Chapitre 23 - Le phare

701 44 1
                                    

La grande main blanche de Kal-El reposait sur la surface lisse de la table de campement. Assise en face de lui, Salomé ruminait. Elle ne pouvait plus voir cette table militaire, ses chaises, ses tentes, ses armes, et avait la sensation de vivre une lente overdose stagnante.

« C'est quand vous voulez »,

Artier se tenait derrière elle, et fixait de ses yeux méfiants les Oyessadiens qui pointaient toujours leurs armes sur le Kryptonien. Il semblait perdre patience.

« A quelle mesure connaissiez-vous Rhodri ? », demanda leur chef. Salomé remua sur la chaise, mal à l'aise. Kal-El fixait sa main, le front dur, le visage impénétrable. Elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine méfiance nouvelle vis-à-vis de lui. Était-il capable de meurtre pour arriver à ses fins ? Tout semblait le pointer du doigt. Et s'il avait orchestré toute cette histoire avec Rhodri ? Et s'il lui avait demandé de la poignarder ? Des sueurs chaudes parcoururent son corps alors qu'elle tentait de se calmer. Non. Cela n'avait pas de sens. Il avait remonté le temps pour les sauver tous les deux... Ou peut-être qu'autre chose s'était finalement déroulé dans le passé... Ou bien il n'avait pas réellement remonté le temps ? Qui, mis à part lui-même, pouvait en attester ? Mais alors, pourquoi avait-il été retrouvé dans cet état ? Elle le regarda, désorientée.

« A quelle mesure connaissiez-vous Rhodri ? », répéta l'homme qui la sortit de ses profondes réflexions.

« Euh... Je ne dirais pas ça, mais... je l'ai côtoyé ».

La jeune femme ne pouvait cesser de penser à Sélène, devenue reine soudainement. « La reine Sélène », c'est comme ça qu'ils l'avaient appelé, c'est comme ça qu'elle devrait s'adresser à elle désormais. Si jamais elle la revoyait.

« Soyez plus précise. Nous savons de source sûre que vous avez passé une nuit ensemble », enchaîna le militaire. Les yeux de Salomé s'écarquillèrent et elle avala sa salive de travers. Les paupières de Kal-El semblèrent se plisser subrepticement. Mais la seconde d'après, son indifférence avait tout balayé.

« Non !, se récria-t-elle. C'est faux, j'ai seulement... »

« Vous avez seulement quoi ? »

« J'ai seulement passé une soirée avec lui »

« Vous avez dansé ensemble, il faut une certaine proximité pour en arriver là ». Le ton de l'homme ne plaisait vraiment pas à la jeune femme. Qu'était-il en train d'insinuer ? Elle n'aimait pas la position dans laquelle il la mettait, ni ses questions, ni son attitude envers elle. Kal-El s'était adossé contre la chaise, les bras croisés, dans une posture d'attente.

« Qu'est-ce que vous voulez savoir ? », demanda-t-elle sèchement. Artier croisa lui aussi les bras, signe qu'il n'aimait pas la tournure des évènements.

« Si oui ou non vous aviez une liaison avec cet homme ».

« Non »

« Vous n'étiez qu'ami ? ». Un soupçon de déception teinta sa voix.

« Oui. Enfin, je le pensais »

« Il ne vous a rien confié ? Sur ses plans d'assassinat ? »

« Non ! »

« A-t-il critiqué le roi devant vous ? ».

Salomé ferma les yeux et se pinça le nez. Rhodri lui avait dit que son peuple et les Oyessadiens n'étaient pas égaux, mais en soi, cela ne formulait pas à proprement parler une critique.

« Non ».

« Vous êtes sûre de tout ce que vous avancez ? »

« Oui ! Vous pouvez lui demander ! », s'impatienta-t-elle en levant le menton vers Kal-El. Celui-ci coula un regard sans émotion sur elle. Tout le monde rejeta son attention sur lui.

Un avenir incertainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant