Chapitre 11 ~ Dhattûra

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Nous avons beaucoup discuté avec Jenna. Elle venait de Tibunn, une partie de sa famille s'était fait expatrier à Thysléem et l'autre partie s'était engagée avec les Rebelles. Sa jument était bien une demi-trait, elle l'avait appelée Vénus, comme l'étoile. Jenna avait quelques années de plus que moi, elle venait d'une bonne famille et avait reçu l'éducation qui allait avec. J'ai été étonnée que sa famille ne soit pas du côté des Girzen, comme toutes les bonnes familles. Ils ne devaient pas être assez importants pour l'empire.

La nuit allait tomber quand nous sommes arrivées. C'est Hérésie qui a trahi notre présence en lançant un hennissement sonore. Les autres chevaux lui ont répondu, le silence est retombé sur le camp. Personne n'osait parler. J'ai crié « C'est moi, c'est Dhattûra ! » Des rires de soulagement m'ont répondu. La plupart du temps lorsqu'on voyait un cavalier, c'était un soldat de l'empire.

Javis, le visage fermé, m'attendait vers l'enclos des chevaux. Je vais me faire tuer. J'ai serré les dents, prête à affronter notre chef.

« - Tu es enfin là, tu as désobéi à l'une des règles les plus importantes, on aura une discussion demain, on a peu de temps avant d'être dans le noir. Elban réunit les gens sur la place centrale, Dhattûa, présente-moi celle qui t'accompagne. »

Javis regardait Jenna descendre de sa monture.

« - Je te présente Jenna elle vient vous convaincre. »

« - Bonjour »

Jenna a serré la main que Javis lui tendait. Le chef m'a ignorée, heureusement, je n'aurais pas su quoi lui répondre pour justifier mon absence.

Très vite, tout le monde s'est réuni sur la place. Javis s'est positionné au milieu. Il est resté debout alors que les gens s'asseyaient aux tables autour de lui.

« - Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour vous demander de choisir votre destin. Vous savez ce qu'il se joue dehors. Dhattûra a une proposition à vous faire. Nous allons la voter. Le choix ne sera accepté que s'il y a minimum 100 personnes qui disent oui sur 128. »

J'ai écarquillé les yeux, oubliant d'expulser l'aire de mes poumons. 100 oui ? C'était énorme, beaucoup trop, on n'avait rien convenu de pareil ! Jenna m'a regardé dubitative. Je lui demandais de se jeter dans la gueule du loup, elle en avait autant conscience que moi. Les Évadés et les Rebelles ne s'appréciaient pas, tout le monde le savait. J'allais perdre mon second chez moi sur un coup de tête. Sur un espoir vain.

« - Dhattûra, viens nous expliquer ta proposition. »

Je ne m'étais pas préparée à cela, les 126 personnes me regardaient avec bienveillance. À tous les coups leurs regards allaient changer. Ils me détesteront d'avoir voulu m'allier avec les Rebelles. Il fallait que je me concentre. Ne pas penser à ça, ne pas penser à eux, penser à ce que je veux leur transmettre. J'ai rejoint Javis, mes jambes tremblaient. Puis je me suis lancée.

« - Bonjour à tous, comme beaucoup d'entre vous ma famille est enfermée à Thysléem. Si j'avais été avec eux j'aurais souhaité que ceux qui le peuvent fassent quelque chose pour moi. J'aurais souhaité avoir de l'espoir. Un jour pouvoir être libre. Nous sommes le seul espoir de nos familles. » Mes yeux se sont embués, J'ai lutté contre les larmes, me concentrer sur ce que je veux transmettre. J'ai continué : « Nous sommes leur salut. Nous sommes ceux qui peuvent agir. Nous sommes aussi ceux que ne le font pas. Nous les oublions de jour en jour. » J'ai fait une pause, ai difficilement avalé ma salive. « Chaque souvenir qui s'efface fait monter ma culpabilité. Je suis lâche. Nous le sommes tous. » Des murmures de contestations ont envahi l'air. « Nous les avons abandonnés. » J'ai augmenté le son de ma voix pour couvrir le bruit. Le bruit et l'air lourd. « Ce n'est pas le gouvernement que les Évadés trahissent. C'est leur peuple. Je vous propose ce soir ne plus être des traîtres. Soyons des Rebelles, soyons l'espoir d'un peuple. Je ne vous propose pas de déclarer la guerre à Irnoé, pas non plus de risquer vos villes ou de tuer des gens. Je vous propose de vous battre pour ce en quoi croyez juste. J'ai amené une amie, elle vous expliquera qui ils sont, pour quoi ils se battent et en quoi ils croient. » J'ai tendu la main vers Jenna qui m'a regardé impressionnée. « Je te remercie pour mon clan elle a murmuré avant de se tourner vers la foule. » Elle avait été ahurie quand je lui avais dit notre nombre. Elle pensait que les Évadés étaient moins nombreux que les Rebelles.

« - Je suis Jenna. J'ai choisi le clan des Rebelles parce qu'ils sont prêts à faire évoluer les choses. Parce qu'ils se soutiennent coûte que coûte. Sachez que la violence n'est utilisée que dans les cas extrêmes. Notre objectif est de faire faiblir la famille Girzen et toutes les familles qui le soutiennent pour qu'elle perde du pouvoir. Nous discréditons aussi les autorités aux yeux du peuple. C'est facile puisqu'elles ne font jamais rien. Notre but est que les villages se révoltent contre les Girzen. Changer de gouvernement sera l'aboutissement du projet. Votre rôle ne serait que de soigner les blessés, prendre soin des enfants que l'on a laissés au village mais qui y courent un danger, ceux qui veulent pourraient participer aux missions avec nous. Votre camp pourrait être un lieu de répit. »

« - On n'a pas assez de nourriture ! » A crié quelqu'un dans la foule.

« On est en train de créer des parcelles d'agriculture dans un endroit sécurisé. On pourrait vous aider avec la nourriture en contrepartie. »

Je me suis demandé si elle mentait. Tout le monde sait que les Rebelles volent de la nourriture dans les villages pour se nourrir.

« - On pourrait vous apprendre des techniques de combat, on pourrait même peut-être vous donner des nouvelles de vos familles à l'intérieur de Thysléem. »

Les murmures ont repris, je me suis tournée d'un coup vers Jenna. J'ai ouvert la bouche mais rien n'en est sorti. Elle m'a souri, ravie de l'effet que provoquaient ses dernières paroles.

« - Je t'expliquerai. » Elle m'a chuchoté. Ce qu'elle venait de dire ne correspondait pas au discours qu'elle m'avait servi en venant. « Forteresse impénétrable », Je ne savais plus quoi penser. Le doute est revenu en force, j'étais perdue.

« - On va procéder au vote. » A repris Javis. Comme pour interrompre les réflexions de notre peuple. Ils n'avaient même pas eu le temps de réfléchir et de discuter entre eux. J'en voulais a Javis de ne me laisser aucune chance. Je m'en voulais à moi-même aussi.

J'allais tout perdre, j'avais vu beaucoup trop gros... Si chacun joue à sa façon, j'allais moi aussi créer des règles.

« - Si vous votez oui, vous ne devenez pas des Rebelles, vous acceptez juste de les aider. »

Javis et Jenna m'ont dévisagée. Moi, j'ai regardé droit devant moi pour éviter de capter leurs regards. J'avais parlé sur un coup de tête. Hors de question que je m'allie seule au Rebelles et que je perde ma place dans cette petite cabane qu'ont m'avais confié.

Elban m'a sauvé de la gêne en levant un bras.

« - Je vote oui ! » Il a crié. Je lui ai souri, je l'ai trouvé beau.

Un bras s'est levé, puis un autre, les gens se sont mis à crier, certains levaient leurs deux bras, d'autres aucuns. Que les esprits soient avec moi, j'ai prié. Peu à peu les bras se sont levés, un par un. Mon cœur s'est serré, j'étais émue, pendant plusieurs minutes le temps s'est arrêté. Les regards étaient déterminés, les bras levés ne tremblaient plus lorsque l'on a terminé le vote.

« - Que les personnes qui ne sont pas d'accord se mettent à ma droite. »

C'était Javis qui avait parlé, quelques personnes se sont détachées du groupe. Je comptais chaque tête qui se positionnait à côté de Javis. Quand plus personne n'a bougé il y avait 13 personnes au côté de Javis. 13... Les 100 oui étaient largement dépassés !

Les Évadés acceptaient de collaborer. J'allais pouvoir aider ma famille sans renoncer à ma petite cabane au sein du peuple qui m'avait acceptée.


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Pardon pour les deux jours de retard. C'est ma sœur qui me corrigeait et elle n'a plus le temps. Désolée d'avance pour les fautes qui se glisseront dans le texte. N'hésitez pas ma me dire si vous en voyez pour que je puisse les corriger !

DhattûraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant