Chapitre 8 (Partie III)

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Je grimace à l'impact, mes fesses encore douloureuses suite à la première chute. Doucement, je viens poser ma main droite sur ma hanche, faisant de tous petits cercles lents pour estomper la douleur. Je l'avoue, cette méthode ne marche pas forcément, mais comme ça aide mon cerveau à penser que je vais mieux, la douleur se calme plus rapidement.

Comme je l'ai déjà dit, le cerveau a un poids énorme dans notre corps, puisqu'il décide de ce que l'on ressent ou ne ressent pas. Quelque part, c'est presque fourbe, puisque penser à ne pas ressentir focalise notre attention sur notre ressenti.

« Tu te sens philosophe maintenant ? », ricane une petite voix enfantine bien connue. Enfin, « connue ». Déjà, elle se moque de moi en utilisant des mots qu'elle sait que je ne connais pas, comme « philosophe ».

Il me semble avoir déjà utilisé un terme similaire, mais la définition m'a probablement échappée entre temps, parce que ça ne me dit rien. J'entends Aira demander à quelqu'un de nous laisser seule, me sortant de ma rêverie. Il y a quelqu'un ici ?

Je remarque alors que le médecin est là aussi, dos à nous, cherchant quelque chose dans une petite mallette métallique. Ou rangeant quelque chose ? Toujours est-il qu'il la ferme d'un coup sec sur la demande d'Aira et quitte la pièce sans un mot, presque honteux d'être là.

Je ne dis rien, mais mes sourcils se froncent, ce que je sens par un léger pincement au niveau de la ride du lion. Aira a vraiment ce genre d'autorité ? Depuis quand ? La jeune rouquine se tourne vers moi et me sourit de façon presque innocente, comme pour dissimuler quelque chose. Totalement suspect, donc.

— Je suppose que tu te demandes ce qu'il vient de se passer. À vrai dire, je n'en sais pas plus que toi, je ne suis pas dans ta tête... Mais toujours est-il que tu viens de subir une crise de panique, Felidae. Tous tes sens qui s'emballent et s'emmêlent, te paralysant d'un seul coup... C'est exactement ce qu'il vient de se passer. J'ai dû faire appel au médecin pour te soigner, avec un sérum qui nous a permis de communiquer avec toi depuis une sorte de demi-sommeil. C'est une technologie qui a été mise au point il y a deux ans, autant te dire qu'elle n'est pas encore commercialisée ni même au point. Je te promets qu'on ne l'utilisera plus jamais sur toi, ni personne d'autre, avant de s'assurer que le sérum est prêt, m'explique-t-elle.

Je peux sentir une colère dans sa voix que je ne comprends pas. Ma connaissance des androïdes est limitée, mais j'étais persuadée qu'ils étaient incapables de ressentir quoi que ce soit, seulement d'imiter les émotions humaines.

Pourtant, plus je les fréquente, plus j'ai l'impression de percevoir leurs émotions, leurs expressions, comme étant les leur et non celles d'autres personnes ! Du coup, je suis de plus en plus confuse. Aira transpire littéralement de rage, tournant en rond de manière nerveuse, me transmettant ses mauvaises ondes sans le savoir.

Pourtant, ça ne devrait pas être possible ! « C'est maintenant que tu t'en rends compte ? Tu aurais dû fuir tant que tu le pouvais encore... Maintenant c'est trop tard, ils te surveillent ! Ils ne te laisseront jamais partir ! », s'exclame la petite voix dans ma tête.

A ces mots, une sorte d'étau se resserre autour de mon cœur et j'ai presque peur de vomir devant Aira, la laissant comprendre mes doutes. Serait-ce possible qu'Aira m'ait menti au sujet des androïdes ? Qu'ils soient capables de ressentir, après tout ? Ce qui voudrait dire que depuis le début, elle me fait croire un mensonge...

Mais dans quel but ? Pas qu'on est toujours besoin d'un but pour mentir, mais... Attendez... A-t-on besoin d'un but pour mentir ? Je cligne des paupières, définitivement perdue par mes propres pensées.

« Un sérum ? », je signe, confuse.

L'androïde me fixe et hoche la tête, ignorant mon visage, qui je l'espère, reflète ma confusion et ma légère inquiétude au sujet de ce fameux « sérum ».

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant