Un avenir incertain

Chapitre 8 - Lapis-lazuli

Une impatience agitée cueillit Salomé au petit jour. Ses habits enfilés, elle gagna promptement la salle principale où Rhodri et Sélène s'activaient.

« Bonjour », l'accueillit amicalement le Kryptonien. Il farfouillait dans un large sale en toile noire. Sa barbe était méticuleusement peignée, et ses iris dorées animaient un regard vif. Il se tenait prêt. Une certaine excitation ambiante teintait l'atmosphère de son piquant. Sélène leva un vague regard vers elle.

« Bonjour », dit-elle tout de même du bout des lèvres. En plus de sa chemise et de son corset, la rousse portait une armure ventrale qui épousait parfaitement les lignes sveltes de son corps. Elle attrapa une protection similaire et la tendit à Salomé. « Tu pourrais en avoir besoin », commenta-t-elle.

La jeune femme la remercia. Elle enfila la panoplie dorée autour de sa taille et laça le tissu qui maintenait les deux versants rigides, sur ses flancs. Des cavités avaient été pensées pour permettre à la poitrine de s'y loger. La sienne était plutôt généreuse, et l'armure venait amplifier un décolleté harmonieux tout en la maintenant parfaitement. Salomé rassembla ses longs cheveux bruns et épais en une queue de cheval haute. Elle était prête. Prête à retourner chez elle.

« C'est parti », lâcha Rhodri, l'air guilleret, en lui faisant signe de les suivre. Ils prirent un nouvel ascenseur qui les mena au toit, qui était en réalité une sorte de parking à vaisseaux spatiaux. Ils contournèrent deux ou trois gros gabarits, et s'approchèrent d'un modèle plus petit, aux lignes plus abruptes.

Kal-El émergea de sa soute. Il les observa arriver vers lui, le haut de son visage à l'ombre de l'aile droite. Le soleil rond se réverbérait sur la blancheur de l'édifice sur lequel ils se trouvaient.

« On est là chef », ironisa Rhodri en passant devant lui avant de s'engouffrer dans l'appareil. Sélène lui emboita le pas. Salomé arriva enfin à la hauteur de Kal-El qui baissa les yeux vers elle.

« On va faire en sorte que tu ne subisses pas ce vol », lui intima-t-il comme pour l'encourager, avant de lui montrer la passerelle en levant sa paume vers le ciel.

Ils s'installèrent rapidement. Rhodri aux commandes, Sélène à côté de lui. La trappe se referma, les piégeant à bord du vaisseau.

« Salomé, tu ferais bien de t'asseoir, et de bien t'attacher, cette fois-ci », lança Rhodri de l'avant de l'appareil. Cette dernière choisit un siège et s'y installa avant de boucler le harnais de sureté. Elle sentit soudain le vaisseau se mettre en marche et vrombir sous ses fesses.

« Nous allons passer en vitesse lumière, expliqua Kel-El en s'approchant d'elle. Il posa un genou à terre et son visage se retrouva juste en dessous du sien. Ça ne réussit pas à tout le monde, et ça ne t'a pas réussi la dernière fois. Il faut que tu te concentre sur quelque chose ». Le navire spatial s'ébroua et amorça sa montée dans les airs. Les mains de Salomé se crispèrent sur le siège. Kal-El le remarqua et posa une large paume chaude sur les doigts contractés de la jeune femme qu'il recouvrit, protecteur.

« Regarde-moi », lui ordonna-t-il. Surprise, Salomé obéit. Elle sentit qu'ils prenaient de la vitesse, mais il n'y avait pas de fenêtre ou de hublot pour le constater. Les seules ouvertures se trouvaient devant, au niveau de la cabine du pilote.

Les yeux de Kal-El rappelèrent à Salomé deux Lapis-Lazuli, une pierre métamorphique à la couleur d'un bleu outremer, parsemé de minuscules paillettes dorées. Ses prunelles reproduisaient l'univers : ses aspérités, ses étoiles, sa toile bleue profonde. Salomé s'y plongea en apnée, envoutée par ce bleu sibyllin. Elle devina un mouvement des lèvres de Kal-El, mais elle n'entendait plus. Une secousse effleura son corps. Ses yeux ne sillèrent pas. Le contact de la tiédeur de sa main finissait d'apaiser la jeune femme.