0/ Rentrée.

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C'est la rentrée. Et comme chaque année depuis que j'ai mis les pieds dans ce putain de bahut, j'ai le droit à des regards craintifs et des chuchotements sur mon passage.

Bande de lopettes.

Ils me regardent, me jaugent et me scrutent. Ils le savent : le moindre faux-pas de leur part à mon égard, et ce sont les représailles assurées. Je leur ai déjà démontré ma façon de penser, - et pas qu'une fois.

En me dirigeant vers mon casier, j'entends une fille brune dos à moi chuchoter en se pensant discrète :

- Elle se prend pour qui, sérieux ? Pourquoi ils la laissent faire ?

Ses copines me voient et blêmissent. Je crois que c'est l'occasion rêvée de leur montrer ce qui les attend cette année. La pimbêche, toujours dos à moi, demande :

- Bah quoi?

- Feur, soufflé-je à son oreille.

La pimbêche sursaute et se retourne violemment sur elle-même pour me faire face. Son visage s'est vidé de toutes ses couleurs.

Des ricanements se font entendre autour de nous. La brune commence à trembler, j'en profite pour esquisser un sourire victorieux.

- On a perdu sa langue ? demandé-je d'une voix calme mais méprisante.

- N..non, bégaye-t-elle.

- C'est ça. Et moi j'suis Heather Fayce, raillé-je. Oh mais attends ? Je suis Heather Fayce. Et j'ai horreur qu'on s'foute de moi. Pigé?

La pimbêche acquiesce de la tête et baisse les yeux, tandis que je reprends tranquillement mon chemin vers mon casier, ignorant les commentaires des autres cons.

Ça ? C'est moi.

Je suis Heather. Heather Fayce. La Terreur du lycée Highwell. Tout le monde me craint, tout le monde me fuit..

.. Et j'adore ça, putain.

Quand je suis arrivée dans ce trou à rats, il y a deux ans, les gens me prenaient pour une Gothique inoffensive a cause de mon rouge à lèvres Noir et mes vêtements de même couleur.

Autant dire qu'ils ont vite déchanté : je ne suis ni Gothique, ni inoffensive. Et ils l'ont bien compris.

Je ne joue pas dans la même cour que ces petits fils de Bourges coincés du cul. Non, certainement pas. Plutôt crever. Je ne suis ni hypocrite ni gentille, et je ne le deviendrais pas.

Je ne suis pas leur putain d'amie, encore moins une des leurs. Je suis tout bonnement moi, et je les emmerde tous autant qu'ils sont.

Je mets quelques cahiers dans mon casier. Au moment où je m'apprête à le refermer, j'entends des babillages agaçants semblables à ceux d'enfants de quatre ans provenir de ma gauche.

Ils viennent d'un groupe de lycéens juste à côté de moi. Ils discutent - beaucoup trop - fort, sans se rendre compte d'à quel point ils m'emmerdent.

L'un d'eux, brun aux yeux légèrement bridés, explose soudainement de rire pendant que je serre les poings. Son rire ressemble aux sons qu'émet un phoque en train de crever.

C'en est trop. Je ne supporte pas son rire. Je ne supporte pas sa gueule.

Ça serait con de gueuler dès le premier jour, non ?

A la place, je claque violemment mon casier en les fixant. Ils sursautent et se tournent vers moi, surpris, pendant que je leur lance un regard noir.

Ils semblent avoir compris puisque le brun lève les deux mains avec une moue désolée. Je me détourne, déjà blasée par cette année.

La cloche sonne alors que je ne sais même pas dans quelle classe de merde je suis encore tombée.

Je me dirige rapidement vers l'écran du hall pour voir dans quelle classe je suis. Je cherche mon nom et le trouve presque immédiatement.

Terminale T51.

J'entreprends d'aller vers ma classe sans grande conviction. J'ouvre la porte sans frapper et m'installe à une table vide.

- Mademoiselle Fayce, grogne monsieur Balmer.

Monsieur Balmer m'a dans sa classe depuis deux ans. Et deux ans, c'est long. C'est un prof de mathématiques.

Il est chauve et rondouillet, avec une barbe blanche. Son nez rond est toujours rougi, ainsi que ses joues. J'aurais pu dire qu'il ressemblait au père Noël, si je croyais encore à ces conneries.

- En chair et en os, réponds-je, un sourire provocateur aux lèvres.

- Veuillez demander la permission avant d'entrer, la prochaine fois.

- Oh mais je l'ai demandée monsieur, répliqué-je.

- Ah oui ? Et on peut savoir à qui ? demande-t-il, sceptique.

- A moi-même.

- Je vous demande pardon ?

- J'accepte vos excuses.

La bouche de Monsieur Balmer forme un « o » parfaitement circulaire, tandis que certains élèves ricanent. Au même moment, quelqu'un frappe à la porte. Le professeur déclare « Entrez » et la porte s'ouvre sur un garçon blond foncé, un peu essoufflé.

Ce bouffon a l'air assez grand, même s'il est plutôt mince. Ses yeux sont bruns et ses joues rougies par l'effort, comme s'il venait de taper le sprint de sa vie.

Monsieur Balmer me regarde et s'exclame en souriant :

- Vous voyez, c'est pas compliqué de demander la permission d'entrer.

- Vous avez dit de demander la permission, vous n'avez pas précisé à qui, répliqué-je malicieusement.

J'entends le garçon blond glousser légèrement, avant que le professeur ne le regarde de travers. Monsieur Balmer soupire avant d'ordonner au blond de s'assoir.

Je pose mes coudes sur la table, appuyant ma tête sur mes mains. J'entends une voix légèrement grave demander :

- Je peux m'assoir ici ?

Je ne prends pas la peine de tourner ma tête, puisque je sais que ce n'est pas à moi qu'on parle. La table à côté de la mienne est constamment libre. Depuis deux ans.

On se demande pourquoi.

Pourtant, je vois du coin de l'œil quelqu'un poser ses affaires et s'assoir à la table juste à côté de la mienne. Tournant ma tête, je vois qu'il s'agit du blondinet.

- Qui t'as autorisé à t'asseoir ici? demandé-je sèchement.

- Je t'ai demandé et tu ne m'a pas répondu, dit-il en haussant les épaules comme s'il s'agissait d'une évidence.

Je le dévisage, prête à lui coller ma main au visage. Je déteste qu'on me prenne pour une conne.

- Ça va détends-toi, sourit-il. T'as l'air sympa en plus !

Je fronce les sourcils en lui lançant un regard noir, qui le fait légèrement sursauter. Il se fout ouvertement de ma gueule ou je rêve ?

- Je suis pas sympa, le calmé-je froidement.

- Excuse moi, bredouille-t-il.

Je m'apprête à lui répondre sèchement, mais c'est Balmer qui prend la parole en premier :

- Monsieur Forêt concentrez-vous !

Le blondinet s'excuse tandis que je soupire. Ainsi, son nom est Forêt?

Quel nom de merde, bordel.

HEATHER FAYCE [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant