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Rues d'Alyon
19h23

Evan se baladait tranquillement dans le centre-ville, près de la mairie. Il regardait sans même y penser les boutiques qui n'étaient pas bien protégées contre le vol à l'étalage. C'était une habitude ancrée chez lui, ce n'était même pas volontaire. Dans ses gènes, l'instinct du voleur dictait ses lois, il soufflait ses ordres à tous ses autres organes, du cerveau à son cœur. Cet instinct, comme tous les gènes présents dans son ADN, lui venait certainement de ses parents, de pauvres SDF d'une grande ville éloignée, des anonymes qu'ils ne connaissaient ni d'Ève ni d'Adam, des inconnus qui l'avaient déposé au pas de la porte d'un orphelinat bondé.

Un bâtiment que ses cauchemars s'amusaient souvent à décrire comme une maison hantée :  grand, sombre et terrifiant. Ses mauvais rêves adoraient lui rappeler son enfance qu'on pouvait facilement qualifier de bien des adjectifs comme "courte", "malheureuse" ou tout simplement "triste". Cette enfance déprimante qui avait fait de lui celui qu'il était aujourd'hui : un jeune adulte désabusé par le monde qui avait besoin de voler pour se sentir exister, c'était sa drogue, ce sentiment jouissif quand on réussissait un larcin était comme de l'héroïne pour lui.

Cette drogue prenait différentes formes, le vol existait sous bien des aspects. La plus connue n'était pas forcément la plus intéressante ni la plus épanouissante, le vol matériel était certes un bon moyen de se défouler mais il n'était que très court et le jeu n'en valait pas toujours la chandelle. Dérober un bijou dans un petit magasin, c'était risqué et peu glorifiant, le dirigeant de la boutique ne tenant pas vraiment à son bien, il n'avait qu'une valeur matérielle à ses yeux à défaut d'en avoir une sentimentale. 

Le risque n'était pas franchement ce qui faisait vibrer Evan. Non, ce qui le faisait se sentir lui, ce qui le faisait exister, c'était le sentiment du vol à part entière, d'enlever quelque chose à quelqu'un. Et plus la chose en question était importante pour son propriétaire légitime (le fameux quelqu'un), mieux c'était. C'était pour cette raison que le lycéen préférait largement la forme de vol la plus mesquine : le vol amoureux. Il adorait quand les petites-amies déprimées ou attirées par sa beauté venaient tromper leurs mecs dans ses bras.

Non seulement cela valorisait son égo d'homme mais en plus, il savait très bien que les mecs trompés (et cocus) avaient été volés d'une chose bien plus importante qu'un quelconque bijou : la confiance.

Bon après, il ne fallait pas non plus le prendre pour un connard pur et dur. Certes, les apparences pourraient laisser penser qu'il avait un mauvais fond (après tout, il prenait plaisir à voler), mais c'était complètement faux. Il n'était pas foncièrement méchant, il n'était ni sadique ni malveillant. Il ne forçait pas les copines des autres à venir coucher avec lui, il ne les y incitait même pas. Il se contentait juste d'être là au bon moment et de ne pas dire non. Il ne volait pas les pauvres, juste les boutiques friquées. Il ne dérobait pas leur virginité aux filles si elles n'étaient pas d'accord.

Avec tous ses principes moraux, il estimait être une personne honnête ou, au moins, pas foncièrement malhonnête. Il était dans le juste milieu, ni tout blanc (il volait tout de même) ni tout noir (il n'avait jamais dérobé quelque chose de particulièrement important sentimentalement parlant pour quelqu'un).

Heure Inconnue

Amélie était toujours perdue dans ses pensées désorganisées. Son esprit essayait tout doucement de l'aider à se réveiller de son état comateux. Il lui faisait voir des souvenirs joyeux et légers pas endeuillés et déprimants, entendre des phrases heureuses et amusées pas dures et injurieuses, ressentir des sensations innocentes pas intimes... Il tentait par des techniques sensorielles peu subtiles mais inefficaces pour le moment (le bruit ambiant de la rue où elle était assise devenait bien plus fort que celui de ses hallucinations auditives pourtant la jeune femme semblait y être complètement indifférente quasiment sourde, la sensation du béton sale sous ses fesses lui paraissait particulièrement désagréable et contrastait avec le délicat coulissement du tissu sur ses jambes mais, cela n'atteignait absolument pas la lycéenne qui ne savait même pas où elle était assise) de la faire sortir de son état post-traumatique.

Pourquoi nous ? [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant