— Ton frère est mort.
Je lève les yeux vers la petite blondinette en face de moi. Elle est tranquillement assise sur son fauteuil et remonte sa paire de lunettes sur son nez.
— Merci Docteur Martin, je ne sais pas ce que je ferais sans vous !
Je commence à me relever du canapé où je m'assois tous les mercredi depuis quelques semaines, pour partir de cette thérapie.
— S'il-te-plaît rassis-toi, Hélia.
Je regarde ma psychologue quelques secondes avant de m'exécuter. Alors que je venais de la rencontrer, Docteur Martin était déjà enceinte et à chaque fois qu'elle réfléchissait, elle touchait son ventre rond. Au départ ça m'intriguait qu'elle le fasse si naturellement puis au fur et à mesure des séances, j'ai commencé à trouver ça mignon.
— Je sais bien que tu es au courant du décès de ton frère, reprend-elle, ce que je voulais dire c'est que tu dois faire ton deuil.
— Comment faire mon deuil en sachant que l'assassin de son frère est toujours dehors ?
Elle hoche lentement la tête en touchant son ventre puis dit la phrase qui hante mes nuits :
— La police a classé l'enquête sans suite ?
Ce n'est pas une question mais plutôt un fait.
— Je devrais faire ma propre enquête..., je murmure en fermant les yeux.
— Ce que tu dois surtout faire c'est extérioriser tes émotions. Tu gardes tout pour toi et ça te ronge de l'intérieur.
Elle est drôle, elle. Liam était mon meilleur ami en plus d'être mon frère.
— Je n'ai plus personne à qui parler.
— Hélia, c'est mon métier, fait-elle en retenant un soupir.
Je ferme les yeux : bien sûr qu'elle est là pour ça, mais je n'ai toujours pas digéré la mort de Liam et la douleur dans ma poitrine est toujours aussi forte que le premier jour.
J'étais à la maison, en train de regarder un film à la télévision, quand deux policiers ont frappé à ma porte pour m'annoncer le décès de mon frère. Ça m'a anéantie.
— Ça fait combien de temps que tu n'es pas allée à la faculté ? reprend ma psychologue.
Le soudain changement de conversation me surprend et je hausse les épaules en me calant contre le canapé.
— Depuis le meurtre. De toute façon c'est bientôt la fin des cours.
Elle secoue légèrement sa tête en pinçant les lèvres.
— Tu es en train de ruiner ton année, Hélia. Tu étais une très bonne élève, tu peux toujours essayer de rattraper le mois que tu as loupé.
J'ouvre la bouche pour protester mais elle lève sa main, signe qu'elle n'avait pas fini de parler.
— Tu ne veux pas rattraper les cours que tu as loupés, d'accord, mais vas-y pour parler avec des gens. J'espère qu'ils te persuaderont de reprendre l'année prochaine.
Je marche dans la rue en repensant à ma séance avec le Docteur Martin. Elle a raison, je dois faire mon deuil. Mais comment ? L'assassin de Liam est toujours dehors et personne ne fait rien pour retrouver le coupable !
Dans quelques jours, ça va faire un mois que mon frère est mort. Un mois. Un mois que les policiers n'ont rien retrouvé. Je souffle un grand coup pour faire diminuer ma colère et lève les yeux vers le ciel. Il est bleu, sans une once de nuages.
Je déverrouille ma porte d'entrée et vais directement dans ma chambre me jeter sur le lit. Quand Liam a atteint sa majorité, il a tout de suite emménagé dans un appartement et je l'ai suivi. Je ne pouvais pas rester vivre avec elle.
On a vécu dix ans en famille d'accueil. Dix ans de vrai cauchemar.
Quand vient l'heure de dîner, j'allume la télévision sur la chaîne des informations et ouvre le frigo, à la recherche de quelques choses à manger. Je prends les restes de ce midi et vais directement m'asseoir sur le canapé, entourée d'un bon plaid.
