Les âmes indigènes [Les âmes vagabondes Fanfic]

Chapitre 92

Lorsque les grottes s'éveillèrent doucement autour de nous, résonnant des premiers bruits de pas et des conversations étouffées, nous étions encore éveillés. Kyle avait somnolé quelques heures, rattrapé par la fatigue, mais j'étais restée les yeux grands ouverts tout le long. Ce fut la faim qui nous tira du lit.

- C'était la meilleure nuit que j'ai passé depuis que je suis arrivé ici, ricana Kyle avec un regard suggestif.

Je levai les yeux aux ciels.

- Sois poli, lui dis-je, mais j'avais capté l'étincelle de malice dans ses yeux, et c'est avec tendresse qu'il m'aida à me relever.

Depuis qu'il m'avait enlevé, c'était la première fois que je lui voyais un tel regard. Je ne pus m'empêcher de me repasser le film de tout ce temps passé depuis cet évènement, qui avait changé le cours de ma vie.

Le chemin jusqu'à la cuisine fut plus long que d'ordinaire. Je marchai avec précaution. J'avais peut-être traité un peu durement mon corps cette nuit, et je m'en voulus un peu, bien que les souvenirs de Jodi se voulaient rassurant sur le phénomène.

Kyle aspirait à se rendre au fond de la pièce, là où nous avions nos habitudes, dissimulés dans l'ombre tout en ayant une vue globale sur les autres humains. Mais à notre arrivée, nous étions attendus : Ian et Gaby et Jared et Mélanie s'étaient rassemblés autour d'une même table, et Ian avait adressé un signe de tête discret mais éloquent à son frère. Kyle voulut continuer tout droit, faisant mine de n'avoir rien vu, mais je plantai mes talons dans le sol et restai accrochée à son bras. Tous ces gens aimaient Kyle à leur façon, et je trouvais ça mal de sa part de ne pas répondre à leurs préoccupations pour lui. D'accord, Mélanie ne le portait peut-être pas dans son cœur, mais son expression ne me paraissait pas hostile. Et l'hostilité ressortait toujours bien, sur un visage humain.

Kyle baissa vers moi un regard excédé, et je haussai les sourcils en réponse. Il s'était arrêté, plus pour ne pas me déséquilibrer que parce que je l'avais vraiment retenu. Il n'y eut pas un mot entre nous, mais nous n'en avions plus besoin autant qu'avant. Il lut la détermination butée de mon regard, eut un bref coup d'œil vers l'arrière, où des bruits de pas résonnant indiquaient l'arrivée prochaine d'autres personnes dans la cuisine. Enfin, il poussa un soupir résigné et me suivit retrouver nos amis. Il se laissa tomber à côté de son frère, qui l'accueillit avec un coup de poing dans l'épaule. Je savais bien que c'était une démonstration d'affection, mais je ne m'y ferais jamais tout à fait. Gaby, assise en face de Ian et à côté de Mélanie, se poussa pour me faire de la place, tout en sourire et en fossettes, et Mélanie elle-même posa un regard bienveillant sur moi.

- Tu te sens bien, Soleil ? Me demanda Gaby une fois que je fus installée. Malgré son sourire, son front prit un pli soucieux. « Tu as l'air de te déplacer avec précautions... Peut-être que tu devrais retourner voir Candy ? Est ce qu'il y a des blessures que tu as passé sous silence pour ne pas nous inquiéter? »

Elle avait l'air si préoccupée pour moi! Je ne pus m'empêcher de la dévisager, embarrassée et amusée à la fois. Jodi ne se serait pas gênée pour lui expliquer la méprise, mais je ne me voyais pas parler d'un tel sujet à Gaby, fusse-t-elle mon amie. Surtout en pareil compagnie. Je bégayai une vague réponse pour la rassurer, les joues en feu, puis je surpris comme un échange de regard à travers la table. Personne n'étais dupe. L'absence d'inquiétude de Kyle à mon égard et son regard fier, intense et brûlant posé sur moi étaient des aveux à eux-même.

- Je vais chercher nos bols, m'exclamai-je, et je me levai maladroitement ensuite.

L'idée me parut immédiatement mauvaise, car en me déplaçant ainsi je permettais à tous de constater par eux-même que je marchais effectivement un peu différemment de d'habitude. Cela aurait pu passer inaperçu, mais Gaby était une âme, elle était donc observatrice et soucieuse de mon bien-être. Et moi, je n'étais que trop peu habituée à douleur, la moindre gêne dans mon corps prenait des proportions ridicules. Même en étant éloignée, je perçus la conversation qui s'ensuivit :