Chapitre 31 - L'esquisse

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Salomé et Kal-El discutèrent jusqu'à une heure avancée de la nuit. L'heure à laquelle les pubs ferment leurs portes et renvoient leurs joyeux clients dans la fraîche nuit irlandaise. La grande ombre du Kryptonien engloutissait celle plus frêle de la jeune femme alors qu'ils marchaient cote à cote vers son appartement. La pluie avait cessé et laissait derrière elle des pavés luisants sous les réverbères de la vieille ville. Ils passèrent sur un pont et Kal-El s'arrêta. Il observait la nuit noire, derrière l'eau sombre, puis, là-haut, d'où il venait. Salomé cru lire sur son visage à moitié éclairé les contours d'une profonde réflexion. Enfin, il la regarda.
« Tu dois y retourner ? ». Son cœur s'était fait plus lourd.
« Je n'ai pas envie », souffla-t-il en s'emparant de la rambarde. Ses yeux s'étaient obscurcis et faisaient des allers retour entre elle et ce qui l'entourait. Puis, il se pencha sur elle pour l'embrasser avec une urgence inhabituelle. Son souffle se faisait plus saccadé, ses mains plus impératives dans les cheveux de la jeune femme, et sur son visage, contre sa taille qu'il serrait contre lui. Les bières qu'ils avaient bues semblaient lever quelques barrières de la délicatesse dont il faisait preuve en temps normal. Elle se laissa faire, puis, se recula légèrement. Les traits brouillons de Kal-El lui firent face dans une moue trouble. Ses yeux trahissaient le désordre qui régnait dans sa tête.
« Reste alors »
Tiraillé, le corps du Kryptonien se tendit près d'elle. Il la contempla un long moment en silence.
« Je crois que je serai prêt à renoncer à vivre parmi les miens pour être avec toi », lâcha-t-il d'une voix religieuse. Les organes de Salomé chutèrent jusqu'à la plante de ses pieds. Elle resta interdite, digérant la déclaration qu'il venait de lui faire. Essayant de réaliser la portée des mots qu'il venait de prononcer.
« Tu crois ? »
« Oui, si c'est ce que tu veux »
« Oui », murmura-t-elle. Un sourire éclaira son visage.
« Alors on pourrait faire un essai »
« Mais tout n'est pas réglé pour toi sur Oyessa ». Il soupira.
« C'est pour ça que je dois d'abord y retourner et régler le problème au plus vite ».
« Combien de temps ? », demanda-t-elle simplement.
« Je ne sais pas. Le moins possible... Je ne peux pas te proposer de venir, je ne suis pas sûr que ta sécurité soit assurée à 100% là-bas. Encore moins lorsque je leur annoncerai mon départ ».
Salomé frissonna en repensant à la bataille qu'ils avaient menée quelques mois auparavant. Elle lui paraissait si loin, mais pourtant encore si présente. Sélène était reine désormais, comment prenait-elle ce refus de Kal-El ?
« Que va dire Sélène ? ». Ses sourcils se froncèrent.
« Elle n'aura pas vraiment le choix. Une fois que j'aurais investi Luther en qui j'ai toute confiance à ma place, les choses iront d'elles-mêmes ».
« Espérant que Sélène tombe amoureuse d'un autre Kryptonien que toi ». Le regard de Kal-El s'attendrit et il souleva la jeune femme pour l'asseoir sur la rambarde en pierre du pont. Derrière elle, les flots du fleuve se déversaient sans bruit. Il se cala entre ses jambes, rependant un contact chaud contre Salomé.
« Je ne dormirai plus tant que je n'aurais pas trouvé un successeur, déclara-t-il. Je dois finir la mission qui m'a été confiée par mes parents et assurer un avenir meilleur à mon peuple. Mais mon avenir à moi, il est avec toi ».
Salomé passa ses bras derrière la nuque de Kal-El.
« Tu restes quand même avec moi cette nuit ? »
« Bien sûr », chuchota-t-il contre ses lèvres. Elle sentit les mains du Kryptonien la presser contre lui alors que leurs langues se rencontraient à nouveau. Soudain, elle ne détecta plus la pierre froide sous ses fesses et se déroba, affolée. Kal-El la maintenait contre lui, mais ils avaient pris de l'altitude.
« Kal-El ! s'écria-t-elle. Celui-ci plissa le front, surpris. Descends, fais- nous descendre ! ». Ils retrouvèrent appui sur la terre ferme.
« Tu es fou ? Tu veux te faire repérer ? », dit-elle d'une voix basse qu'elle poussait pour montrer son énervement. Il la dévisageait, interloqué.
« Non... »
« S'ils te voient faire ça, ils vont savoir que tu es l'un d'eux et ils vont vouloir t'étudier »
« L'un d'eux ? »
« L'un des extra-terrestres qui sont venus sur Terre il y a huit mois ».
« J'ai un accord avec Artier et l'ONU », lui rappela-t-il, calmement.
« Très bien. Mais tu ne sais pas sur qui tu peux tomber. Certaines personnes ont très peur de ce qu'ils ne connaissent pas. Des labos tueraient pour avoir un spécimen comme toi entre leurs mains »
« Un spécimen ? », répéta-t-il, en recula d'un pas. Son visage s'était durcit.
« Tu vois ce que je veux dire »
« Oui, mais ce n'est pas agréable »
« Je suis désolée, je ne voulais pas dire ça, se reprit Salomé en posant une main sur son bras. C'est juste que je n'ai pas envie que tu aies des problèmes ».
Il passa une main derrière sa nuque en soupirant.
« Allez viens, on rentre ».
Ils rentrèrent en silence. Kal-El alla s'asseoir sur le canapé, une fois sa veste retirée, pendant que Salomé allait remplir deux verres d'eau.
« C'est comme ça que tu me vois ? Un spécimen ? ». La voix de Kal-El avait claquée dans le salon. La jeune femme le rejoignit et déposa les verres sur la table. Elle s'assit à côté de lui.
« Non. Pas du tout ».
« Est-ce que notre différence ne va pas finir par te gêner ? ». Le bleu de ses yeux n'avait jamais été aussi sombre, sauf peut-être le jour où il l'avait vu prendre les armes. Son cœur se serra. Ses mots la rendaient triste.
« Pourquoi me gênerait-elle ? », s'exclama-t-elle.
« Parce que je ne suis pas comme toi. Je ne suis pas un humain. Je suis différent ».
« Ça ne me fait pas peur et ça m'est complètement égal »
« Tu es sûre ? », demanda-t-il, le sourcil relevé. On aurait dit qu'il la scannait.
« Mais oui, enfin ! », s'énerva-t-elle en tapant sur sa cuisse.
« Je vois ton regard lorsque j'utilise mes yeux pour... Sa voix se brisa. Parfois j'ai l'impression que ma force est... dangereuse pour toi qui est si fragile ».
« Tu me trouves fragile ? », se renfrogna-t-elle.
« J'ai peur parfois de te casser ». Salomé écarquilla les yeux.
« Pas très agréable ».
Il déposa sa grande paume sur la joue de Salomé.
« Tu ne ressens pas ce que je ressens ».
La chaleur de sa main irradiait la joue de la jeune femme. Elle pouvait presque sentir les pulsations du sang qui coulaient dans les veines du Kryptonien. Une force, presque palpable et viscérale émanait de tout son être. Elle le ressentait lorsqu'elle était dans ses bras.
« Je n'ai pas peur », dit-elle avant de basculer sur le canapé pour s'asseoir sur les genoux de Kal-El et lui faire face. Une lueur de surprise éclaira fugacement ses iris avant que ses yeux ne s'étirent en un sourire. Il laissa échapper un léger son grave avant de l'amener un peu plus contre lui et Salomé en profita pour descendre vers sa bouche. La main de Kal-El dans son dos se fit plus pressante.
Sentir sa peau contre son nez, sa joue, sa mâchoire et son front. Salomé huma l'odeur qui se dégageait de cet être qui la fascinait. Non elle n'avait pas peur. Au contraire. Elle était attirée, curieuse et fondamentalement sous le charme de Kal-El. Le fait même qu'il soit une énigme l'envoûtait. Elle avait déboutonné sa chemise et enlevé son haut. Leurs corps se collaient l'un contre l'autre. Elle sentit celui de Kal-El trembler sous ses mains et se recula.
« Tu tremble? »
Ses yeux mi-clos, encore emprunt des baisers fougueux et de sa peau, se fermèrent encore plus.
« J'ai peur de ne pas savoir me maîtriser »
« Laisse toi aller », lui chuchota-t-elle contre l'oreille avant de faire glisser ses lèvres dans son cou.
Les mains du Kryptonien s'emparèrent de ses hanches avec ferveur et il l'a bascula sur le canapé pour s'allonger contre elle. Il ôta son pantalon et le sien dans des gestes hâtifs et impatients, et la rencontra enfin dans un soupire heureux.
Salomé agrippa sa peau, son dos, ses pectoraux, sa nuque et son visage. Elle voulait qu'il la sente, qu'il la voit, qu'il la goute. La paroxysme qu'elle atteignit lui révéla un sentiment enfoui en elle. Celui de l'amour brut, l'amour cataclysmique, l'amour foudroyant.
Elle retomba sur le canapé complète, entière. Comblée. Kal-El, près d'elle, murmura à son oreille alors qu'elle venait de gagner le monde des rêves.
« Je ne serai pas long ».

Un avenir incertainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant