Chapitre 42.1, Élue

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ALYSSA


— Qu'est ce qu'il s'est passé ?


La voix la tira de son sommeil. Proscrite dans la cabine du capitaine, Alyssa essuyait ses yeux rougies, enroulée dans une couverture. Elle s'y était enfermée, avait hurlé pour mieux faire taire la voix dans son esprit, à laquelle s'étaient mêlées des centaines d'autre, fruit de tous les animaux morts que dévoraient les vatners sur le pont. Personne n'était venue la chercher, la laissant à sa folie. Son propre esprit devenait une prison où des mots lui étaient susurrées, où des voix se battaient sans qu'elle ne comprenne le sens. Elle s'en était griffé le visage et les oreilles, essayant de retrouver le silence, essayant d'échapper à celles qui hantaient son cerveau.


Puis elles s'étaient tues, dès que le soleil s'était levé.


Cette nuit, Helvar n'avait pas rejoint sa cabine, n'avait pas rejoint sa captive. Alyssa était restée seule et avait fini par s'assoupir lorsque les bruits habituels des marins avaient retentit.


Son regard se porta sur celui qui l'avait tiré de son sommeil et ses sourcils se froncèrent. Si le soleil, déjà haut dans le soleil, lui offrait avec facilité la vision du nouveau venu, elle était bien incapable de donner son nom. Elle reconnu l'écrivain, celui qui n'avait pas l'air d'un vatner. Le pauvre sourire sur ces lèvres lui donnaient l'air particulièrement bête mais ces beaux yeux verts avaient des reflets de pin et de forêt en automne.


Alyssa ne sourit pourtant pas, rassemblant les couvertures sur elle avec la méfiance d'un animal traqué. Il jeta un bref rire gêné, presque un jappement ridicule alors qu'il passait une main dans ces cheveux.


— J'te veux pas de mal tu sais. On est un peu pareil tous les deux. Pas envie d'être là, forcé de faire des choses qu'on veut pas. J'suis désolé pour la chanson d'ailleurs. Mais faut que je serve à quelque chose si j'veux pas être jeté par dessus bord.


Une moue surprise apparu sur les lèvres de la griffonne alors qu'elle le regardait continuer son monologue, se confondant en excuse. Son parlé le définissait comme un paysan mais il savait lire et écrire, don uniquement réservé à la noblesse. Les sourcils froncés, Alyssa chercha un signe dans son physique qui lui expliquerait cette erreur. Elle l'écouta déblatérer, poser moults questions, s'excuser, encore une fois. Et seul son regard questionnait cet inconnu bien trop gentil pour être honnête. Il lui faisait presque penser à Isendre, un peu benêt et chevaleresque. Sauf qu'elle avait confiance en son frère. Pas en ceux sur le bateau.


— J'm'appelle Jeremiah. Ici ils m'appellent le preux parce que j'ai essayé de sauver mon village quand ils l'ont attaqué.

— Tu venais des terres ?

— De Perchvers, un petit village vers Lancigue.


Il lui offrit un franc sourire et lui tendit la main. Alyssa la jaugeait, quelques instants, avant d'en refuser la poignée. Elle se releva, seule, devant la mine déconfite du gamin.


— Qu'est ce que tu fous sur ce bateau Jeremiah ? Les vatners ne font normalement aucun prisonnier qu'ils ne peuvent utiliser comme esclaves.

Nokrov, Tome 1 : Les Ombres du Pouvoir (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant