Chapitre 12 ~ Dhattûra

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La colère réprimée par les gens avait eu raison de leur tranquillité. Il y a un moment où l'on ne peut plus être impassible... Les chaînes du passé s'alourdissent avec le temps. Rompre nos chaînes. C'est ce que l'on se préparait à faire. Une grande fête fut organisée en l'honneur de notre coopération avec les Rebelles. Le lendemain soir nous célébrions un nouveau départ. Les Rebelles avaient été invités à notre campement. Nous avons sorti les tambours, les flûtes et tous les instruments de musique que nous possédions. Les musiciens, bien que moyens, ambiançaient la foule. Un peu à l'écart, je regardais les gens danser au gré de la musique qui accélérait. Alors que la musique battait à mes tempes, deux mains m'ont attrapé la taille. J'ai ri en sentant Elban me pousser entre les danseurs improvisés. Je me suis laissée entraîner dans une danse endiablée. Nous avons tournoyé jusqu'à ce que la musique se calme. Avant qu'elle ne reprenne, l'homme de la maisonnette, le chef des Rebelles, est venu à ma rencontre. Pendant que les musiciens s'accordaient une brève pause, il a parlé à voix basse :

« - Je tenais à te remercier en personne. Tu as offert de l'espoir aux gens, à mon peuple et au tien. C'est un cadeau inestimable. »

J'ai été touchée par ses paroles. Je l'ai regardé s'éloigner comme une ombre alors que la musique reprenait. Javis était anxieux. Il ne paraissait pas apprécier le résultat du vote.

Une semaine plus tard nous avons accueils les enfants de Rebelles pour les cacher. On racontait dans les villages qu'Irnoé serait capable d'interroger les enfants pour savoir où se cachaient les parents. Les parents avaient aussi peur que les enfants servent d'otage à l'autorité. Sept enfants débarquèrent, dont le cousin de Jenna, qu'elle me confia personnellement. Je ne voulais pas d'une si grande responsabilité mais n'ayant pas le cœur à refuser de protéger un enfant, j'ai accepté. Il s'appelait Bryn, avait de grands yeux marron, des cheveux tout doux et me paressait très éveillé pour un garçon de six ans.

Les semaines passaient, les liens entre les deux camps se resserraient. J'étais devenue très amie avec Jenna. Elle était drôle, intelligente et nous avions la même façon de voir le monde. À la seule différence que j'étais contre la violence tandis qu'elle la considérait comme nécessaire aux changements. Jenna m'apprit que les Rebelles avaient gagné en popularité après que le seigneur ait brassé les villages sans rien trouver. Quand les Rebelles vadrouillaient dans les villages, les gens leur offraient souvent de quoi manger et beaucoup se ralliait secrètement à leur cause. Le tabou commençait à tomber, le peuple commençait à croire en eux. Grâce à la coopération des Évadés, ils pouvaient être plus actifs tout en se sentant plus en sécurité.

Javis pour protéger le camp avait demandé à ce que les Rebelles fassent le tour par la rivière pour nous rejoindre sans jamais couper par l'est. Ainsi les chances de rencontrer une patrouille était presque nul et des chemins n'étaient pas créés à travers la forêt qui séparait notre camp de Thysléem. Les Rebelles eux avaient une règle depuis longtemps. Ils ne se dépassaient que par groupe de 3, 4 maximums et 2 minimums. Javis approuva l'idée et nous laissa quitter le campement mais uniquement par l'ouest ou par le nord en traversant la rivière. Jenna et Elban s'étaient bien entendu et nous passions beaucoup de temps les trois. Parfois j'étais jalouse de Jenna que me paraissaient sortir de l'ordinaire de par son courage, son intelligence et son sens de l'humour. Je lui vouais une confiance sans limite et un soir je lui avais tout raconté. Qui j'étais et qui étais ma famille.

Mes deux amis m'aidaient à entraîner les chevaux qui étaient pour la plupart prêts à servir sur le terrain. Seul l'un des poulains de mon père qu'il avait d'ailleurs appelé Rétif continuait à faire des écarts pour une feuille morte, refusait de marcher quand il estimait s'être trop éloigné des autres chevaux et rentrait au grand galop aussitôt que l'on faisait demi-tour. Bref, excepté Rétif les 4 autres poulains étaient capables de partir seul, de galoper dans l'herbe, dans la forêt et même dans l'eau sans aucun problème. Ils tournaient et faisaient même demi tour à ma demande. Je commençais à leur apprendre à sauter des troncs et passer des faussés. Ils zigzaguaient de moins en moins et avaient pris confiance en leur cavalier et en eux. Pour les tester en dehors des endroits qu'ils connaissaient j'ai proposé à Javis de partir avec Jenna et Elban faire le tour des villages pour recruté des gens pour les Rebelles. Javis a dit non, Elban a insisté, Javis a accepté. J'ai levé les yeux au ciel, parfois Javis m'insupportait.

Lorsque Jenna est venu voir Bryn je lui ai exposé mon projet qu'elle a accepté avec entrain. Nous sommes partis deux jours plus tard. Deux jours ou mes souvenirs me torturaient et mes cauchemars me hantaient. J'ai rêvé de ma famille me suppliant de les aider. Mon petit frère à moitié mort était mangé par les vautours alors que ma mère essayait de protéger sa dépouille. Mon père mendiait dans la rue comme il m'avait expliqué que les infirmes faisaient à Thysléem. Ma sœur, elle, me répétait avec haine que je les avais abandonnés, que j'aurais pu les rejoindre mais que je ne l'avais pas fait. Plusieurs fois je me suis poser la question, pourquoi n'avais-je pas dit que je faisais partie de leur famille ? Peut-être qu'arrivé à Thysléem j'aurais pu les retrouver. Mais peu importe. Il était trop tard. Parfois pour soulager ma douleur je me griffai les bras, les marques rouges ne restaient que quelques heures tout au plus. Elban m'avait demandé un jour qu'est ce que c'était que ses marques, je lui avais répondu que je m'étais rappée en traversant la forêt à cheval.

Je suis montée sur Hérésie, Jenna est montée sur Granite car je la savais douce avec les animaux et Elban sur l'un des poulains de mon père. Nous devions faire le tour des villages mais il fallait choisir lesquels. Elban voulait aller à Tarmes qui était entre Thysléem et la forêt à l'est de notre camp, mais Tarme était trop proche de Thysléem et trop grande, Jenna voulait aller à Tibunn, son village natal mais il était situé de l'autre côté de la Cité donc trop loin. Moi je voulais retourner à Tull, il était éloigné mais petit et accessible. Nous avons décidé de passer par Touré puis de nous rendre à Tull. En un jour nous sommes arrivés à Touré. Le peuple nous a mis en garde, les Rebelles étaient recherchés. La plupart des gens étaient aimables, plusieurs nous ont offerts de la nourriture, mais ils ont refusé de s'engager auprès des Rebelles car ils avaient peur des conséquences. Nous leur avons alors parlé des Évadés. Les plus pauvres habitants de Touré ont accepté de repartir avec nous. Après une courte nuit chez l'un d'eux nous sommes partis pour Tull en leur promettant de revenir les chercher au retour.

Quand je suis arrivée à Tull, j'ai été choquée. C'était un village à demi-mort. Il paraissait vide, abandonné. Elban m'a pris la main quand nous y sommes entrés et Jenna m'a tendu un sourire compatissant. Les personnes qui y habitaient étaient si en retrait qu'elles n'avaient aucun contact avec Thysléem.

Deux paysans acceptèrent de rejoindre les Rebelles, Ils n'avaient plus de famille. L'un était veuf, l'autre nous suivrait avec sa femme. Le lendemain ils ont chacun chargé une énorme quantité de nourriture et quelques objets personnels dans leurs charrettes, y ont attelé leurs chevaux de labour et nous sommes repartis direction Ouest. Nous sommes allés plus lentement qu'à l'allée à cause des charrettes chargées a bloque. Hérésie s'agaçait du rythme lent que je lui imposais. Elle avait un pas ample et rapide qui m'obligeait à m'arrêter souvent pour attendre le reste du convoi. Le temps passait lentement, j'avais l'impression que la distance à parcourir était toujours aussi grande, comme si le chemin continuait à l'infini.  


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Ce chapitre sera corrigé se soir ou dans les jours qui viennent. 

Merci beaucoup pour vos lectures ! Mon histoire a dépassé les 100 vus. 

DhattûraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant