Le mariage était le plus triste qu'Alyssa n'avait jamais vu. Seuls les vatners riaient et chantaient, offrant des musiques que jamais les oreilles des taleniens n'avaient entendu. Ils parlaient d'une catin à la peau blanche qui s'était amourachée d'un capitaine et éprouvait la violence de la mer sur son bateau. Les paroles semblaient les amuser alors qu'ils la recommençaient, l'un d'eux les entraînant d'une voix plus puissante. Sans la haine que les Adiant avaient toujours éprouvé pour les marins, Alyssa aurait peut-être pu les aimer. Pis encore, elle aurait été une des premières à chanter avec eux, à boire du vin en leur compagnie, à s'amuser de cette pauvre catin qui perdait son honneur. Elle était pourtant obligée de rester assise et elle n'avait plus aucune envie de s'amuser, se sentant devenir adulte sans même le vouloir.
Les uns après les autres, les vassaux des Adiant étaient venus déposer des présents qu'Alyssa avait à peine regardé et que seul Arthos avait remercié. Plus l'ombre d'un sourire ne venait souffler sur les lèvres de la jeune fille qui attendait, le coeur serré, que l'heure du couché arrive. Helvar ne l'avait malheureusement pas abandonné et puait de suffisance en regardant des nokriviens s'agenouiller devant lui et offrir mille merveilles. Il renâcla aux livres mais sourit à pleine dent devant l'or et les armes, encore plus devant une armure superbement ouvragée qu'il ne vêtirait certainement jamais, bien trop lourde pour se mouvoir sur un bateau. Il porta une nouvelle gorgée de vin à ses lèvres et Alyssa supplia pour qu'il continue et soit bien trop empli d'alcool pour parvenir à faire son devoir durant la nuit. Ses rêves étaient trop enfantins. Il dut finir par en avoir marre alors que les desserts arrivaient, relevant un sourcil moqueur devant le sucre.
Il se redressa, beugla à ses hommes d'arrêter de chanter et attrapa le bras d'Alyssa, arrachant à la jeune fille un glapissement tant il serrait fort. Sa main se porta à sa ceinture mais aucune arme n'y pendait et elle jeta un regard suppliant à son père qui détourna une fois de plus les yeux. Elle se releva, les yeux déjà emplis de larmes, perdant sa fierté légendaire, essayant de trouver le regard d'Isendre qui, lui, serait venait à son secours. La présence du bâtard avait été interdite, sa place offerte à des vatners qui n'avaient pas un tier de sa grandeur. Alyssa ouvrit les lèvres, sur une dernière supplication muette mais il l'emporta avec elle.
Elle ne lui offrit pas le bonheur de se débattre devant les vatners mais sitôt la porte refermée derrière eux, la jeune femme se fit furie. Ses dents s'enfoncèrent avec violence dans la chair, jusqu'à ce que le goût du sang envahisse sa bouche, jusqu'à ce qu'il lève ses doigts refermés en poings et qu'il frappe à son tour. Elle tomba au sol, la douleur irradiant dans tout son visage. Un liquide brûlant serpenta le long de sa joue mais elle repartie à l'attaque, essayant d'attraper l'épée qui pendait à la ceinture d'Hevlar. Il para son coup, force brute contre légèreté des ombres. Elle évita mais il l'attrapa en vol par la gorge et son visage se rapprocha d'elle, son sourire plus carnassier que jamais.
— Je te conseille de te calmer où je te prends là, tout de suite, assez proche pour que ton père entende tes cris.
Elle griffa les doigts qui la maintenaient, le regard fou, du sang plein les lèvres, incapable de s'incliner. Il sera un peu plus, coupant sa respiration alors que son regard devenait aussi noir que les corbeaux de Nox. La soulevant avec facilité, il la laissa se débattre pendant une longue minute, jusqu'à ce que les brides de l'inconscience ne viennent papillonner derrière ses yeux.
— Très bien.
Ses ongles quittèrent sa gorge alors que ses mains se glissait déjà sous les tissus, sous le regard horrifié d'Alyssa. Il déchira le corsage, libérant sa trop fine poitrine qu'il attrapa avec violence. Ses doigts en frôlèrent la blancheur, en pincèrent la goutte de rosé. Puis il abandonna ses seins pour faire hurler un peu plus le tissu, détruisant le jupon pour mieux dévoiler son intimité. Prisonnière du poids du vatner, Alyssa hurla, ses yeux déjà remplies de larmes, ses mouvements incertains alors qu'elle essayait de se débattre.
Il s'enfonça en elle. Seul son cri explosa le silence, seules ses larmes transpercèrent les murmures. Au loin, les chants avaient stoppé leur mélodie joyeuse. Elle se sentit détruite de l'intérieur, fouillée par des chairs autoritaires. Il allait plus loin, plus vite. Et elle ne sentait que le sang qui coulait le long de ses cuisses, que ses larmes qui roulaient le long de ses joues.
Alyssa supplia, pour la première fois de sa vie.
Elle ne rencontra que le silence, que les grognements de celui qui la faisait sienne. Son souffle se bloqua dans sa gorge. Le mur dans son dos accrochait sa chair mais la douleur n'était qu'une plume face à celui qui creusait son corps. Elle hurla, un peu plus. Elle criait, encore plus fort. La main d'Helvar bâillonna ses lèvres.
Il jouit dans un fléau de foutre et de sang.
Puis il se retira, lui offrant un dernier regard avant de relever ses chausses. D'un geste, il vient recueillir une perle saline sur la joue de la jeune femme, qu'il porta à ses lèvres, l'absorbant. Son sourire arracha jusqu'à l'âme d'Alyssa. Il tourna les talons, l'abandonnant comme la dernière des catins, emportant avec lui la lumière, laissant la Adiant dans le noir le plus complet.
Seule avec ses larmes.
Seule avec les ténèbres qu'elle sentait se solidifier, qu'elle entendait murmurer à ses oreilles, qu'elle voyait s'étirer jusqu'à elle. Ne tombe pas Alyssa. Ne tombe pas plus bas qu'il t'a jeté. Le souffle contre son oreille avait la voix d'une femme, un timbre rauque et doux à la fois. Laisse les ombres soigner ta peau. La caresse de la nuit roula sur sa joue, où Helvar l'avait frappé, s'attardant sur la peau ouverte, reculant devant le sang qui coulait. Je suis là petit griffon. Ne l'oublie pas.
Puis les ténèbres furent brutalement repoussées par la lueur dansante d'une flamme. Le visage d'Isendre se découpa, la peur se lisant dans ses yeux.
— Alyssa... murmura-t-il, faisant tomber la torche sur le sol.
Il se précipita jusqu'à sa sœur, n'offrant aucun regard à son corps abîmé, pas l'ombre d'une œillade au sang qui coulait encore sur la chair de la jeune femme. Geste doux par murmures attentionné, il l'approcha et la prit dans ses bras, l'arrachant à ce sol couvert de fluide pour la soulever contre lui.
Elle s'abandonna aux larmes dans ses bras, refusant de le regarder. Niché contre sa nuque, elle le laissa la ramener jusqu'à sa chambre, barricader la porte et la serrer encore plus fort contre lui sur le lit qu'ils avaient partagé à chaque cauchemar de la Adiant. Ses doigts dans ses cheveux, caressant sa crinière, Isendre tenta de calmer ses soubresauts, d'adoucir ses douleurs.
Jusqu'à ce qu'elle sombre dans un sommeil sans rêve.
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Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)
FantasySur les terres de Nokrov, la noirceur a tôt fait de dévorer l'âme de chacun. Le peuple ravagé par une famine presque permanente voit les grands du monde se gaver lors de fastueux banquets, les hommes des îles Vatner sont en conflit perpétuel, les fo...