Alors que le journal du soir commence, je prends mon téléphone et regarde mon fil d'actualité Instagram. Je ne prête pas attention aux photos de personnalités connues et continue de défiler. Je regarde une vidéo drôle d'un gars de ma classe puis je tombe sur une photo d'Antoine - le meilleur ami de Liam.
On le voit assis à une table : ses cheveux blonds sont coupés courts et ses yeux verts d'eau fixent l'objectif. Je souris en le voyant puis j'aperçois un commentaire de Valentin - un autre de nos amis - qui se moque de la pose qu'a pris Anto sur la photo.
Je ricane un peu et sans le vouloir, je clique sur le profil de Val'. Le compte du châtain s'affiche alors sur mon écran et je m'apprête à faire retour mais une photo me stoppe dans mon geste.
Une image attire mes yeux : Valentin est devant l'enseigne du bar 313 avec un autre homme. Les yeux de l'inconnu sont d'un joli marron qui vont parfaitement bien avec sa peau mate et son sourire est craquant... ?
Qui est ce gars ? Je ne l'ai jamais vu.
Je soupire en éteignant mon téléphone et me reconcentre sur les informations mais mon cerveau tourne en boucle sur la photo du type.
Après une énième tentative de résistance face à ma curiosité, j'attrape mon téléphone et retourne sur la fameuse photo. Je plisse les yeux et regarde si le beau métisse a été identifié.
Je souris en voyant un compte s'afficher sur le torse du type et je clique dessus avant d'arriver sur un profil d'un gars se nommant Éloi, d'après le descriptif de son compte.
Ses photos sont visibles par tous et je les défile rapidement - il est plutôt pas mal - mais à part son beau visage et quelques photos de paysages, il n'y a pas d'information sur ses études ou sur ce qu'il fait.
Au moment où je me dis que j'ai l'air d'une psychopathe et que je ferais mieux d'éteindre mon téléphone, une photo retient mon attention. Une photo de mon frère et du fameux Éloi.
Je regarde de plus près l'écran mais je n'y crois toujours pas. Où est-ce qu'ils se sont rencontrés ? Pourquoi Liam ne m'a jamais parlée de ce gars-là ?
Je ferme les yeux un instant : mon frère n'est plus là pour me répondre. Je soupire tristement et délaisse mon téléphone pour me reconcentrer sur la télévision ; le présentateur explique qu'il y a encore eu une fusillade dans le fameux quartier du gang.
Ma ville, Edeny, est contrôlée par les Hawk : le clan le plus puissant d'Europe. Leur chef, Léo Kurt, est connu et craint par tous mais je n'ai vu son visage que dans les médias et la description y faite de lui.
C'est un jeune homme d'origine hispanique, un mètre quatre-vingt-six, vingt-quatre ans et un tatouage d'aigle sur le cou. Et bien-sûr, très dangereux, mais ça n'arrête pas ses groupies qui tuerait pour avoir la « chance » de le voir.
Le chef des Hawk ne rigole vraiment pas, il contrôle tout de A à Z. Que ce soit les armes, la drogue, la police, l'argent, l'État. Mon quartier est à seulement quelques kilomètres de celui où il y a eu la fusillade et ce n'est pas inhabituel de voir certains hommes ou femmes dans ma rue, une arme à la main et un air sanguinaire sur le visage.
À ce moment-là, il vaut mieux faire profil bas.
Mon attention retourne sur la télévision où la journaliste répète les phrases habituelles face aux fusillades du clan. Je commence à m'habituer à ce genre de nouvelles. Et c'en est triste.
La jeune femme parle alors d'une histoire de vengeance entre gang mais mon esprit est ailleurs. Vengeance. Je repense à mes propres mots de cet après-midi pendant la thérapie : « je devrais faire ma propre enquête ».
Ma bouche fait alors une moue approbatrice et ce mot s'inscrit profondément dans mon esprit.
VOUS LISEZ
L'assassin de mon frère
ActionHélia vient de perde son frère, celui-ci a été mystérieusement tué lors d'un soir d'été. Anéantie, elle enquête sur la mort de Liam mais celui-ci semble être lié à des gens dangereux. Au milieu de tout ça, le sombre passé d'Hélia va refaire surface...