Chapitre 40

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- Gaby ? Tu m'entends toujours ?

Jared était agenouillé en face de moi. Il ne restait que nous. Son visage était toujours aussi fermé. Il vivait dans l'instant présent pour ne pas craquer. Son corps entier était tendu, crispé. Mais une lueur d'inquiétude se distinguait dans ses prunelles. Ce qu me fit chaud au cœur.

Quelle idiote.

- Oui, soufflai-je entre mes dents serrées.

L'adrénaline retombée, je sentais de nouveau mon corps et ses douleurs. Mais dans le même temps, j'avais l'impression d'avoir retrouvé le contrôle de mes muscles. Relâcher ceux de mon cou me demanda un effort et me procura du soulagement, quand je me rendis compte des crampes que j'avais provoqué en restant si contractée. J'eus un instant de soulagement, en osant espérer que je n'étais finalement pas si blessée que ça, et un instant de gratitude en sachant Ian au loin, loin de ce spectacle.

Jared n'osait pas me toucher, et c'était sûrement mieux comme ça. Je le voyais relever fréquemment la tête, guettant sûrement l'arrivée de Candy. Il avait aussi promené ses yeux sur mon corps, probablement à la recherche d'un saignement, mais j'avais été chanceuse de ce côté là aussi.

Je m'appliquais donc à relâcher tous mes muscles, je tentais de faire le point sur mes sensations, avec Jared près de moi, qui me parlait à mi-voix. Il avait refusé de m'aider à me tourner tant que Candy ne serait pas là, mais avait étendu sa veste sur moi, pour me préserver du froid que je ressentais.

Le froid. Depuis combien de temps n'avais-je pas eu froid ?

Aux confins de ma tête, une petite phrase tournait. Sharon t'a attaquée. Elle ne m'avait jamais aimée, bien entendu, mais jamais elle n'avait fait preuve de violence physique à mon égard. Une étape avait été franchie dans l'échelle de la violence, et ça me rendait malade.

Après une éternité d'attente, j'entendis des pas, puis l'exclamation étouffée de Candy en me découvrant au sol.

- Bonsoir, Gaby. Je suis là pour m'occuper de toi, tout ira bien. Peux-tu me dire comment tu te sens ?

Arrivée devant moi, Candy avait recomposé son visage, reprit le contrôle de sa voix. Elle s'était glissée dans son rôle de soigneur, et je devinais aux intonations et aux tournures qu'elle utilisait qu'elle reprenait les habitudes d'Aurore, l'âme qui l'avait habitée un long moment, et qui avait forcément laissé une trace sur son esprit et son corps.

- Je trouve le sol inconfortable, réussis-je à murmurer, la joue écrasée par la pierre, alors je pense que je ne suis pas trop amochée...

Jared me fit les gros yeux en entendant ma tentative d'humour. Mel aurait trouvé ça hilarant, elle. Mais je concevais que le moment n'était pas le meilleur. J'avais juste eu envie de dédramatiser la situation. De faire comme si ce n'était rien.

Comme si.

- J'ai mal partout, ai-je finalement repris, lentement. Mais rien n'est insoutenable ou trop lancinant.

Candy a hoché la tête, et s'est mise à fouiller dans le petit sac en toile qu'elle avait apporté avec elle. Savait-elle, pour Doc ? Je ne pensais pas.

- C'est très encourageant, ça ! M'a-t-elle répondu, en souriant, et j'ai vraiment eu l'impression de parler avec une autre âme. Je vais te donner du Stop Douleur dans quelques instants, mais d'abord quelques questions. Sens-tu tes jambes ?

J'ai répondu par l'affirmative. Elle m'a touchée à différents endroits, légère comme un papillon, et je sentais tout : sa main sur ma cheville, mon mollet, mes hanches. Elle m'a posé d'autres questions, me demandant de cibler un peu plus mes douleurs. Elle a semblé satisfaite, et j'ai eu droit au Stop douleur, qui fut un soulagement immédiat, comme toujours.

Les âmes indigènes [Les âmes vagabondes Fanfic]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant