Chapitre 1. 1, Bienvenue au Palais Blanc

767 92 87
                                    

NOVA


Un vent frais s'infiltra dans sa chambre par la fenêtre entrouverte, faisant frémir légèrement la douce princesse. Le regard figé en direction du miroir de sa coiffeuse, elle fixait un point inexistant, son corps tendu par une angoisse qu'elle ne pouvait contrôler. Derrière elle, l'une de ses servantes coiffait lentement ses cheveux. Ses mains délicates soulevaient, mèche par mèche, sa chevelure blonde, les brossant avec précision et expertise. Elle lui répétait souvent qu'elle avait rarement vu crinière si aisément domptable, arrachant à la douce demoiselle des sourires gênés.

La servante continuait de la coiffer avec lenteur, inlassablement, défaisant chaque nœud de chaque mèche tandis que la jeune fleur ne bronchait pas, le regard perdu, trouble.

Une anxiété certaine la dévorait depuis quelques jours, lui nouant l'estomac et semblant lui broyer le palpitant. La pauvre enfant n'osait en parler à personne, honteuse de sa propre faiblesse. Son visage en disait tant que sa camériste finit par prendre la parole d'une voix douce.

— Princesse Nova, qu'y a-t-il ? Vous sentez-vous mal ?

L'héritièrecligna vivement des cils, comme ramenée à la réalité, et ses yeux noisette cherchèrent ceux de sa servante à travers le reflet du miroir. Captant son regard gris, elle rencontra toute sa douceur et sa bienveillance. D'aussi loin que remontaient les souvenirs de la princesse, Alhérie avait toujours été ainsi avec elle. Elle la réconfortait dans les moments de doute, l'accompagnait lorsqu'elle devait prouver qui elle était et l'encourageait à chaque instants.

— Rien de grave, Alherie, répondit-elle. Je me sens juste quelque peu... anxieuse, ces temps-ci.

Quelque peu était un bien faible mot ; la douce Nova ne mangeait presque plus rien, se montrait distraite lors de ses leçons, et son regard se perdait incessamment dans le vague. Posant doucement la brosse, Alherie vint caresser ses cheveux.

— Pourquoi donc, Votre Altesse ? Qu'est-ce qui peut bien troubler ainsi votre esprit ?

La princesse se mordit nerveusement l'intérieur des joues ; les raisons de ses angoisses étaient plus qu'idiotes, elle en avait conscience et en avait honte. Du haut de ses quatorze ans, jamais Nova n'avait eu de suivante et, pour la première fois, une dame de noble naissance allait entrer à son service. Si l'optique d'avoir à ses côtés une jeune femme de sa condition l'enchantait, le choix de celle-ci semait en elle des peurs incontrôlées.

La dame qui arriverait, plus âgée de quatre ans, était également d'une maisonnée dont on savait trop peu de choses. Si la maison Asinis était d'une puissance indéniable, un certain mystère l'entourait, et de lourds soupçons avaient un temps pesés sur eux. La disparition brutale de leur seigneur et de leur héritier avaient placé à leur tête Anemos Asinis, un homme que l'on disait aussi froid qu'impétueux. Lorsque le roi avait daigné se pencher sur cette affaire, les Asinis s'étaient offusqués, prétextant que les affaires des Carmines ne regardaient que les Carmines, et que la Couronne ferait bien de s'occuper de ses propres affaires.

C'était ainsi que semblait fonctionner le monde : nombreux étaient les vassaux à vivre dans l'indépendance, ignorant jusqu'aux lois énoncées par celui qui pourtant était leur roi. A quoi bon être roi d'une terre si chacun n'en fait qu'à sa tête ? Telle était la question que se posait parfois Nova, enfant trop innocente dont le front serai ceint un jour de la couronne des rois Iseal. Son père avait prit le contrôle des provinces jusqu'ici indépendantes, avait fait plié bien des genoux et rangé bien des épées. Et pourtant, l'unicité qu'il aurait dû ramener sur Nokrov n'était qu'une belle fable offerte aux livres plus qu'aux hommes.

Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant