HEATHER FAYCE [TERMINÉ]

62/ ... Mortelle.

***

HEATHER.

Mes yeux rencontrent ceux de Frank, dans le couloir froid et sinistre de l'hôpital. Ses yeux rougis et son regard meurtri m'indiquent ce que je sais déjà, mais que je m'obstine à ne pas croire. Pour la première fois, mes yeux se concentrent sur le visage de Frank sans la moindre trace de dédain. Ses traits accablés témoignent de sa souffrance, et je lutte pour ne rien ressentir.

Mais c'est impossible : mes mains tremblent, les battements de mon coeur ralentissent et mes épaules s'affaissent, tandis que ma bouche se pince dans une piètre tentative d'impassibilité. Les lèvres de Frank bougent, sans que je ne puisse entendre quoi que ce soit. Je vois bien qu'il pleure, qu'il fait de grands gestes avec ses bras. J'ai surtout bien l'impression qu'il veut me casser la gueule, mais je n'y comprends rien. Blondinet parle, lui aussi : ses mains s'agitent, ses traits se crispent. Mais pourquoi est-ce que je n'entends rien ? Pourquoi est-ce que ma respiration se bloque sans que j'y puisse quelque chose ?

- Elle est morte, putain ! Tu peux comprendre ça ?

Je vois Frank s'avancer vers moi, un doigt accusateur pointé vers moi. Ma vision se brouille par moments, et je cligne lentement des yeux pour essayer de ne pas perdre le fil.

- Tu n'es qu'une putain de gosse ingrate ! C'est à cause de toi qu'elle est morte ! C'est de ta faute !

Il m'attrape, il me secoue comme un pommier. Mais quel est son problème, à celui-là ? Je n'arrive pas à savoir où je suis ni ce qui se passe. Pourquoi est-ce que je suis là, déjà ? Les bras de Nathan m'arrachent à ceux de Frank, et m'encerclent d'une manière qui semble protectrice. Je sens qu'il s'agace, lui aussi : son coeur bat vite, il bat fort. Son esprit s'anime, je le sais, je le vois. Il s'agite autour de moi comme un Lion menacé qui pourtant menace en retour, avec la volonté abrupte de celui qui veut prendre les coups à la place des autres. Celui qui défend bec et ongles ceux qui en ont besoin avant de se défendre soi-même. Celui qui se prive et se salit pour les autres.

Frank le pousse contre le mur sans ménagement, il l'attrape par le col et le secoue. Il postillonne même dessus, tant son débit doit être rapide et sa hargne criante.

- Ne reste pas avec cette sale gamine ! Elle te détruira, comme elle a détruit tout son entourage !

C'est vrai, il n'a pas tord. Je détruis tout ceux qui ont été mes proches. Je vois les lèvres de Nathan bouger, encore. Mais déjà, Frank s'approche. J'ai la sensation d'être coupée du monde réel : là sans être là, présente en étant absente. Je crois que j'ai peur, quand je le vois avancer vers moi. Je tremble, ferme les yeux et baisse le visage, lorsque sa main se lève au dessus de ma tête. Pourtant, je ne sens aucun coup, rien ne m'atteint.