Chapitre 13 (Partie I)

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Mes yeux s'ouvrent sur des dizaines de brins d'herbe, tandis que des frissons remontent le long de mon dos. Le soleil est toujours aussi haut dans le ciel, comme si cet endroit ne connaissait pas la nuit, ou qu'il était figé dans le temps. 

Lentement, je me relève et grimace en sentant mon dos me lancer, me reprochant sans doute de l'avoir autant tordu pour dormir en position fœtale. Une fois debout, je me fige, observant autour de moi les éléments que je devrais connaître par cœur, mais qui me semble distants et inconnus. 

La sensation de bien-être, de calme et de bonheur que je ressentais devant ce paysage ne sont plus là. L'envie de sourire a disparu, tout comme la petite bulle de joie qui naissait dans ma poitrine devant ce tableau. Il n'y a que moi, cette fois. 

La Felidae cassée, qui ne parle pas et ne se souvient de rien. Celle qui analyse cet entourage trop parfait avec une précision chirurgicale, avec des mots qui sortent de nulle part mais qui semblent former des phrases cohérentes.

Avec lassitude, je me retourne pour faire face à la maison de pierre au fond du paysage. Je sais d'avance que je vais y aller, entrer et y voir une famille qui est supposée être la mienne, sans que je ne me souvienne de rien, ou que je ne puisse leur parler. 

Est-ce que je verrais du sang, des morts, ou Aira cette fois-ci ? Ou est-ce que ma voix me reviendra dès que j'entrerai dans l'habitacle ? Les règles changent de rêve en rêve, sans que je ne puisse les comprendre. 

C'est un jeu d'échec et je suis un pion, revivant inlassablement la même partie, dans le même décor. Je me souviens encore des autres rêves, des coups de feu, du sang projeté sur les vitres ou sur les murs. 

Du cri de cet enfant devant une projection, ou du regard totalement impassible d'Aira face à ce fameux gamin blessé ou mort, allongé devant elle. Un nouveau frisson me traverse le corps et je manque de vomir devant l'image qui s'impose dans mon esprit. 

Ma main droite vient de poser sur mon ventre, une tentative désespérée de retenir le dégoût qui me submerge, jusqu'à ce que je détourne les yeux de la maison.

Je n'ai d'autre choix que d'y aller. Combien de fois ai-je essayé de m'en détourner, de l'oublier, d'agir comme si elle n'existait pas ? Et malgré tout, je continue de revenir ici, dans ce même jardin, dans cette même maison. 

Avec les mêmes personnes qui y habitent, bien qu'ils aient constamment des métiers, des goûts ou des caractères différents. Je pousse un soupir en me souvenant des premières fois, à mon réveil, lorsque j'entrais encore dans une maison pleine de vie. 

Désormais, c'est un champ de bataille, rempli de robots que je ne vois que dans ce rêve. Pourquoi ? Pourquoi tout ce sang, ces robots, ces cris, cet enfant ? Qu'est-ce que je dois comprendre ? Est-ce un avertissement, un souvenir, un nouveau type de manipulation ? Est-ce ma punition, pour avoir essayé de sortir ce sang violet de mes veines ?

 Je rouvre les yeux, me rendant compte à cet instant que je les avais fermé. La maison me fait toujours face, me défiant presque d'essayer. De retenter. Qu'est-ce que je risque ?

Premier pas. Un nouveau frisson réveille mon estomac douloureux. Nouveau pas. Ledit estomac se contracte violemment, m'arrachant une grimace. Encore un. Mes poings se serrent de douleur devant la nouvelle contraction. Un autre. Cette fois, ce sont mes yeux qui se serrent, tandis que mon souffle se coupe. Un pas de plus, et je m'effondre à quatre pattes sur l'herbe, rendant un repas dont je ne me souviens pas, tout en sentant couler de chaudes larmes sur mes joues. C'est trop dur. 

Mes yeux se relèvent, observent la maison qui n'est plus qu'à quelques pas de moi. Mon pouls s'accélère, s'attendant à voir le sang gicler sur la vitre d'un moment à l'autre, crispant tous mes muscles. L'attente est longue, mais je suis prête à l'endurer. 

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant