Javis a interrompu mes réflexions sur mes projets familiaux en tendant le bras vers l'abri, prêt à me présenter mon prochain chez moi.
« - Voilà l'endroit où tout le monde se réunit. Il sert à la fois de salon et de salle à manger. C'est l'espace détente que l'on a tous en commun, on continue à l'aménager pour qu'il soit le plus agréable possible. Au centre il y a l'eau de source. Chacun peut se servir mais interdiction formelle de la gaspiller, elle est précieuse. Autour on a construit des cabanes qu'on utilise pour dormir et pour ranger nos objets personnels.Tu es arrivée par l'est donc tu as dû t'échapper alors que tu étais proche de Thysléem. Au sud, derrière ces cabanes il y a les plantations, on a de multiples espèces mais on commence à ne plus pouvoir subvenir au besoin de tout le monde, bientôt on aura un sérieux problème. Au nord, par là-bas (Il a tendu le bras dans une direction) on a des poules, des rats, et deux ânes, il y a aussi la rivière dans laquelle on se lave et on lave nos habits. À l'ouest, la chaîne de montagnes que tu vois c'est Sinéa. On s'est mis à un emplacement stratégique. Tous ceux qui s'échappent pour aller traverser Sinéa tombent sur nous, on les recueille, évidemment. Plus on est, plus on est fort.
- Combien il y a de personnes ? » J'ai essayé d'être le plus neutre possible.
« - Nous sommes actuellement 128. On a de moins en moins de gens qui nous rejoignent. Ils n'osent plus fuir. Les gardes ont resserré les règles, la surveillance est devenue extrême, tu devras me raconter comment tu as fait pour t'échapper, apparemment ils ligotent sur tout le trajet et ne font plus de pause. À mon avis ils veulent nous briser mentalement pour éviter la révolte. Les quatre derniers arrivés ont perdu leur famille et nous ont rejoints pour ne plus craindre à tout moment de se faire arrêter.
- Les rumeurs circulent que des familles entières migrent vers l'ouest par peur d'être exportées à Thysléem. » J'ai affirmé. C'était ma mère qui m'avait raconté ça.
« - Oui, mais le risque de se faire arrêter par une patrouille est très grand sur les routes qui vont à Sinéa. Je déconseille le voyage, surtout avec des enfants et des dizaines d'objets de valeur à revendre. »
J'ai hoché la tête silencieusement, je n'avais que peu été touchée par la guerre qu'avait déclenchée Irnoé Girzen pour atteindre le pouvoir, mon village étant très autonome et très éloigné de la capitale. Mais à présent, la situation dérapait complètement. La famille Girzen avait le soutien de toutes les cités des environs. Les alliances avaient été créées avant la montée au pouvoir du nouvel empereur.
« - Qu'est-ce que tu sais faire ? »
La question de Javis m'a fait plaisir, au moins je pourrai choisir de faire ce que j'aimais.
« - Je sais m'occuper des animaux, et dresser les chevaux.
- On a déjà des gens pour les animaux et on n'a pas de chevaux. Tu ne sais pas coudre ou cuisiner ?
- Un peu, mais je...
- Parfait, il faut que tout le monde se rende utile, on a peu de femmes donc il faudra faire le travail d'une femme. »
Je n'ai pas su quoi répondre. Ce n'était pas possible, un cauchemar... c'était hors de question ! Il m'a fait signe de le suivre pour me montrer ma cabane. On a emprunté l'allée avec l'écriteau « Allé Nord ».
« - On construit des cabanes sans s'arrêter, les nouveaux prennent celle des anciens qui vont dans de plus grandes cabanes, c'est un peu une façon de gradé tu vois ? »
- Oui je vois, mais je vais devoir repartir bientôt, j'ai des chevaux, je sais les dresser, ils pourront nous servir. Et j'ai des chèvres aussi, pour faire du fromage, je pourrais les ramener. »
- Tu avais des chevaux ? Tu viens d'une famille riche alors... Ici, personne ne quitte le territoire sauf les sentinelles. Un mauvais chemin au mauvais moment et tu te fais repérer, pire, tu nous feras tous repérer. Non, question de sécurité personne ne sort. »
Là, j'étais ahurie. Mais ou étais-je tombée ? Une mini Thysléem en fait. En bois et encore plus pauvre. Je n'ai pas pu m'empêcher d'insister :
« - Mais imaginez des sentinelles sur des chevaux, elles iraient plus vite, récupéreront plus de monde et risqueraient beaucoup moins. Et les chèvres peuvent aller sur des pâturages éloignés, Elles n'ont pas besoin de beaucoup d'entretien.
- On n'a pas assez de sentinelles, il faut surveiller les alentours, suivre les convois de soldats pour repêcher les fugueurs... Et les chevaux ça coûte cher. Voilà ta cabane. Tu aimes les animaux, elle n'est pas loin d'eux, regarde. Maintenant va te reposer, on en discute demain si tu y tiens tant. »
J'ai regardé le petit habitacle. Quelques mètres carré qui ne se fermaient pas grâce a une porte mais avec un lourd tissu. Je me suis glissée à l'intérieur, il était sombre et humide. D'un côté trônait un lit dur, de l'autre une petite étagère. Je me suis couchée, m'efforçant de me détendre pour trouver le sommeil. Ma anche et mon épaule droite, appuyées sur la surface rigide seraient courbaturées.
Plus tard, Kara m'a réveillée pour m'apporter des habits propres, une couverture, un linge et un savon gallique. Ils étaient usés mais j'étais soulagée d'avoir des habits de rechange. Elle m'a ensuite informé que nous devions nous réunir dans un moment pour manger mais que j'avais le temps d'aller me laver. Toute engourdie, je suis sortie. J'ai emprunté l'allée « Nord », ma cabane était au milieu de celle-ci. J'en ai profité pour aller caresser les ânes dans leur enclos puis j'ai marché jusqu'à la rivière. Elle ne semblait pas avoir beaucoup de courant. Son eau était claire. Après avoir vérifié qu'il n'y avait personne aux alentours, j'ai rapidement ôté mes habits. je suis entrée avec précaution. Le sol était vaseux. J'étais presque sûr que c'était la même rivière qui passait vers mon village. Il fallait que je demande son nom. Si c'était la même, il me suffirait de la longer pour revenir chez moi. Après m'être frottée avec le savon, je me suis séchée à la hâte avec le linge que j'avais emmené. Je me suis dépêchée de ressortir puis me suis habillée avec les habits propres. Je suis repartie un peu stressée de croiser quelqu'un. En m'engageant dans l'allée « Nord » je suis tombée sur Elban qui s'engouffrait dans une jolie cabane contenant même une porte. Gênée de ddevoir lui parler, j'ai fait comme si je ne l'avais pas vu mais il est ressorti en me voyant. Il m'a proposé de me présenter ses amis durant le repas. Et si je n'étais pas assez bien pour eux ? J'avais peur de paraître inintéressante pourtant j'ai accepté. Tout était plus facile avec des amis sur qui s'appuyer. Quelques minutes plus tard je me suis assise à une table avec une dizaine de jeunes d'à peu près mon âge. J'ai été déçue de constater qu'aucun ne venait de mon village. On a mangé en discutant. J'avais l'impression de ne pas agir naturellement lorsqu' Elban me regardait. J'ai essayé de me concentrer sur mes feuilles de salades mélangées à des pousses, des graines, et mon bout de pain. C'était compliqué, il ne me laissait pas indifférente.
« - D'où vient le pain ? » Ai-je lancé
- Du meunier boulanger, tu sentiras l'odeur demain matin, il travaille à côté des plantations, direction sud-ouest. » M'a répondu Elban, ses yeux bruns braqués sur moi.
Il me dévisageait, mais pourquoi cela me dérangeait-il ? J'étais plutôt sûre de moi d'habitude. Je me sentais envahie par son regard tout en voulant l'être. Le repas m'a paru long. Je ne cessais de vérifier s'il me regardait et lui, m'observait à la dérobée. La bande paraissait sympathique et accueillante mais dialoguait de façon agressive. La violence semblait s'être répercutée jusqu'ici. Les gens me regardaient curieusement. J'étais plus jeune que la moyenne en plus d'être une femme. Je suis allée me coucher alors qu'ils vaquaient à leurs discussions, plus par fuite que par fatigue. En fait je me sentais oppressée. Dans mon petit lit ce sentiment ne s'est pas évaporé. J'ai mal dormi.
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Voilà le chapitre 4, le chapitre 5 comportera un nouveau point de vue !
Merci de vos lectures et n'hésitez pas à m'avertir en cas de fautes d'orthographe ou de mauvaises tournures de phrases !
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Dhattûra
RomanceDans une époque et une région qui n'est pas la nôtre, la guerre a fait de la capitale une prison. Alors qu'une jeune fugitive tante de retrouver sa famille, Le destin de l'empire tombe entre les mains du fils héritier. Les décisions qu'ils prendr...