Chapitre 6.2, les rêves d'une princesse

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[...] 


Le sourire de la native des Carmines s'agrandit un peu et un rire léger s'échappa de ses lèvres. Elle aussi semblait se trouver bien ridicule. Où était donc passée son assurance ? Intriguée, Nova inclina légèrement la tête.

— Je dirais... Me marier à un homme des Carmines. Que je l'aime ou non m'importe peu.

Elle baissa légèrement les yeux, ses sourcils se fronçant légèrement. Face à cette mine soudainement pensive, la curiosité de la princesse fut piquée à vif. Sa dame de compagnie, cette femme si belle, si noble, si confiante, où était-elle passée ? Elle avait brusquement changé de visage, devenant comme soucieuse de l'avenir qu'avaient prévu les Sides pour elle. Sibille afficha un grand sourire forcé, hochant vivement la tête.

— Excusez-moi, je suis simplement très attachée aux Carmines. C'est chez moi, et on ne m'ôtera jamais ça. Quitter définitivement Sardius et ma famille me sera compliqué, évidemment, mais quitter les Carmines... C'est mon île.

Elle acheva cette phrase d'un rire embarrassé, et sa voix s'était faite presque étranglée. Nova fronça à son tour les sourcils, et sa main vint se poser à son tour sur celle de la dame toute vêtue de blanc, et elle lui adressa un sourire doux.

— Votre maison vous manque, et je comprends. Mais n'ayez crainte, Sibille, vous n'êtes pas seule ici, la rassura-t-elle. Je suis là, moi.

La dame de compagnie sourit délicatement à la princesse, serrant doucement sa main de ses doigts dans un geste amical. Elle se pencha alors légèrement vers elle, son sourire dévoilant ses dents. Et en un instant, l'assurance scintilla à nouveau au fond de ses yeux et la peine disparut.

— J'aimerais que nous devenions amies, princesse. C'est tout ce que je souhaite en l'instant.
— Je suis sûre que nous serons de grandes amies.

Disant cela, Nova sourit à son tour à pleines dents, laissant même éclater un léger rire. Soudain, Sibille brisa le contact en se levant. Elle fit signe à la princesse de se lever elle aussi, ce qu'elle fit dans un mouvement de cheveux blonds.

— On m'a dit que vous ne vous aventuriez que peu dans les jardins, lança Sibille en s'enfonçant dans ceux-ci.
— Je... Oui, je suis de nature assez... craintive.
— Changeons cela ! Je vais vous montrer ce que vous ratez !

La dame des Carmines avançait à grandes enjambées, devant sans doute cela à sa taille plutôt développée pour une femme. Nova l'observait, un mélange de fascination et de crainte dans le regard. Que pouvait-elle bien vouloir lui montrer pour paraître si excitée ? Pourtant, elle la suivit à travers les fourrées sans dire un mot, jusqu'à arriver auprès d'un balconnet. Sibille se tourna soudainement, levant ses deux bras, comme accueillant le vent.

— Regardez, dit-elle avec enthousiasme.

Nova s'approcha du balcon, ses mains s'agrippant au muret de pierre tandis qu'elle admirait la vue. Jamais elle n'était venue ici, car jamais elle ne s'était tant enfoncée dans les jardins. Pourtant, elle comprenait enfin ceux qui le faisaient pour rejoindre ce balconnet. Elle pouvait voir toute la cité de Talumen, et le paysage lointain également. Elle pouvait apercevoir, fumant légèrement puisque la fraîcheur de la soirée s'étendait peu à peu sur les terres, le village se trouvant à quelques heures de la capitale ; deux fleuves s'y rejoignaient, et leur eau d'un bleu éclatant pouvait être aperçue depuis son perchoir. Les plaines, prairies, vallons, forêts, et mêmes les pics lointains semblaient pouvoir être saisis de sa main tant elle pouvait les distinguer. Bouche-bée, elle fit part à Sibille de son admiration. Elle entendit celle-ci se fendre d'un rire clair, derrière elle.

— Un jour, tout ceci sera à vous. Admirez la beauté de vos terres, princesse. Et apprenez à la connaître, elle, et votre peuple. Il n'est rien de plus important que cela.

A ces mots, Nova frissonna, tournant un regard inquiet vers sa dame de compagnie. Celle-ci perçut tout de suite le doute dans les yeux doux de la petite blonde, et elle lui sourit délicatement, lui indiquant d'un regard qu'elle pouvait se confier à elle.

— Je ne suis jamais sortie du château, avoua la demoiselle. Je ne sais... rien de tout ce que je devrais savoir.

Sibille s'avança avec assurance, lui saisissant les épaules et plongeant son regard dans le sien. Ses yeux de glace étaient hypnotisant, et Nova se sentit presque terrifiée par toute la noblesse qui émanait de la dame.

— Je vous aiderai à apprendre ce que vous devez savoir, je vous aiderai à voir la vérité, et je vous aiderai à surmonter l'insurmontable. Ensemble, en tant qu'amies, nous pouvons tout faire.

Nova buvait ses mots, ses yeux profondément ancrés dans ceux de la dame des Carmines. Elle était subjuguée par le personnage, et hocha vivement la tête. Sibille brisa l'espace qui les séparait pour l'enlacer, quelques instants. La princesse, d'abord surprise, ferma finalement les yeux, appréciant ce geste d'affection. Contre l'épaule de la dame, elle hocha la tête puis la sentit se détacher d'elle, liant à nouveau leurs regards.

— Je dois aller écrire à ma famille, les prévenir que j'ai été merveilleusement bien accueillie ici. Mais avant tout... Vous me croyez, n'est-ce pas ?
— Vous croire quant à quoi ?, demanda doucement Nova.
— Nous sommes amies ?

La princesse capta toute la bienveillance, la douceur et la sincérité qui émanaient des yeux clairs de la native des Carmines. Un sourire éclaira donc son visage, et elle répondit par l'affirmative, convaincue par les mots de celle qu'elle appellerait désormais amie. Dans un sourire délicat, Sibille la remercia de sa confiance avant de s'éloigner. Regardant ses cheveux châtains qui s'échappaient de sa capuche sous le vent, Nova frémit. Le soir tombait, et avec lui sa fraîcheur. Il était temps qu'elle aussi rentre.

Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant