Prologue, Partie 1

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Un rat grignotait le chanvre qui entourait ses doigts. Il agitait ces derniers, juste assez pour faire fuir le rongeur qui émit un couinement surpris. Il avait l'air mort, il le savait parfaitement. Sa tête dodelinait contre sa poitrine alors que ses cervicales peinaient à la soutenir, ses épaules le lançaient et il se doutait que l'une d'entre elles était déjà presque déboîtée. Ses longs cheveux tressés étaient couverts de sang, le même qui avait séché sur ses tempes.

L'homme bougea légèrement, tentant de s'arracher aux liens mais il ne fit qu'accentuer la douleur. Un juron s'échappa de ses lèvres alors que ses yeux tentaient de percer les ténèbres qui l'entouraient. Depuis combien de jours l'avait-on enfermé ici ? Il avait perdu la notion du temps. Sans la caresse du soleil et les changements de température, il n'arrivait plus à tenir le compte des jours. Il sentait justela morsure de l'humidité et n'entendait que les couinements de rats qui semblaient se battre bien plus bas. On l'avait attrapé à seulement quelques lieues de la cité royale et il n'avait pas pu sortir son arme pour se défendre. Des inconnus, au visage caché par un masque écarlate, l'avaient roué de coups et envoyé dans les bras de l'inconscience. Il s'était réveillé ici et personne ne l'avait nourri depuis. A peine les inconnus avaient pris la peine de lui apporter à boire, trop peu pour ses lèvres aussi sèches que les déserts des Ramales. Depuis, plus rien. Pas même un bruit ou un murmure lui indiquant où il se trouvait. Le vent semblait avoir déserté et nulles voix ne venaient raisonner à ses oreilles.

Il tenta une nouvelle fois de se débattre mais seul un horrible craquement répondit à ses gestes. Cette fois, son épaule s'était bel et bien déboîtée. Son hurlement blessa ses oreilles, résonnant contre le mur de ce qui semblait être une caverne. L'écho lui répondit pendant longtemps alors qu'il se mettait à haleter, incapable de soulager sa douleur dans saposition.

Du bruit s'éleva finalement, comme le contrecoup de ses cris.. Il se tut, cherchant l'origine des pas qui s'approchaient. Des voix masculines les accompagnaient. Il en dénombra trois, l'une bien plus aiguë que les autres. La douleur avait beau lui arracher la raison, il essayait de se concentrer, de les différencier et surtout, d'apercevoir ceux auxquels elles appartenaient. La lumière envoyait sur les murs de la caverneleurs ombres. L'une d'elle, plus haute et massive que les autres, ne pouvait qu'appartenir à un semi-humain. Les sourcils de l'homme se froncèrent. Il n'y avait pas d'être de la sorte par ici. Ils avaient été bannis après l'Insurrection, envoyés mourir dans les montagnes. Ils avaient été exterminés, traqués comme des bêtes et les chasseurs s'étaient gaussés de les avoir fait disparaître.

Il n'eut pas le temps de chercher à comprendre l'origine des ombres que déjà ils s'approchainet.s. Aveuglé par le faisceau de leurs torches, il ferma les yeux, faisant craquer à nouveau son épaule dans un mouvement de recul incontrôlable. Son hurlement fit éclater de rire les hommes et l'un d'eux attrapa son visage entre ses mains calleuses.

— Hé bah, p'tit poisson ? T'essayes d'partir que tu t'démontes l'épaule comme qu'ça ? Mageia elle va pas êtes contente s't'es plus tout beau. Elle veut du solide pour lui filer du pouvoir, pas d'la fillasse de paysan.

— Détache-le Louka, ordonna une autre voix.

L'autre grommela mais obéit, tranchant d'un coup sec le chanvre qui retenait attaché l'insulaire. Ce dernier s'écrasa au sol, incapable de bouger. Un gémissement s'échappa de ses lèvres alors que le semi-humain le releva violemment et le remit sur pieds. Mais il s'écroula, ses jambes ne parvenant pas à le soutenir.

— Tu parles d'un vatner. Vous avez attrapé le rège de la portée, elle va pas aimer.

C'était la troisième voix qui avait retentit, teintée d'une arrogance que son langage presque parfait rendait encore plus cinglante devant les deux autres. Elle était pourtant ourlée de patois, arrachant un sourire sarcastique au prisonnier. Il voulait ouvrir la bouche, jeter une remarque acide, mais ses lèvres craquelées lui faisaient mal au moindre mouvement et sa bouche asséchée rendait les mots difficiles. Un coup en plein visage acheva pour de bon ses envies orgueilleuses. Ne lui restait que le silence dans lequel il s'enfonça avec dégoût. Sa verve, légendaire dans les îles d'où il venait, ne lui serait d'aucune aide ici.

Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant