Chapitre 21 - Vouloir ou devoir

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« Ils réclament Rhodri », informa Aeden, le commandant de l'armée Oyessadienne. Kal-El baissa les yeux, pensif. Il avait décidé de l'épargner lors de son retour dans le temps. Probablement que cette mort-là, elle aussi, était un poids bien trop lourd à supporter pour lui.

Tous les représentants des différentes armées s'étaient réunis dans la grande tente de commandement Terrienne.

« Si je puis me permettre, ce ne serait pas une bonne idée de leur donner le prisonnier », commenta Artier en caressant la table avec le dos de sa main.

« Qu'est-ce que vous en savez-vous, au juste ? », rétorqua le frère de Sélène, un air hautain figeant les traits de son visage.

« Je veux le voir ». Tout le monde jeta un coup d'œil mi surpris mi inquiet à Kal-El. Celui-ci les toisa, la mine renfrognée. Artier et Aeden finirent par hocher la tête et ouvrirent le pas en direction de la pièce où le Kryptonien était retenu. Sélène s'engouffra derrière eux à la suite de Kal-El qui s'arrêta brusquement. La rousse s'encastra dans son dos.

« Excuse-moi », bredouilla-t-elle en se reculant, visiblement perturbée.

Il baissa un regard apathique vers elle et resta cloué sur place avant d'aviser Salomé. Celle-ci vit le visage de Sélène blêmir. Il ouvrit la bouche, puis la referma, hésitant.

« Tu souhaites le confronter ? », finit-il par demander. Ses yeux dérivaient d'un coin à l'autre de la pièce où elle se trouvait encore.

« Oui », répondit Salomé qui avait compris que la question lui était adressée. Un goût amer s'était répandu sur son palais.

Ils se rendirent dans la salle où avait été retenu Kal-El quelques jours plus tôt. Rhodri avait pris sa place, attaché sous la lueur verdâtre de la kryptonite. Artier s'empara du caillou et sortit avec. Sélène resta dans la pièce adjacente, et Salomé entra avec Kal-El dont les muscles se raidirent. Assis par terre, l'homme les considéra, comme s'il avisait des étrangers. Son regard se posa sur Salomé, et s'illumina presque imperceptiblement d'une lueur étrange. Il bascula sa tête vers le plafond et sourit.

« Visiblement j'ai raté mon coup », lâcha-t-il d'une voix cynique.

Salomé glissa un oeil vers Kal-El. Celui-ci dévisageait son ancien ami avec une telle intensité qu'elle s'attendait à tout moment à voir ses yeux se teinter de rouge.

« Pourquoi ? ». La question qui brûlait les lèvres de Salomé avait fini par sortir malgré sa volonté de garder le silence. Elle lui avait échappé, comme si la digue qui retenait son incompréhension s'était effondrée.

« Parce que tu es un danger, répondit-il simplement, sans la regarder. Il passa une main sur ses quelques millimètres de cheveux. J'aurais dû le faire bien avant. Avant que Kal-El ne s'engage dans une guerre contre son propre peuple pour toi. Avant, nous ne nous bagarrions que très rarement, et nous vivions séparé dans une relative paix. Désormais, le sang coule et nos propres frères s'entretuent ».

« Avant, ils s'entretuaient aussi, grinça Kal-El, entre ses dents en le coupant. Tu es fou, ce que tu racontes n'a pas de sens. Melchior t'a retourné le cerveau. Il voulait ma peau, ma place, et coloniser Oyessa. Il fallait agir »

« Tu n'aurais pas voulu, toi, avoir de nouveau un chez-toi ? Avoir une planète où l'on se sent légitime et à notre place ? »

« Pas de cette manière-là »

Rhodri ferma les yeux d'agacement.

« J'en ai eu marre. Marre de te suivre comme un petit chien, et d'être traité comme un sous-citoyen pendant des années sur Oyessa. Marre de ne pas avoir les mêmes droits et les mêmes privilèges. Marre de me battre contre mon propre peuple, qui, finalement, souhaitait simplement retrouver ce qu'il avait perdu innocemment ».

Un avenir incertainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant