Et si... J'étais vraiment malade ? Malade. Le mot résonne dans mon cerveau désormais silencieux, vidé de toute autre pensée. Je suis malade. Cette fois, ce n'est même plus une question, ou une hésitation. Je suis malade.
Est-ce que c'est grave ? Est-ce que je vais mourir ? Comment est-ce que c'est arrivé ? Je sens mes yeux s'ouvrir plus grand, laissant le vent frapper ma rétine. Ma respiration s'accélère tandis que mon cerveau commence à surchauffer à force de réfléchir.
Quand ? Comment ? Pourquoi ? Benny semble aller parfaitement bien, alors ce n'est pas en lien avec notre alimentation. Ou peut-être que si ? Peut-être qu'il y a des choses qui me rendent malade, mais qui n'affectent pas Benny ?
C'est peut-être ça, la solution. Arrêtez de manger ce qui me rend malade ! Un léger sourire renaît sur mon visage pour disparaître à la seconde où je me rend compte que je n'ai absolument aucune idée de ce que cela peut être et que je ne peux pas vraiment arrêter de manger tout court.
— Est-ce que tu peux... signer ? Quelque chose ? Juste pour m'assurer que je ne t'ai pas traumatisé, d'une manière ou d'une autre ?, demande Benny dans mon dos.
Je ne me suis même pas rendue compte que je lui avais tourné le dos, ou que j'avais été silencieuse assez longtemps pour qu'il pose cette question. La panique est toujours lisible dans mes yeux, si j'en crois son air défait et son regard un peu fuyant.
J'aimerais m'approcher, lui prendre la main, lui dire que je vais bien, que tout ira bien, que je vais aller mieux et que demain tout sera fini. Le truc, c'est que je compte sur lui pour me rassurer. En général, c'est plutôt moi qui suis pessimiste et Benny qui a toujours un argument pour me redonner espoir.
Et là, le constat, c'est que nous avons tous les deux perdus espoir. Il est incapable de me regarder dans les yeux plus de cinq minutes et je suis incapable de le réconforter. La vérité, c'est que ses paroles m'ont simplement ouverts les yeux sur ce que je refusais d'accepter depuis plusieurs semaines.
Je suis malade. Et il n'y a pas de solution. Enfin si, il y en a une, mais je m'y refuse et je pense que Benny aussi. Aucun de nous deux n'a envie de faire marche arrière, surtout qu'aucun de nous deux ne se souvient du chemin. En tout cas moi, je ne m'en souviens pas.
Peut-être que Benny le connaît, mais je ne pense pas qu'il veuille retourner à l'hôpital. J'inspire un grand coup et hoche la tête frénétiquement, pour me donner un semblant de courage.
« Je suis pas... traumatisée. J'ai peur », je signe simplement, le cœur battant.
On en est là. Deux personnes effrayées de la même personne...qui se trouve être moi. Nous avons tous les deux peur de moi. J'ai peur de moi. Je ne pensais pas pouvoir regretter un endroit, mais à cet instant précis je donnerai n'importe quoi pour être de nouveau inconsciente sur un lit d'hôpital, enfermée dans ma tête où le monde est beau et souriant.
C'est peut-être idiot, mais je me sentais mieux dans mon corps quand je n'en avais pas le contrôle. Depuis mon réveil, je n'ai fait qu'essayer de sortir de ma propre tête, au point désormais d'avoir peur de qui je suis. Non. Pas de qui je suis. De qui je suis en train de devenir.
J'ai peur de la personne que je suis depuis mon réveil, parce que je ne la connais pas. Il y a un fossé de cinq ans entre qui j'étais et qui je suis maintenant. Un fossé pendant lequel quelque chose à pris le relais, rendant impossible une réconciliation entre ces deux « moi ».
Je sens la main de Benny venir s'enrouler autour de mon poignet droit, m'insufflant un peu de chaleur. Ma tête semble se lever d'elle-même pour venir à la rencontre du regard de Benny, qui s'ancre dans le mien.
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Felidae [Parties I et II]
Science Fiction"22 mai 3018, hôpital d'Héliantia. Réveil du Patient 07033002. Prénom : Felidae. Nom de famille : Inconnu. Âge : 16 ans Durée de son coma : Cinq ans. Remarques : Le sujet n'a plus aucun souvenir et un traumatisme encore inconnu l'a rendue muette. Se...