Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)

Chapitre 21.1, pour l'amour du griffon

NOVA

La princesse avait cessé de s'enfermer dans ses appartements, préférant désormais l'air des jardins où elle errait sans but. Mais, depuis bientôt une semaine, c'était Sibille qui s'isolait, se refusant à la lumière de Lux et à la compagnie des autres. Elle restait cloitrée dans sa chambre toute la journée, sanglotant du matin au soir, priant les Sides qu'elles lui pardonnent le meurtre. Les servantes qui s'occupaient d'elle ne posaient aucune question, toutes venant des Carmines, elles devaient certainement connaître leur maîtresse plus que quiconque au palais.

Nova se sentait à nouveau seule au monde. Son père dormait presque en permanence, son sommeil uniquement perturbé par les soins de la garde nocturne qui veillait sur lui, ou par des quintes de toux qui le réveillaient. Sa mère, paranoïaque, traquait inlassablement les vipères de la cour. Seul lui restait Alessandre, qui hélas n'était plus très présent ces jours-ci. Par chance, il s'était visiblement souvenu de l'existence de la princesse, demandant ce jour-ci à déjeuner avec elle aux jardins. Trop seule, trop désemparée par ce si soudain vide dans sa vie, Nova avait accepté.

Elle s'était préparée avec l'aide d'Alherie, lui demandant de faire d'elle la plus belle des femmes. Sa suivante avait souri légèrement, puis s'était appliquée comme jamais elle ne l'avait fait. Chaque boucle cascadant dans son dos avait été minutieusement calculée, chaque bijou avait été méticuleusement choisi, son maquillage était naturel, rehaussant simplement la beauté de Nova. Et sa tenue était des plus exquises, faisant passer ses courbes juvéniles pour celles d'une femme, le corset remontant et recentrant sa poitrine.

Elle tournoya devant son miroir, un sourire se dessinant sur ses lèvres et creusant ses fossettes. Levant le menton, elle s'admira, se trouvant une noblesse comparable à celle de Sibille. Elle remercia Alherie de l'avoir ainsi arrangée, puis se dirigea vers les jardins d'un pas assuré. A peine arrivée dans la cour des jardins, elle aperçut Alessandre qui semblait l'attendre. Elle prit une grande inspiration avant de s'approcher de lui. Il la gratifia aussitôt d'un sourire auquel elle répondit tandis qu'il lui baisait la main, s'inclinant.

— Votre Altesse, il me semble ne jamais vous avoir vue si belle qu'en ce jour.

Nova rougit, touchée par le compliment de l'héritier de la maison Adiant. Elle se perdit un instant dans l'océan de ses yeux avant qu'un éclat rouge ne s'impose à son regard. Elle observa la rose qu'il venait de tirer de son dos pour la lui tendre, et un nouveau sourire éclaira son visage.

— Je vous remercie de cette attention, messire, souffla-t-elle.

— Nulle autre femme ne mériterait une si belle rose. Regardez-la bien, princesse, elle est parfaite. Aucun défaut ne vient gâcher ces pétales.

La demoiselle prit doucement la fleur entre ses mains, la contempla, en saisit toute la perfection. Son sourire rêveur ne pouvait quitter ses lèvres tant elle se sentait bien. Elle oubliait tous ses problèmes lorsqu'Alessandre se trouvait près d'elle, lui faisant compliment sur compliment, la faisant se sentir belle et adulte, importante, tout simplement. Elle, qui un jour porterait la couronne, ne recevait aucun enseignement politique, car elle n'était que la petite princesse de son père, l'héritière dont nul ne voulait. Elle n'était qu'un symbole aux yeux du monde entier. Tout Nokrov savait bien que sous son règne, le conseil gouvernerait.

Mais Alessandre lui faisait oublier cela. Il lui faisait tout oublier lorsqu'elle se perdait dans ses yeux trop profonds. Sibille lui avait dit, éclatant d'un rire clair, que l'amour leur seyait à ravir et qu'ils formeraient un bien beau couple. Nova avait rougi, fuyant le regard de son amie en se fendant d'un rire embarrassé. Peut-être avait-elle raison, peut-être aimait-elle Alessandre. Il ressemblait tant au blanc chevalier de ses rêves... Ses yeux quittèrent la rose pour se reposer sur lui.