Une femme était morte au palais. Le commandant de la garde luxienne avait été blessé. Le danger était grand, le danger était partout, et la peur rugissait en son cœur – car Nova sentait la menace au souffle glacé qui effleurait sa peau blanche, elle sentait les écailles d'un serpent bien trop intelligent qui glissaient contre ses chevilles, montant lentement le long de ses jambes, allant à ses épaules et se nouant autour de son cou trop frêle. Si le commandant avait été visé, si le palais avait été visé, alors cela signifiait que la royauté était visée.
Elle, enfant maudite par sa couronne, était en danger.
On l'avait confinée dans ses appartements, lui interdisant de s'aventurer seule dans le château. Chacune des visites qu'elle recevait était surveillée, et Nova avait perdu le peu de liberté que lui accordait son rang. Rajoutant à sa cage dorée de lourdes chaînes, le bel oiseau blanc ne pouvait plus s'envoler. L'ennui berçait ses journées et elle passait donc le temps à lire et relire les contes de son éternelle enfance, y trouvant un peu de réconfort.
Dans le doux monde des rêveries enfantines, les princesses épousaient de beaux chevaliers, les commandants blessés guérissaient vite et les rois malades se remettaient en un instant.
Allongée sur le ventre, entre les draps soyeux de son lit, ses yeux noisette caressaient les pages d'un livre. Encore un conte, encore un monde trop parfait pour ses yeux de future régente. L'une de ses mains portait sa tête, son menton reposant au creux de sa paume. Ses doigts caressaient pensivement son menton, sa douceur, sa pureté sans égal. Rendrait-elle un jour le monde aussi beau que celui des livres ? Elle ne rêvait qu'à un monde sans guerre ni peine. Un monde d'enfant, en soi.
Soudain, un cri la tira de ses pensées. Elle sursauta, la main qui tenait le livre le laissant tomber ainsi que ses rêves innocents – ceux-ci s'envolèrent au loin alors que la dure réalité lui revenait en pleine face. Son regard se marqua de terreur, la peur enserra ses entrailles, son cœur s'emballa. Au dehors de sa chambre, elle entendit que l'on courait partout, hurlant à la mort, appelant la garde nocturne. Les mains de la princesse tremblèrent et l'horreur s'empara pleinement d'elle, l'emprisonnant dans son étouffant manteau de noirceur.
L'air semblait lui manquer alors qu'elle quittait courageusement son lit. Ses pieds nus rencontrèrent le sol glacé, ses pas se firent hésitants sur le carrelage – elle avança lentement jusqu'à la porte, l'ouvrant avec lenteur pour découvrir qu'une masse humaine se formait autour des appartements royaux. Sa lippe trembla sous l'angoisse qui montait en elle et sa respiration se fit sifflante. Puis vinrent les mots qu'elle redoutait tant.
— Le Roi est mort. Vive la Reine !
Elle hurla, seule réaction possible alors qu'elle sortait en trombe de sa chambre, les poings serrés par la rage d'enfant qui naissait en elle. Se précipitant auprès de celui qui avait fièrement porté la couronne, vingt ans durant, les gens s'écartèrent sur son passage. Et ce n'est que lorsqu'il lui apparut, allongé au pied de son lit, de sa bouche ouverte s'écoulant un long filet de sang, qu'on la retint. Nova crut voir le monde s'écrouler, elle sentit son cœur se déchirer alors qu'elle voyait ce père qu'elle avait tant aimé, auquel elle n'avait pas pu dire au revoir, qui gisait au sol.On l'arracha à cette vision, la tirant brusquement en arrière. Les bras se verrouillèrent autour de ses épaules pour l'empêcher d'avancer, de courir à lui, de secouer le cadavre pour tenter de le réanimer. Elle leva la tête vers celle qui la tenait, sa mère, fidèle à son poste – jamais elle ne cesserait de veiller sur elle.
— Ne regarde pas, murmura la Reine.
Nova ferma les yeux, se détournant du corps sans vie, cherchant quelque chose de plus beau à regarder, quelque chose qui ne la fasse pas souffrir. Plus de souffrance, plus jamais, voilà ce qu'elle réclamait – un monde beau, un monde d'harmonie. Mais Nokrov n'était que malheur, ce royaume et ce monde n'étaient que cruauté.
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Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)
FantasiSur les terres de Nokrov, la noirceur a tôt fait de dévorer l'âme de chacun. Le peuple ravagé par une famine presque permanente voit les grands du monde se gaver lors de fastueux banquets, les hommes des îles Vatner sont en conflit perpétuel, les fo...