Chapitre 1 (Partie II)

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Je me retourne, surprise d'entendre une voix de femme. Plus petite que le robot-médecin de l'autre fois, elle m'observe de ses yeux mécaniques. Pas plus humaine que son confrère, l'infirmière -si c'est bien le mot- me désigne le lit du doigt, comme si elle s'attendait à ce que j'obéisse. Et tout aussi surprenant, c'est exactement ce que je fais.

Lentement, je m'approche du lit et m'y rassois, regardant avec appréhension l'oreiller. Pourtant, le robot-infirmière, qui en a profité pour s'avancer, me prend gentiment l'épaule pour m'aider à me recoucher. Alors qu'elle appuie tout doucement sur mon front pour que ma tête vienne se poser sur le coussin, je lui attrape le poignet, les yeux un peu plus ouverts.

Je sens mon coeur venir pulser plus fort dans ma poitrine et les machines se remettent à biper en cœur. Je ne sais pas comment décrire ce qu'il se passe, mais je lutte fermement contre l'infirmière. Je ne veux pas poser ma tête là-dessus. Des sueurs froides perlent dans mon dos. Mon cerveau me crie de ne rien faire, de ne pas poser ma tête là-dessus.

Une sorte d'instinct essaye de se faire entendre, essaye de dire que ce coussin ne me fera aucun mal, mais ni mon cerveau, ni mon cœur ne sont prêts à écouter. Est-ce normal ? Qu'est-ce qui m'arrive ? Est-ce que je meurs ? Je n'ai pas envie de mourir ! Mes jambes tremblent, mon corps suit le mouvement. D'un seul coup, je tremble de la tête aux pieds, incapable de penser à autre chose qu'à la terreur que me provoque la vue d'un oreiller.

- Doucement, je ne vais pas te faire de mal, chuchote-t-elle.

Je continue de lutter. Pourquoi ? Je ne sais plus ! Je ne sais plus ! Des larmes jaillissent de mes yeux, qui me piquent. Je ne sais pas pourquoi je lutte, mais je sais que je dois le faire. Si jamais je m'endormais ? Si je ne me réveillais pas avant trois autres années ? Ou même cinq ? Ou dix ? Je ne veux pas. Je ne veux pas !

« Continue Felidae ! Lutte ! Va-t'en ! Il n'y a rien pour toi ici. » Et pour une fois, je veux suivre la voix. Je veux partir, m'enfuir, courir loin de cette horrible femme qui presse ma tête comme un citron. L'infirmière semble surprise, mais ne relâche pas mon crâne pour autant. J'ouvre la bouche pour m'expliquer, mais rien ne sort. Pourquoi ?

Ma bouche continue de bouger, mais aucun son ne sort. Alors, je décide de me débattre. De repousser aussi violemment l'infirmière que je peux -ce qui n'est pas très glorieux- et garder les yeux grands ouverts. Je n'ai aucune force. Vraiment aucune. Pour preuve, l'infirmière n'a même pas senti que je la repoussais. Elle s'est éloignée toute seule, quelques minutes après mon essai vain. Elle semble jeter l'éponge. Quelle éponge ? Il n'y a pas d'éponge.

Le médecin de l'autre fois est de nouveau-là. Comment ? D'où vient-il ? Pourquoi a-t-on besoin de lui ? Est-ce qu'il va me faire du mal ? L'infirmière m'a lâchée, j'arrête donc de me débattre vainement. Elle discute de quelque chose avec le médecin, mais je ne comprends rien. Je ne connais pas cette langue. Est-ce normal ?

Tout ce que je sais, c'est que la crise de panique commence à s'estomper. Panique ! C'est ça, j'étais paniquée ! Pourquoi est-ce que les bons mots me reviennent toujours trop tard ? Le médecin m'observe encore. Je ne sais pas ce qu'il voit. Je suis simplement assise, le regard faisant l'aller-retour entre l'oreiller et l'infirmière, qui se contente de sortir de la pièce. Je ne sais pas ce qu'il lui a dit, mais ça me soulage de la voir s'en aller. Elle faisait peur !

« Ils font tous peur Felidae. Tous. Il n'y a rien de normal ici. Il faut que tu t'en ailles, que tu apprennes. Que tu te rappelles. Fuis. » Mais je ne le fais pas. Peut-être parce que je ne peux pas ? Peut-être parce que je ne le veux pas ? Peut-être même les deux. Je ne suis pas paniquée. Mais j'ai peur. Peur de découvrir ce qu'il y a dehors, quand l'intérieur me semble déjà si hostile.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant