Chapitre 36

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Le réveil, le lendemain matin, fut douloureux. Je n'avais aucune envie de me lever, aucune envie de quitter les bras de Ian, mais une longue journée nous attendait. Nous prîmes tout de même le temps de terminer ce que nous avions commencé la veille au soir, et c'est à toute allure que nous avions englouti notre petit-déjeuner, euphoriques comme des enfants. Après quoi Ian avait pris la direction des champs. Avec le départ de Jared, de Mel et de Doc, chaque paire de bras devenait indispensable.

La tête encore pleine de pensées qui me faisaient rougir, je suis partie pour la réserve. J'étais de corvée d'épluchage de pomme de terre aujourd'hui, et je devais ensuite emmener les épluchures au compostage, une des nouvelles idées de Jeb.

Alors que j'approchais de la fin du couloir sombre, des halètements se firent entendre. On aurait dit les grognements de quelqu'un en plein effort. Je m'approchais avec prudence, toute frivolité envolée, pour découvrir... Soleil.

En m'entendant entrer dans la pièce, elle se retourna vivement, et un petit cri de peur lui échappa avant qu'elle ne me reconnaisse. Elle porta une main à sa poitrine.

- Gaby ! Souffla-t-elle, trop essoufflée pour en dire plus.

- Soleil, je suis désolée de t'avoir effrayée ! Qu'est ce que tu essayais de faire ?

A ses pieds se trouvaient une petite lampe, et l'énorme sac de pomme de terre, qu'elle avait sûrement essayé de traîner au sol.

- Tu es aussi aux pommes de terre ?

Elle confirma d'un hochement de tête, reprenant son souffle. J'étais surprise, c'était une besogne qui pouvait être assumée seule, il me semblait que l'aide supplémentaire serait plus bienvenue aux champs. Mais j'avais peur de comprendre, Soleil et moi devions encore être considérées comme fragiles pour le moment...

J'ai repoussé au fond de moi le sentiment de déception qui m'a envahi. Au moins, je n'avais pas eu besoin d'argumenter sur ma capacité à aider aux tâches, aujourd'hui.

- Viens, on va le porter ensemble, ai-je déclaré à Soleil.

Elle m'a rejoint et nous avons tant bien que mal soulevé le lourd sac de toile. Les patates pesaient leur poids, mais mes bras semblaient le supporter sans trop de mal. C'était dur, mais à ma portée. Je me suis sentie un peu mieux à cette idée.

Nous n'avons pas beaucoup parlé tandis que nous transportions le sac jusqu'à la cuisine, le souffle était précieux. Durant les quelques minutes que durèrent le trajet, j'eus cependant le temps de réfléchir à toute allure. Me retrouver avec Soleil était inattendu, mais pas déplaisant, et j'avais décidé de prendre ça comme un coup du destin, quand bien même le destin s'appelait Jeb. Récemment, j'avais affirmé préférer ne pas me mêler des affaires de Soleil, et je ne comptais pas être indiscrète, mais je pouvais au moins lui faire sentir que j'étais pour elle si elle le désirait.

Nous sommes finalement arrivées à la cuisine, qui était maintenant déserte. Nous avons posé le sac avec soulagement, et Soleil a jeté un œil à l'intérieur.

- On a du boulot, a-t-elle constaté.

Et nous nous y sommes mises sans plus tarder.

En soi, le travail n'était pas compliqué, mais il était répétitif et vite lassant. Je m'y étais cependant toujours attelée de bon cœur, heureuse de me rendre utile. A côté de moi, Soleil n'était pas tranquille. Je la sentais un peu agitée, elle jetait à intervalles réguliers des coups d'œil vers moi.

- Quelque chose te tracasse, Soleil ? Ai-je fini par demander, sentant qu'elle n'oserait pas commencer.

Je l'ai entendu soupirer. J'ai aperçu un nouveau regard rapidement glissé sur le côté, mais elle restait silencieuse. Elle semblait en plein débat avec elle-même. Tentait-elle de décider si elle pouvait se confier à moi ? Ou cherchait-elle juste une manière de me dire qu'elle ne le voulait pas, justement ? Comme le silence s'éternisait, je me suis trouvée déplacée, et j'ai voulu m'excuser.

Les âmes indigènes [Les âmes vagabondes Fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant