Chapitre 32

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Des petits coups au mur m'ont fait sursauter. Perdue, je me rappelais vaguement que j'étais en train de compter, et je tentais de me remémorer à quel nombre j'étais parvenue, lorsqu'une voix retentit à travers l'ouverture de notre chambre :

- Gaby ? Je peux entrer ? C'est Doc.

- Oh ! Oui, bien sur.

Je me suis redressée en position assise, essuyant une trace de salive sur ma joue avec ma manche. Il fallait croire que je m'étais finalement assoupie. La douleur dans ma tête était moindre, plus sourde qu'aiguë à présent. Ce n'était pas forcément mieux, mais c'était plus supportable. La silhouette de Doc s'est découpée dans l'entrée. Il a avancé tranquillement, et s'est assis non loin de moi, le regard scrutateur.

- Quelque chose s'est passé ? Ai-je immédiatement demandé d'une voix tendue.

- Non, non, rassure toi ! Ian a insisté pour que je passe te voir. Il ne te trouvait pas en forme. Jeb ne le lâche pas, il y a eu de la casse du côté des miroirs et il insiste pour qu'ils soient tous descendus, vérifiés, rafistolés si on le peut, et il tient un inventaire du nombre qu'il faudra réussir à nous procurer pour les remplacer.

J'ai hoché la tête. Cela ressemblait à Jeb. S'occuper des miroirs demandait au moins une personne pour monter à l'échelle, deux autres pour la tenir fermement, et il fallait quelqu'un d'adroit et d'agile là-haut. Un mouvement à la périphérie de mon champ de vision m'a fait tourner la tête, et j'ai vu que Doc me présentait quelque chose dans sa main en coupe : une petite pastille de Stop Douleur. Je l'ai regardé, un peu désorientée. Je n'avais pas le souvenir de m'être plainte de douleur à quiconque. En même temps, c'était une délivrance que de pouvoir prendre le médicament, et je ne me suis pas fait prier.

- Je me doutais que tu en aurais besoin, a commenté Doc d'un ton détaché. Tu as encore traversé beaucoup de choses ces derniers jours.

Je suis restée silencieuse. L'effet du Stop Douleur était merveilleux, je me sentais déjà incroyablement plus légère, la tête bien plus claire.

- J'ai entendu ta petite conversation avec Grâce. La fin, du moins, a avoué Doc.Il avait l'air un peu penaud. «Vous n'étiez pas très discrètes », a-t-il ajouté, comme pour se défendre.

- Je sais, ai-je simplement dit, et cela valait pour toutes ses phrases.

- Je n'ai rien dit à Ian, a-t-il enchaîné, d'une voix radoucie.

- Merci.

J'ai baissé les yeux, je me suis mordue la lèvre. Doc ne disait rien, attendant que je reprenne. Il me connaissait mieux que je ne le soupçonnais. Instinctivement, il semblait savoir qu'en maintenant ainsi le silence, je me sentirais obligée de le combler...

- Je ne veux juste pas qu'il s'inquiète, ai-je murmuré. «Et je ne veux pas de dispute. Je ne m'attendais pas à tant d'hostilité de la part de Grâce, c'est vrai, mais... »

Je me suis tue. Je ne savais pas quoi ajouter. Il était parfois difficile de mettre des mots justes sur ce maelstrom d'émotions humaines.

- Tu sais, Gaby, je ne pense pas que Grâce cherchait à te blesser. Elle a été terriblement maladroite, mais tu l'as été autant qu'elle.

- Tu la défends, alors ? Ai-je demandé, mi-révoltée et mi-résignée.

- Autant que je te défends, toi. Écoute. Avant votre arrivée, la vie de Grâce était probablement déjà compliquée. Je ne sais pas de quand datent ses brûlures, mais à tout le moins elle aimait les femmes, et pour certains humains, c'était un crime. Ensuite, elle a du fuir et se cacher, comme nous tous, et comme nous elle a sûrement eu son lot de difficultés, de pertes, de peur et de douleur. Nous ne connaissons pas les circonstances de son arrivée dans le groupe de Nate et Rott, mais elle a du apprendre à cohabiter avec une âme, et tu sais comme moi que ce n'est pas facile de vivre avec celui que l'on pense notre ennemi. Même Ian s'était montré plutôt défavorable à ta présence ici, dans un premier temps.

Les âmes indigènes [Les âmes vagabondes Fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant