Chapitre 16/

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Éloi fait quelques pas dans ma direction, regardant mon plat de pâtes entre mes mains, puis m'annonce :

— Mes hommes ont modifié ta carte bancaire afin qu'elle ne soit pas traçable. J'ai déplacé ton argent sur un nouveau compte secret et Léo a pris ton téléphone jusqu'à ce que tu, je cite, « fasses tes preuves dans le clan ».

Il me tend ensuite une carte noire chrome et je la prends par réflexe mais la fin de sa phrase fait écho dans ma tête. Mon téléphone est confisqué ; ils me prennent pour une enfant ?

— Je peux quand même dire à mes proches de ne pas s'inquiéter pour moi ? fais-je en lui lançant un regard.

— C'est déjà fait. J'ai envoyé un message à tes contacts en leur disant que tu pars de la ville quelques temps pour faire ton deuil.

Je n'ai même pas mon mot à dire apparemment.

— Surtout prends tes aises avec mon téléphone, je chuchote en regardant ma nouvelle carte bancaire.

Éloi prend quelque chose dans des tiroirs, le dos tourné vers moi. Est-ce qu'ils vivent tous ici ? Dans cette immense maison ? Léo, Colin, Éloi et...Félix, je crois. Et moi aussi maintenant.

— Donc, je reprends d'une petite voix, j'habite avec vous...dans cette maison ?

Le métisse se retourne vers moi, un couteau à la main et je cligne des yeux en le voyant l'aiguiser.

— Sauf si tu veux aller au QG avec les autres Hawk.

Donc ce n'est pas le « QG » ici.

— De toute manière, renchérit-il, comme ton appartement va être rendu à son propriétaire, tu dois vivre ici, tu n'as pas le choix.

— Quoi ? Mais de quel droit vous pouvez faire ça sans m'en parler ? C'est mon appart' que je paye avec mes sous ! Et ce sont mes affaires !

Éloi me regarde un peu gêné et passe une main sur sa nuque en me disant qu'il croyait que j'étais déjà au courant de ça. Je me calme - seulement un peu - après tout ce n'est pas vraiment de sa faute mais plus celle de son chef.

— Des gens malintentionnés peuvent venir dans ta petite maison pendant que tes proches s'y rendent aussi, renchérit le mafieux pour me convaincre.

Après tout, mes meubles venaient du Bon Coin et étaient à moitié prix. Ils n'ont pas de valeur sentimentale.

Par contre je dois récupérer quelque chose avant que mon appart' ne soit rendu.

Je dis alors à Éloi que je dois vraiment passer chez moi pour prendre un objet et il se retourne face à moi en soupirant. J'essaie de faire des yeux de chat pour l'amadouer et il hausse ses sourcils en me regardant droit dans les yeux.

— Je vais t'accompagner, finit-il par soupirer.

Je m'exclame pendant que le métisse va chercher des clefs de voitures, me laissant seule dans la grande cuisine. Ce qui est bizarre avec lui, c'est que j'ai l'impression de le connaître en tant que barman et non en tant que membre d'un gang.

Éloi revient me chercher et je le suis jusqu'à une autre porte du couloir qu'il ouvre. J'entre après lui et découvre un immense garage qui comporte beaucoup de voitures et plusieurs motos tout au fond.

Le mafieux se dirige vers une décapotable noire et me fait signe de le rejoindre en la déverrouillant. Je grimpe à l'intérieur en regardant partout, impressionnée par l'auto. Je crois que c'est la première fois que je monte dans ce genre de voiture.

Plusieurs minutes passent, avec seulement le bruit de la radio pour combler le silence embarrassant dans la voiture. J'épie alors Éloi du coin de l'œil et le vois concentré sur sa conduite.

— Il faut combien de temps pour arriver en ville ? je demande en regardant le paysage vert.

— Une heure et demi.

La route va être longue mais je peux en profiter pour lui poser des questions, il sera peut-être plus ouvert que son malade de chef.

— Pourquoi vous étiez tous étonnés en apprenant que Liam et moi sommes frères et sœurs ?

Éloi prend quelques secondes avant de me répondre :

— Il ne nous avait pas dit qu'il avait une sœur.

— Ah bon ? Tu sais pourquoi ?

— Colin pense que c'était pour te protéger.

— Me protéger de quoi ? De vous ?

— Je n'en sais rien, Hélia. Sûrement.

Je détourne mon regard pour me concentrer sur les arbres qui défilent à côté de la route. Liam a peut-être voulu me protéger de cette histoire de clan mais au final, je suis en plein dedans !

Je regarde le profil de l'homme à ma gauche. Personne ne pourrait soupçonner que c'est un mafieux : son visage n'a rien d'effrayant et ses yeux marron sont chaleureux. Ils me rappellent même ceux de mon frère. Dedans il y avait une touche de jaune, si discrète qu'il fallait vouloir la voir pour la discerner.

Je soupire en fermant mes yeux, ma main vient soutenir ma tête contre la portière et je me laisse bercer par le ronronnement de la voiture. Le soleil vient me réchauffer face au vent et je n'entends plus que ma respiration.

Je sors de la pièce où l'infirmière vient de me faire une radio afin de mesurer les dégâts de ma fracture à l'avant-bras. Je marche vers la salle d'attente mais alors que ma douleur me lacère tout mon membre, une voix masculine résonne dans le couloir des urgence :

— Lili !

Je me retourne en entendant la voix de Liam et le vois trottiner en ma direction à vive allure. Il arrive devant moi essoufflé mais ne reprend même pas sa respiration et me serre dans ses bras.

J'apprécie qu'il me fasse un câlin - c'est tout de même rare - mais je me dégage de son étreinte en sentant mon bras se désintégrer sous la douleur.

— Tu me fais mal, crétin, fais-je en me plaignant.

Liam soupire et me frotte gentiment le haut de la tête en s'exclamant :

— Tu ne peux pas m'envoyer un message en disant seulement que tu es à l'hôpital pour te faire opérer d'urgence. Tu m'as fait peur, idiote.

Je hausse les épaules et on entre dans la salle d'attente en silence. Il ne me demande pas comment mon bras s'est fracturé, il connaît déjà la réponse : elle.

Soudain un téléphone sonne et je réouvre les yeux dans un sursaut. Je suis dans la voiture avec Éloi. Je souffle par le nez pour me calmer et déglutis pour faire passer ce souvenir de ma tête.

— Léo ? fait le mafieux en décrochant son téléphone.

Il referme le toit ouvrant pour mieux entendre son interlocuteur puis met le téléphone en haut-parleur et le place sur le tableau de bord.

— Vous en êtes où ? fait une voix masculine.

— Il doit nous rester vingt minutes. Il y a un problème ?

— Colin et Félix viennent de me prévenir que des Avorio sont en ville.

— Merde, qu'est-ce qu'ils font là ? siffle Éloi.

Mes yeux vont de mon chauffeur à son téléphone, sans comprendre ce qu'ils se disent.

— Les gars vont les suivre mais je ne sais pas ce qu'ils veulent. Vous passez vite chez la gamine et vous filez.

Éloi répond par l'affirmatif avant de ne raccrocher.

— C'est un problème que les Aro...Avorio soient en ville ? je demande après un instant de réflexion.

— C'est le clan ennemi.

L'assassin de mon frèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant