Et c'est ainsi que, tout naturellement, Mel et moi avons commencé à nous entraîner.
Trouver du temps fut compliqué, au début. Mel aurait aimé se lever plus tôt pour y consacrer du temps avant le petit-déjeuner, mais nous nous sommes vites aperçues que mon corps fonctionnait très mal à jeun. J'étais tombée dans les pommes dès les premières minutes d'efforts et Ian m'avait ensuite forcée à rester de longues heures à l'infirmerie. Je m'en étais sentie vexée, frustrée et diminuée, mais je n'avais rien dit. Ian s'inquiétait juste pour moi, parce qu'il tenait à moi.
Cet incident a renforcé ma détermination à m'endurcir. Dire que Mel était capable de tenir plusieurs jours sans nourriture !
Alors, Mélanie a décrété que les entraînements se dérouleraient le soir, avant le dîner, et s'assurait toujours que j'ai avalé un en-cas quelques heures auparavant. Je me sentais bien moins énergique après une journée entière de corvée, mais c'était le meilleur arrangement que nous avions trouvé.
Les premières séances furent les plus compliquées, et je me rendit compte de l'étendue de ma faiblesse. Au début, nous commencions par nous échauffer : Mel me montrait comment préparer progressivement chacun de mes muscles à l'effort, pour éviter les blessures, même si nous aurions pu nous en passer les premiers temps, étant donné que nous ne faisions que trottiner autour du terrain de sport.
« Il faut commencer par travailler ton endurance ! » Affirmait-elle, « Et aussi s'assurer que tu développes dès le début une bonne technique, sinon, ça finira par poser problème ».
Alors elle me faisait courir le long du terrain, et me suivait avec une petite lampe (qu'elle avait exceptionnellement le droit d'utiliser) pour bien voir mes mouvements. Je n'aurais jamais pensé que courir s'avérait si compliqué, d'ailleurs, cela m'avait paru si naturel dans ma première vie humaine !
Alors que dans ce corps, tout était à apprendre. Je devais me tenir droite, regarder devant moi et surtout pas mes pieds, ne pas crisper des muscles inutilement, ne pas serrer les poings. Mais je devais également accompagner le mouvement avec mes bras, maîtriser ma respiration, poser mon pied sur le sol d'une certaine manière. Il y avait toujours un détail à corriger :
« Allez, Vagabonde, redresse ta tête ! Oui, comme ça, mais ne laisse pas balotter tes bras ! Non, non, desserre les poings surtout, et soit plus tonique, ne subit pas ton corps ! Allez, on inspire, on expire, très bien, garde le rythme ! »
Pour être franche, au début quelques minutes suffisaient à m'épuiser. Je me sentais terriblement lasse, le soir, courbaturée d'avoir parcouru à peine quelques mètres avant de m'effondrer, le souffle court et collante de transpiration.
Et pourtant, petit à petit, je me suis améliorée.
Mel a commencé à reprendre ma posture moins souvent, ou alors c'était pour des détails. Je gérais beaucoup mieux mon souffle et la simple course ne meurtrissait plus mes muscles. A ce moment, Melanie a décidé que nous allions passer à la vitesse supérieure, et nous avons quitté le terrain de jeux pour les autres couloirs : Mélanie partait en tête, aérienne, la démarche sautillante, et je devais la suivre à travers les couloirs qui s'enchaînaient les uns après les autres. J'étais incapable de dire par où nous passions, tant j'étais concentrée sur mes foulées, ma respiration, mes muscles, je gardais les yeux rivés sur Mel et je m'efforçais de suivre sa cadence.
Je pense sincèrement que ces séances lui ont fait du bien, à elle aussi : elle aimait courir, je me rappelais le plaisir qu'elle éprouvait à faire chauffer ses muscles et travailler ses jambes. Elle devait souvent se réfréner, pour ne pas me semer de ses grandes foulées sans effort, mais je sentais l'exaltation que lui procurait l'exercice, et le bonheur de se sentir utile, qualifiée dans un domaine en particulier.
Ainsi, si au début le sport n'était pour moi qu'une façon fastidieuse d'atteindre mon objectif, petit à petit je me suis mise à apprécier nos courses. Lorsque nous en avions la place, nous courions côte à côte, occupant toute la largeur des tunnels. Nous parlions peu, mais chacune était profondément consciente de l'autre. C'était un peu comme retrouver notre communion perdue. C'était bon.
Nous venions justement de terminer une session d'entraînement ce jour-là. Nos pas nous avaient menées jusqu'à la parcelle la plus éloignée, et nous revenions maintenant vers les parties communes en marchant et en soufflant.
Mel m'a doucement frappé l'épaule.
« C'était vraiment bien, aujourd'hui, Gaby ! Regarde-toi, tu es à peine essoufflée. »
J'ai ris.
« Allons, c'est gentil de m'encourager, mais pour toi, nous allions au ralenti. Tu m'aurais distancée rien qu'en adoptant ton allure de croisière favorite ! »
« Bien sûr que cela aurait été le cas, mais je suis grande et j'ai des années à la dure derrière moi. Ce n'est pas comparable. Mais je suis sérieuse, Gaby. Tu t'es vraiment appliquée. Tu as pris un peu en souffle, tu as habité ton corps à l'exercice et surtout, tu as acquis des automatismes. Maintenant, je vais pouvoir te muscler un peu ! »
Elle a tâter mon biceps maigrichon, un sourire aux lèvres. C'était vrai, il restait beaucoup de chemin à faire. J'étais toujours incapable de porter la moindre charge et j'apparaissais toujours frêle. Je m'étais même amincie ! Mais j'avais appris à gérer un effort. Un petit effort, du moins. Je me suis persuadée que c'était déjà beaucoup, beaucoup mieux qu'il y avait quelques semaines à peine. Mon seul regret était que toute cette dépense d'énergie m'épuisait : l'heure de se coucher venue, une fois installée sur mon matelas, je m'endormais en quelques secondes. Autant dire que la situation avec Ian n'avait pas évoluée. Même mes journées de repos étaient essentiellement utilisées à dormir ! Je brûlais de revivre une nuit comme celle que nous avions partagée, mais je perdais toujours la lutte contre mes paupières ! Et Ian, comme il devait se sentir frustré, et délaissé... Pourtant jamais il ne m'avait fait de reproches. Il était aux petits soins, écoutait avec patience mes progrès.
Il était bien plus que ce que je méritais.
« Il faudra juste que je réfléchisse, pour savoir ce qu'on utilisera », continuait Mel à mes côtés. « Je vais peut-être demander à Jared de bricoler quelque chose, il est bien plus minutieux que moi... Et en attendant, on pourra commencer au poids du corps, par exemple en faisant... »
Elle a laissé sa phrase en suspens, sans la finir, ce qui m'a alertée. Nous étions au niveau de la grande place, prêtes à nous engouffrer dans le passage menant à la salle des rivières. J'ai suivi son regard, et j'ai découvert Kyle, un peu en retrait, qui hésitait visiblement à nous aborder.
Kyle qui hésitait ! Quelle drôle de vision.
Nous nous sommes approchées à portée de voix. Mélanie le toisait, hostile. Elle ne l'aimait toujours pas. C'était naturel, d'un côté. Il avait essayé de nous tuer à plus d'une reprise. Moi-même, je ne pouvais m'empêcher de me sentir légèrement angoissée en sa présence. C'était idiot pourtant : moi et Kyle n'étions pas amis, mais nous étions quitte. Et puis, Ian lui-même n'avait-il pas tenté de m'étrangler, durant les premiers jours que j'avais passé dans ces grottes ?
La voix de Kyle a interrompue mes pensées.
« Hum... Gaby, ce serait possible de te... Parler ? Seul à seule ? »
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Et voilà, partie plus longue que d'habitude, ça rattrape la fois où j'avais fait une toute petite partie! J'espère que le rythme de l'histoire n'est pas trop lent, j'ai des tas d'idées, je sais où je vais, mais je déteste précipiter les choses... Chaque événement doit se dérouler en temps et en heure! :)
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Les âmes indigènes [Les âmes vagabondes Fanfic]
Fanfic" La vie et l'amour ont continué dans le dernier bastion humain de la planète Terre". S'éveillant dans son nouveau corps pour sa dixième vie, Gaby a enfin trouvé son compagnon et sa planète d'accueil. Réunie avec tous ceux qu'elle aime, elle doit...