Chapitre 4 (Partie II)

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Je ne sais pas exactement s'il est faux. Mais il me paraît trop enjoué pour être vrai. Il y a quelque chose dans sa façon de me présenter les choses qui ne me plaît pas. Je ne sais pas si c'est l'idée de subir un examen, ou celle de rejoindre d'autres enfants.

Même si ce dernier point m'intrigue, il y a comme une peur viscérale en moi -mais d'où sort ce fichu mot ?- qui m'empêche d'être contente d'aller potentiellement les rejoindre. Ils sont peut-être dangereux. Ou alors, peut-être qu'ils parlent et vont se moquer de moi parce que je ne peux pas encore le faire.

Je ne sais pas trop pourquoi c'est à ça que je pense en premier, comme si quelque chose en moi savait quoi que ce soit à propos des autres personnes enfermées ici. Et puis peut-être qu'ils ont tous la même peur que moi, à l'idée de croiser d'autres vrais êtres humains.

Je devrais m'en réjouir, de ne plus côtoyer des robots à l'apparence humaine toute la journée. Et pourtant, quelque chose en moi, très profond, me bloque. Comme si c'était mal de vouloir rencontrer d'autres personnes. Que dirait la petite voix ?

« Va-t'en Felidae ! On s'en fiche des autres patients ! Il faut que tu t'en ailles, que tu trouves un refuge, que tu survives ! Laisse-les autres ici et va-t'en ! ». Ah. Intéressant. Je suis en danger ? Mais en danger de quoi ? Qui pourrait me faire du mal ? Le médecin est gentil, tout comme l'infirmière. Aira ? Non, elle s'occupe de plein de personnes, elle ne peut pas leur faire du mal, sinon ils ne l'auraient pas gardée dans l'hôpital....

Au même moment, le médecin pénètre dans la pièce avec son éternel sourire. Il salue l'infirmière d'un bref mouvement de tête, perd son sourire et observe sans un mot le plateau encore rempli de gâteaux ainsi que ma table de nuit sur laquelle traîne un cahier, un stylo, un donut à moitié mangé et un verre d'eau à moitié plein.

Pendant un bref moment il semble rester interdit devant ce constat, comme s'il ne s'attendait pas à voir ça. Pensait-il que je mangerais tout ? Ou au contraire, rien du tout ? Que voulait-il voir ? Son air surpris me rend confuse. Il sort un cahier identique à celui de l'infirmière et sourit de nouveau en observant des lignes de textes qui semblent inscrites dans le cahier.

C'est très étrange ! Comment est-ce que des lettres peuvent être gravées dans un cahier ? Normalement, elles sont dessus mais pas dedans ! Or là, je ne pense même pas pouvoir arracher une page, parce que je n'en vois aucune ! Tout est inscrit sur un support très plat et vraiment intriguant.

Mais je n'ai pas le temps de m'interroger plus sur ce fameux cahier que l'infirmière glisse quelques mots à l'oreille du médecin, qui fronce les sourcils en portant son regard sans vie sur moi, tout en rangeant son carnet. Visiblement, quelque chose ne va pas chez moi ou quelque chose les rend très mécontents en tout cas.

Mais pourquoi ne me disent-ils pas ce dont il s'agit ? Comme ça, je pourrais le changer, plutôt que de subir leurs regards courroucés dès qu'ils sortent leurs carnets ! Finalement, le médecin reprend un sourire qui lui ressemble plus et s'approche de mon lit, son regard passant des machines encore branchées à mon visage interrogateur qui semble le faire rire.

- Ne t'en fais pas, je voulais juste voir les notes de ton infirmière. Rien de bien grave et ça n'a aucun rapport avec ton attitude, d'accord ? Allez, fais-moi un sourire, qu'on puisse passer aux examens, finit-il par dire pour couper court au silence.

J'essaye tant bien que mal d'obéir à sa demande, cherchant en moi la force de lui offrir le sourire qu'il demande, sans succès. Enfin, je n'en sais rien. Je ne sens pas mes muscles faciaux se tendre, donc je suppose sans mal qu'il n'y a simplement pas de sourire sur mon visage.

Mais cela n'arrête pas le médecin, qui reporte son attention sur les machines branchées à mon corps, qui continuent de lui donner quelque chose qui semble captivant. Il note tout dans son carnet, sans rien me dire. Pendant plusieurs longues minutes, il se contente de noter des choses dans son carnet, sans que je puisse voir quoi que ce soit. Ni les machines, ni son visage, ni son carnet.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant