Chapitre 30 - Franchise

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Salomé zigzagua un bon moment dans les rue de Dublin sous la pluie. Elle avait perdue la notion du temps, et n'avait pas son téléphone portable sur elle. La pluie, au lieu de s'être calmée, tombait avec une constance remarquable. Autour d'elle, les irlandais marchaient nonchalamment, trop habitués à cette caractéristique nationale. Un simple détail, à leurs yeux. Le ciel gris au dessus de sa tête paraissait intarissable. Comme les pensées négatives qui tournoyaient dans son esprit.
Salomé resserra son ciré autour d'elle. Elle devait ressembler à une petite tache jaune dans ce décor maussade. Bien sûr, les devantures des pubs rivalisaient les unes avec les autres de couleurs somptueuses, mais le gris du ciel, des murs mouillés et celui des pavés renvoyait une atmosphère mélancolique. C'était son spleen.
Elle repensa à la mine de Kal-El lorsqu'elle était partie, déconfite. A quoi s'attendait-Il? Ne lui avait-il pas dit qu'il en finirait avec ce mariage? Pourquoi était-il revenu si les choses n'avaient pas évoluées? C'était prendre le risque de la faire souffrir encore, mais ça, s'en rendait-il réellement compte?
Elle marcha dans une flaque d'eau formée par un déchaussement des pavés. Le froid se propagea dans sa bottine puis dans sa chaussette pour envelopper sa peau. Elle pesta. Des gouttes de pluie ruisselaient de ses cheveux trempés sur son visage, dans son coup, sur sa poitrine.
Salomé lui en voulait. Il n'avait pas le droit.  C'était un supplice de vivre pareil sensation, pareille émotion, et d'entendre que rien n'avait changé. Pourquoi était-il venu?
Au coin d'une rue, elle en eut soudainement assez du froid glacial qui commençait à engourdir ses mains et ses lèvres. Elle avisa un pub à la devanture chaleureuse et poussa la porte.
Le comptoir en chêne massif qui lui faisait face affichait des centaine de bouteilles d'alcool différent. Le parquet brut craquela sous ses pas alors qu'elle se dirigeait vers une petite table dans l'une des alcôves de la salle. L'ambiance était plus intimiste que le précédant établissement où elle avait laissé Kal-El. Une musique celtique tapissait en fond l'ambiance feutrée et chaleureuse de la pièce. Un barman s'avança vers elle et lui demanda dans un anglais irlandais ce qu'elle désirait boire.

« A pint of ale please »

L'homme aux cheveux bruns coupés très courts et aux yeux bleus pacifiques lui jeta un regard intrigué avant de s'en retourner. Il revient quelques secondes plus tard avec sa commande.

« And a pint for the french girl », sourit-Il.

« Thanks a million ». Elle lui rendit son sourire. Sans doute plus pâle que le sien, puis, bu une longue gorgée.
Elle se sentit brusquement seule. Là, par elle même, dans cette ville. Loin de sa famille, de ses amis. Sa situation lui donna le tournis. Elle joua avec les échardes du bois de la vieille table et laissa son esprit vagabonder au rythme de la voix cristalline de la chanteuse irlandaise que diffusait les haut parleurs. Son cœur se serra. La bière la détendit légèrement. Mais les battements dans sa poitrine restaient puissants. Et le vide dans son ventre, présent.

https://youtu.be/32_Z8hBG9TA

Elle bu son verre d'une traite, et, timidement, en commanda un second. Elle hésitait à appeler John, mais il ne comprendrait pas. Personne ne pourrait comprendre. Elle n'avait parler de ses sentiments et de cette... pseudo-relation a personne.
Le regard bienveillant du serveur parcourut le visage de Salomé lorsqu'il déposa  la seconde bière et elle se rendit compte qu'elle n'avait pas retiré son ciré et que l'eau dégoulinait toujours de ses cheveux. Elle se dévêtit et pris la pinte fraîche entre ses mains qui grelottaient encore.
Était-il encore sur Terre? Ou était-il reparti? L'avait-il seulement utilisé? Elle aurait aimé entendre des réponses de sa bouche, mais elle était incapable de poser les questions. Par peur qu'elle ne lui montre plus que ce qu'elle souhaitait. Par crainte qu'ils ne soient pas sur la même longueur d'onde. Le fait qu'il ne soit pas humain ajoutait une pincée d'appréhension à la chose. Que voulait-il?
Il avait répondu qu'il choisissait Salomé à la question de Sélène plutôt qu'elle et son peuple. Il avait sûrement répondu du tac au tac par peur qu'elle ne lui fasse du mal.
Elle se prit la tête entre les mains, fatiguée de se tourmenter de la sorte. Tous ces moments désagréables revenaient au galop alors qu'elle commençait seulement à prendre de la distance. Un peu de bière s'écoula sur son menton quand elle porta le verre à sa bouche avec détresse.
Elle ne voulait pas revivre ça, elle ne voulait pas revivre ça. Elle regrettait. Regrettait-elle? Oui. Non. Peut-être. Elle lui en voulait. Bon sang qu'elle lui en voulait. D'être si taiseux, de ne pas deviner ses questions. De ne pas pouvoir lui donner de réponses claires, et de ne pas lui promettre la lune. Elle soupira de lassitude. Mais comment pouvait-elle lui demander tout ça? Elle même serait bien incapable de répondre à la moitié. Et elle était la première à ne rien dire, à taire ses sentiments et ses désirs. C'était elle qui lui avait souhaité bon vent, juste avant qu'il ne s'envole vers Oyessa, il y avait huit mois de cela. Et surtout, ils ne se connaissaient pas depuis très longtemps. Comment pouvait elle lui demander de quitter son peuple pour être avec elle. Et si lui le faisait, que répondrait-elle? Le front plissé, Salomé commençait à se rendre compte que la situation n'était pas toute noire ou toute blanche.
La culpabilité et les remords s'agglutinaient à mesure que le niveau de sa pinte se réduisait. Était-il déjà parti? Elle enfila son ciré jaune et paya le serveur avant de s'enfuir.

Un avenir incertainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant