Chapitre 23.2, La quête de la lumière

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[...]

— Mag !, appela le pêcheur.

Une femme, âgée d'une trentaine d'années peut-être, aux cheveux noirs, tourna la tête vers lui et sourit à pleines dents. Elle s'avança vivement, soulevant les pans de sa robe pour faciliter sa marche à travers les hautes herbes, puis regarda curieusement le jeune homme qui se trouvait aux côtés du pêcheur.

— Vous êtes qui, vous ?

Synsivik se trouva décontenancé – jamais il n'avait vu de femme auparavant. Il la détailla du regard pendant de longues secondes, observant ce visage bien plus fin que celui d'un homme, ces cheveux si longs, ces courbes bien étranges – ces seins ronds, cette taille fine, ces hanches larges. C'était là une créature bien étrange, un péché qu'il ne s'attendait pas à voir un jour. Après tout, jamais il ne s'était imaginé quitter sa montagne. Finalement, voyant que les sourcils de la femme se fronçaient légèrement face à son regard insistant, il se décida à répondre.

— Je suis Synsivik, l'un des frères du Temple Supérieur.

Elle parut intriguée, inclinant la tête sur le côté.

— J'savais pas qu'vous descendiez d'votre montagne, lança-t-elle.
— Nous ne le faisons pas, mais il est arrivé quelque chose de tragique, là-haut.

Elle fronça les sourcils, interrogeant le pêcheur du regard. Celui-ci lui indiqua qu'ils en discuteraient plus tard et la présenta au religieux ; il s'agissait de son épouse, Magora. Synsivik l'observa presque sévèrement, toujours troublé par la présence féminine. Il détourna alors le regard, comme rappelé à l'ordre par sa foi, comme craignant que cette vision ne brûle ses rétines et le rende aveugle. La femme est péché, se répéta-t-il.

— Je n'aimerais pas m'attarder ici. J'ai beaucoup à faire, j'aurais simplement besoin de vêtements propres, de nourriture et d'un bateau.
— C'est qu'il est audacieux l'gamin, s'étonna Magora.
— Je parlais à Bart, indiqua Synsivik. Pas à toi, femme.

Magora écarquilla les yeux, tournant un regard scandalisé vers Bart. Celui-ci lui fit signe de ne pas relever et, portant une main dans le dos du jeune homme, il l'emmena à travers le hameau. Synsivik resta silencieux, n'ayant même pas conscience de s'être montré insultant. Le pêcheur l'entraîna jusqu'à une bâtisse de bois où il le fit entrer. Dans la pièce principale jouaient deux enfants, des garçons, le plus âgé des deux ayant dix ans tout au plus. Ils saluèrent Synsivik d'un timide hochement de tête.

— Dan, va chercher d'l'eau pour notre invité.

L'aîné hocha la tête et fila, obéissant à son père. Bart alla fouiller dans une caisse de bois qui traînait dans un coin de la pièce, en tirant plusieurs morceaux de tissu. Finalement, son choix se porta sur un chemisier et un pantalon, tous deux d'un marron étonnamment verdâtre, qu'il tendit à Synsivik. Celui-ci observa avec curiosité les vêtements qu'on lui présentait là. Jamais il n'en avait porté de tels, habitué à porter la bure du matin au soir. Mais, songeant que se déplacer en étant couvert de sang ne ferait qu'attirer sur lui des soupçons infondés, il se décida à accepter.

— Merci. Où puis-je me changer ?
— Allez dans not' chambre, juste là.

Bart lui montra l'une des deux portes qui se trouvaient dans la pièce. Hochant la tête, Synsivik s'y rendit et il put se débarrasser de sa bure tâchée de carmin, dévoilant son corps maigre et finement musclé. L'Élu passa les braies, puis la chemise, murmurant quelques excuses à l'égard de Lux pour avoir quitté sa vêture de religieux. Il retourna donc auprès de Bart, qui le regarda avec un sourire.

— Ah ! Bah c'est bien mieux comme ça ! Dan a ram'né de l'eau pour qu'vous enleviez l'sang que vous avez un peu partout.

Le blond hocha la tête, s'agenouillant face au seau rempli d'eau que le fils du pêcheur avait posé dans la pièce. Il se regarda un instant, observant ce nouvel homme qu'il était, paré comme n'importe quel être de ce monde alors même qu'il était le fils de Lux. Chassant cette pensée, il se pencha sur l'eau claire, plaçant ses mains en coupe pour l'amener à son visage, ses bras, ses cheveux, redonnant à sa peau sa blancheur tandis que l'eau qui gouttait de son corps rendait le récipient rougeoyant. Lorsqu'il eut fini, il se releva simplement et tourna la tête vers Bart.

— Quelqu'un pourra-t-il m'emmener à Talen ?
— J'vais vous préparer quelques provisions, puis j'pense que vous pourrez partir sur l'bateau d'Odren. C'est un bon gars, vous arriv'rez vite à Talen, on commerce par là-bas d'puis quelques années. Z'avez d'la chance, il fait tout l'temps des allers-retours, mais là il est au village !

Synsivik hocha simplement la tête, observant chacun des gestes de son hôte tandis que celui-ci préparait, dans un simple pan de tissu, de quoi se nourrir pour quelques jours. Il referma le tissu sur les vivres, le noua, et le tendit à l'Élu. Celui-ci se douta, à l'odeur du paquet, qu'il renfermait surtout du poisson séché. Bart lui offrit également une gourde et il l'emmena dehors, à la rencontre d'Odren. Celui-ci était perché sur une barque plus grande que les autres, certainement prévue pour des trajets plus que pour de simples parties de pêche.
Odren était un homme de grande taille, musclé, mais dont le corps jurait avec son visage, marqué par des traits presque juvéniles. Il tourna un sourire chaleureux vers les deux hommes qui approchaient, serrant la main de Bart avant de la tendre à Synsivik. Celui-ci observa la main tendue et releva un regard plein d'incompréhension vers l'homme.

— Odren, j'te présente Synsivik. C'est un religieux du temple, il doit aller à Talen. J'me disais qu'tu pourrais l'prendre avec toi.
— Un religieux du temple, souffla Odren avec un sourire. On n'dirait pas comme ça, mais si c'est ce que toi tu m'dis, j'te crois ! Mais ça m'pose pas de problème d'aider un fils de Lux.

Synsivik hocha simplement la tête et gratifia Odren d'un « merci » assez froid. Son regard fouilla les alentours et il remarqua que le soleil était à son zénith. Déjà le matin était passé. Il reposa un œil impatient sur le batelier.

— Quand partirons-nous ?
— J'devais partir à l'aube, mais j'ai été r'tardé. Donc dès qu'vous êtes prêt !

L'Élu observa le soleil, inspirant un grand coup tout en s'imprégnant de la lueur de sa déesse. Il posa alors un regard plein d'assurance sur Odren, son cœur battant fort dans sa poitrine tandis que son destin semblait lui tendre les bras.

— Je suis prêt.

Synsivik remercia Bart pour son aide et sa bienveillance, puis il put monter sur le bateau d'Odren. Après peu de temps, une heure tout au plus, la barque quitta la berge, s'éloignant du hameau de pêcheurs et filant vers Talen. Synsivik, assis et aidant à ramer, observa Dubh Sliabh qui s'éloignait, ainsi que le Temple Supérieur.
Pourtant, aucun regret ne le perturbait – il suivait la volonté de Lux, et l'aiderait à étendre son pouvoir sur le monde. Et jamais plus les autres Sides ne sauraient la détrôner.

Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant