Chapitre 5 (Partie I)

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Savez-vous à quel point une semaine peut être longue ? Si vous pensez le savoir, essayez de la passer allongé, sans rien pouvoir faire d'autre que fixer le plafond, faire des mimiques faciales approximatives au médecin et à l'infirmière qui s'occupe de vous et apprendre une langue que vous ne voulez pas comprendre pour communiquer avec les autres.

Oh, sans parler des quelques exercices physiques que m'a prescrit le médecin pour que mon corps réapprenne à « se mouvoir correctement ». Même si je n'ai pas compris cette phrase dans sa globalité, j'en ai saisi le sens. Il faut que je bouge pour que mon corps apprenne à bouger comme avant. S'en est presque idiot, quand on y pense.

Je ne rêve que de ça : bouger. Mais pas dans cette chambre, pas dans ce lit, pas avec ces personnes. J'aimerais pouvoir sortir, voir les couloirs, les autres chambres, les autres patients et leur sourire. Leur parler. Apprendre à les connaître, comme dirait Aira.

Mais je ne peux qu'imaginer ça dans ma tête, aux détails près, cherchant à en savoir le plus possible grâce au médecin ou à l'infirmière, à qui j'ai réussi à poser quelques questions. Au début, elle semblait surprise de me voir bouger les mains de manière aussi désorganisée, mais elle a fini par comprendre. Et j'ai cru qu'elle allait pleurer, avant de me souvenir que les robots ne pleurent pas. Du moins, c'est ce que m'a dit Aira.

Mais malgré la lenteur presque insoutenable de cette semaine, il y a quand même eu quelques points positifs. Déjà, le fait d'avoir appris plus d'un geste, me permettant de formuler quelques phrases. Bon, ce sont des phrases simples, comme « Puis-je avoir de l'eau » ou « Merci beaucoup », mais c'est déjà ça ! Et ça me permet d'être comprise par les gens qui viennent me voir.

Parce que oui, d'autres personnes sont venues ! Bon, il y a eu une nouvelle infirmière, qui a pris la place de celle que j'avais d'habitude le temps qu'elle « se remette ». Mais de quoi ? Mystère. Je ne pensais pas que les robots puissent tomber malades. Ensuite, il y a eu un second médecin, tout aussi « jeune » que le premier -ils ont dû être construit en même temps- qui est venu l'assister pendant la deuxième session d'examens moteurs.

Parce que oui, j'ai appris que c'était le vrai nom de ces examens, au final. Les résultats sont un peu meilleurs, comme j'ai réussi à faire bouger mon corps un petit peu tous les jours, donc les médecins semblaient ravis, mais aussi très surpris.

Je veux dire, ils se sont fait des messes basses pendant toute l'heure, ce qui m'a un petit peu déplu. Mais comme ils étaient contents, je n'ai rien laissé paraître, me contentant d'être contente pour eux... Et pour moi. Parce que quand même, l'exploit vient de moi.

Au final, ma semaine s'est achevée sur un dimanche plutôt calme, où mon infirmière habituelle est venue me porter le dîner. Elle portait la même tenue que tous les jours, la même coiffure, même le plateau était tenu de la même manière que tous les jours précédents. Non, la différence résidait dans le fait qu'elle était beaucoup, mais alors beaucoup plus souriante que d'habitude. Et ça se voyait énormément.

Loin de moi l'idée qu'un robot qui sourit, c'est mauvais ou malsain, parce qu'encore une fois, aucun robot n'a été mauvais dans cette pièce, mais c'était étrange parce que je ne voyais pas ce qui pouvait la faire sourire aussi vivement. En entrant dans la pièce, elle s'est contenté de poser le plateau sur la petite commode près de la porte, là où je ne pourrais y avoir accès. Ce geste m'a fait froncer les sourcils, parce que ce n'est pas dans ses habitudes.

Normalement, elle vient jusqu'à moi avec le plateau, le dépose sur la petite table qu'elle active derrière mon lit et s'assoit sur une chaise pour m'assister et me parler. Mais là, elle a changé cette habitude, ce qui me laisse à penser qu'elle va m'annoncer quelque chose. Est-ce grave ? Est-ce « bien » ? Pourquoi est-ce que je ressens cette fébrilité, tout d'un coup ?

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant