Le lendemain, j'ai retrouvé les Rebelles à la rivière pour leur expliquer mes intentions. Ils n'ont pas apprécié mon idée et ne voyaient pas comment créer une collaboration entre les Rebelles et les Évadés. Face à ma persévérance,ils m'ont proposé de me conduire à leur chef. Ils posèrent une seule condition : Que je m'engage seule si les autres Evadés refusaient de coopérer avec eux. « Une fois que l'on voit le chef, on est engagé à vie avec les Rebelles.» M'avait expliqué Tangav, celui avec qui j'avais discuté la veille. Comment leur expliquer que je n'avais pas le droit de sortir d'un certain périmètre et que je ne pouvais par conséquent pas aller à la rencontre de leur chef ? J'avais peur que mes paroles attisent la haine entre les Rebelles et les Evadés. Comment expliquer que je suivais des règles que je n'approuvais pas ? Comment expliquer que la peur de jouer mon destin sur un coup de tête me retenait prisonnière ? J'étais prisonnière de mon mental.
J'ai accepté. Et je ne me suis jamais sentie aussi libre que lorsque, montée sur Hérésie, j'ai traversé la rivière et ai laissé derrière moi un destin qui ne me convenait plus.
Au campement, une réunion a eu lieu le soir même pour prendre une décision. J'ai pensé à demander à Tangav de parler en l'honneur des Rebelles pour inciter les gens à approuver la cause et l'union des deux camps. Mais Tangav, en plus d'être bourru, avait un physique qui ne le mettait pas en valeur. Ses longs cheveux épars étaient gras, ses dents jaunes semblaient pourries et les poches sous ses yeux auraient pu servir de gourde. Peut-être que le chef pourra désigner quelqu'un pour m'accompagner convaincre les Évadés.
Nous avons longé la rivière un long moment du côté opposée à Thysléem puis avons continué vers le nord.
« - On est encore en Thyslée ? » J'ai demandé par simple curiosité.
- Non, on est en Faride. Comment tu as su ?
- Mon père a un peu voyagé, il m'a expliqué.
« - Voyagé ? » A répété Tangav
« - Oui. » J'ai coupé court à la conversation. Je ne voulais pas parler de mon père, de ses cours de géographie ou de ses voyages. Pour le peuple, c'était mal vu de voyager. Mal vu ou réservé aux familles les plus influentes de l'empire. Famille dont mon père ne faisait pas partie.
Nous avons encore marché plusieurs heures, je me suis sentie obligée de préciser que je devais être de retour avant la nuit. Les trois autres cavaliers m'ont ri au nez. J'ai essayé de les ignorer pourtant j'étais vexée. J'ai remarqué qu'ils montaient moins bien que moi. Mon père me disait qu'on pouvait deviner la classe sociale des gens à leur façon de monter. Nous n'étions pas riches mais mon père nous avait appris, à ma sœur et moi, l'art de l'équitation dès notre plus jeune âge. Son travail avec les chevaux avait permis qu'on en ait toujours à disposition.
Tout à coup, au milieu de l'épaisse forêt, j'ai aperçu une maisonnette en pierre. Juste derrière, il y avait un petit enclos où deux gros chevaux se reposaient. Le calcul était vite fait, j'allais me retrouver seule avec cinq hommes à des centaines de kilomètres d'un lieu habité. Ma mère ne m'aurait jamais laissé, elle m'aurait engueulé uniquement pour y avoir pensé. J'ai attaché ma pouliche à un anneau dans le mur. Mes doigts ne voulaient pas lâcher sa longe et mes jambes ne voulaient pas m'abandonner à mon sort. Qu'allait-il se passer à l'intérieur de cette maisonnette ? Les autres chevaux sont venus voir à la barrière. Tangav a frappé quatre lents coups à la porte. Puis, en silence, nous avons passé le seuil de la petite maison. Il faisait frais à l'intérieur. Deux personnes nous regardaient, assises près de la cheminée éteinte. Un homme de l'âge de mon père et... une jeune femme.

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Dhattûra
RomanceDans une époque et une région qui n'est pas la nôtre, la guerre a fait de la capitale une prison. Alors qu'une jeune fugitive tante de retrouver sa famille, Le destin de l'empire tombe entre les mains du fils héritier. Les décisions qu'ils prendr...