Chapitre 1.

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« Les pluies cesseraient bientôt. Alors, Ian et moi, on s'installerait ensemble comme deux compagnons, au véritable sens du terme. »

Finalement, ce jour arriva.

Un matin, alors que nous étions tous réunis dans la cuisine pour partager l'habituel petit déjeuner avant nos corvées, Jeb a annoncé qu'il pensait les pluies belles et bien terminées pour la saison. Cela faisait 5 jours de suite qu'aucune goutte n'était tombée du ciel, et le patriarche affirmait que l'air sec ne trompait pas.

-  Alors finissez de manger et débarrassez-moi le terrain de sport avant d'attaquer vos tâches de la journée. Chacun retrouve sa chambre ce soir ! 

L'annonce fut suivie de chuchotements enthousiastes et soulagés. Quelqu'un fit un commentaire sur les ronflements de Jeb, qui ne manqueraient à personne, mais je fus incapable de déterminer qui. Autour de nous, l'ambiance était légère : tout le monde était ravis de pouvoir retrouver un peu d'intimité, la constante proximité des uns et des autres sur le terrain de sport commençait à peser, même pour les plus patients d'entre nous. J'ai senti Ian qui pressait doucement ma main, et je me suis tournée vers lui pour sourire. Nous allions finalement nous installer ensemble.

Peu de temps après, j'étais derrière Ian et Kyle, qui portaient à deux le matelas double que nous utiliserions pour dormir. Mes bras étaient à peine chargés de quelques couvertures, et je réfléchissais avec angoisse en parcourant les tunnels.

Bien sûr, je voulais m'installer avec Ian, plus que tout. Je ne supportais pas d'être séparée de lui trop longtemps, et il aurait été stupide de faire chambre à part, pas alors qu'il était mon compagnon, pas alors que j'avais volontairement menti -chose si inhabituelle pour une âme- sur mon âge pour jouir pleinement de notre relation.

Cependant, aussi certaine de mes choix que je l'étais, je ne pouvais réprimer une pointe d'appréhension. C'était l'inconnu qui s'ouvrait à moi, et j'avais du mal à séparer mes propres émotions de celles générées par ce corps, si jeune et inexpérimenté à bien des niveaux. De plus, mon angoisse m'embêtait, car je savais bien que Ian la ressentirait, lui qui me connaissait si bien, or il risquait de mal l'interpréter, et je n'obtiendrais alors pas ce que je désirais.

Car il aurait été vain de tenter d'ignorer ce désir qui grandissait lentement en moi. Je voulais être avec Ian, de toutes les manières possibles. De la même façon que le touché de Jared embrasait la peau de Mélanie, celui de Ian réveillait de nombreux sens, et je ressentais sans cesse ce besoin de le toucher, de le sentir près de moi. C'était différent de ce que j'avais expérimenté dans le corps de Mélanie, cependant. Cette fois, c'était mes réactions.

Devant moi, les deux frères se chamaillaient, fidèles à eux-mêmes. Soleil, non loin d'eux, souriait tendrement devant ce spectacle. Elle non plus ne se séparait pas de Kyle : ils formaient une paire étrange, mais à laquelle chacun s'était habitué. Même Kyle semblait un peu moins hébété par la situation qu'au début.

En souriant moi aussi, j'ai rattrapé Soleil tant bien que mal. Elle m'a attendue, un gros oreiller serré contre sa poitrine.

Nous avons parcouru les derniers mètres ensemble, dans un silence confortable. Soleil était l'une des miennes, une âme comme je l'étais, bien qu'aussi déracinée que moi à présent. J'appréciais sa compagnie, qui me permettait en un sens de garder un lien avec celle que j'étais au fond de moi. J'étais devenue humaine, en bien des égards, mais il me semblait important de ne pas oublier ma véritable nature, de ne pas oublier que je serait toujours un peu différente des humains que j'aimais.

Les garçons avaient déjà arrangé le matelas sur le sol, le poussant contre la paroi du fond. Autour de nous, les gens s'activaient également avec bonne humeur, en profitant parfois pour réaménager leurs espaces, autant que c'était possible en tout cas.

Kyle est ressorti de la chambre en adressant un signe à Soleil. Cette dernière a hoché la tête dans ma direction, puis s'est empressée de rejoindre Kyle. Ils se sont dirigés vers leur propre chambre, leurs épaules se frôlant.

J'ai déplacé le paravent qui obstruait l'entrée du renfoncement dans la pierre et j'ai déposé mon paquetage sur le coin du lit. Ian était assis à l'autre extrémité, et il a tendu les bras vers moi.

Je m'y suis aussitôt blottie, sentant mes joues légèrement tièdes. C'était le grand malheur de ce corps : même maintenant, le moindre geste d'affection de Ian envers moi provoquait un rougissement, bien que plus ténu que ce que j'avais à subir au tout début.

J'ai passé mes bras autour de sa taille, mes mains se rejoignant dans son dos, et j'ai posé ma tête sur sa poitrine, humant avec bonheur l'odeur de sa peau. D'un geste machinal, il a caressé mes cheveux, dans un rythme régulier.

- Ce soir, ce sera enfin à nouveau juste tous les deux, soupira-t-il avec un petit rire. Je commençais à étouffer, à dormir entouré de tant de personnes. 

J'ai ris.

- C'est toi qui les étouffais, plutôt, personne ne voulait s'approcher trop près de toi par peur de se prendre une jambe ou un bras durant la nuit. Tu les as tous forcés à se serrer davantage les uns contre les autres, loin de toi. 

Il a rit avec moi, acceptant la remarque sans sourciller. Puis, il a retrouvé son sérieux et a froncé les sourcils.

- Tu es bien sûre de toi, Gaby ? Être ici, avec moi, c'est ce que toi tu veux, et pas une action destinée à me faire plaisir uniquement ? 

Je me suis doucement écartée de lui. C'est une question à laquelle je devais répondre en le regardant dans les yeux. J'ai donc plongé mon regard dans le sien, infiniment doux, et j'ai déclaré, certaine de moi malgré mes joues désormais brûlantes :

«  Je veux partager cette chambre avec toi. Moi, Gaby la Vagabonde, ne désire rien d'autre que d'être avec toi, et uniquement toi. Tu es mon compagnon, Ian, mon âme sœur, si j'ose dire, je ne te le répéterais jamais assez ».

Il a scruté mes prunelles, mon visage, et a semblé satisfait par ce qu'il pouvait y décrypter. De nouveau, un grand sourire à étiré ses lèvres, et il m'a embrassé, tout doucement. 

Les âmes indigènes [Les âmes vagabondes Fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant