Que des mots qu'il ne me semble pas avoir entendu auparavant. Des mots que je découvre. Et qui, pourtant, me semblent familier.

Je soupire, détestant cette fameuse sensation de connaître quelque chose alors que ma mémoire me fait défaut. Cela m'arrive beaucoup trop régulièrement à mon goût, bien qu'Aira aide à combler les blancs.

— Tu peux parler ?, me demande l'homme face à moi, d'une voix devenue beaucoup plus douce.

Je sursaute en l'entendant, pas préparée à cette demande. Puis, je secoue la tête sans croiser son regard, tremblante. Je reprends une cuillère de cette sorte de soupe grise, camouflant du mieux possible la grimace de dégoût que m'arrache cette chose.

C'est tout bonnement immonde. Aucun goût, texture très étrange et presque vomitive... Je ne sais pas ce que c'est, mais je ne tiens pas à en savoir plus. C'est tout bonnement immonde. Ils n'ont pas de « gelé » ? J'avoue que c'était bien meilleur, alors que c'était vert ! Ce truc est gris et pourtant, ce n'est pas bon.

Donc finalement, la couleur n'a pas spécialement de rapport avec le goût des aliments. Dommage, ça m'aurait sauvé du temps. J'entends quelqu'un se racler la gorge près de moi et m'oblige à lever les yeux vers l'homme aux tatouages, qui me fixe toujours.

Je cligne des yeux, ne sachant pas vraiment quoi dire. Mais, après un sourire presque amical, je vois ses mains bouger pour former une phrase. Surprise, je me contente d'ouvrir la bouche sans rien répondre, oubliant totalement de me focaliser sur ses mains, qui continuent de répéter sa question en boucle.

Finalement, je sors de ma surprise et baisse les yeux, réalisant qu'il me demande simplement mon prénom. Pour lui répondre, je signe chaque lettre une par une, avec la vitesse d'un « vieil androïde », comme dirait Aira.

Face à moi, l'homme fronce les sourcils et assimile toutes les lettres avant de faire une tête étrange, comme s'il ne comprenait pas. Le doute s'empare de moi. N'ai-je pas bien signé ? Ou peut-être qu'il ne connaît pas tout l'alphabet ? Je regarde autour de moi, espérant voir Aira ou mon infirmière, qui pourraient m'aider à lui dire mon prénom, pour qu'il comprenne.

— C'est un prénom « Felidae » ?, lâche-t-il finalement, me faisant sortir de mes pensées.

J'acquiesce rapidement, un petit sourire soulagé sur les lèvres. Il a compris ! J'ai signé correctement ! Mon sourire grandit jusqu'à ce que mes dents apparaissent, devant l'air visiblement amusé de l'homme. Il ne doit sans doute pas comprendre la raison de ce sourire, mais moi je sais. Et c'est tout ce dont j'ai besoin.

Face à moi, l'homme hausse les sourcils et secoue la tête de haut en bas, approuvant mon prénom sans un mot, avec une sorte de moue au niveau buccale que je ne comprends pas. Je ne sais pas pourquoi il réagit d'une manière aussi étrange.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant