Chapitre 46 - La Requête

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Les semaines qui suivirent la sortie tonitruante de l'article furent édifiantes. Protégée par l'anonymat, Salomé observait de loin tout le tabac mondial médiatique et politique des révélations qu'elle venait de faire. Son papier semblait avoir réveillé chez une partie de la population une conscience morale vis-à-vis des autres peuples qui habitaient l'univers. Bien sûr, un autre pan de la société militait pour bannir ou capturer le moindre extra-terrestre, vu comme un barbare et un ennemi juré, du simple fait qu'il soit différent. La phrase d'Averroès ne cessait de revenir à l'esprit de la jeune femme. Cependant, il paraissait limpide que les gouvernements, et les institutions internationales devaient réagir. Plusieurs sommets eurent lieu en très peu de temps, regroupant les puissances mondiales autour d'une table pour débattre sur le sujet.

Un engouement nouveau était né des blessures mortelles de Kal-El, qui était désormais décrit majoritairement non pas comme un curieux et dangereux extra-terrestre, mais comme un héros, un sauveur. Celui qui avait empêché un conflit sans précédent avec la Terre lorsque les Kryptoniens dissidents avaient débarqués. Celui qui avait permis aux siens d'obtenir une place légitime sur Oyessa qui les avait recueillis. Celui qui avait changé de vie par amour. Il était devenu une figure quasi divine, admirée par des millions de personnes. Une légende.

« Vous n'auriez pas pu lui rendre un plus bel hommage », lui avait confié son directeur des publications, le lendemain de la parution.

Salomé ne tirait aucune amertume de ne pas avoir signé son article. Au contraire. Elle se voyait comme une intermédiaire, une sorte de médiateur ; celle qui perpétuerait la mémoire de Kal-El, qui la ferait connaître au monde entier. Elle était le Platon de Socrate. Le scribe garant de sa trace dans l'univers. Elle n'était que le messager. Celui qui délivrait la vérité à son peuple. Celle qui s'effaçait pour faire entendre la voix d'êtres incompris et méconnus.

De toute cette ferveur, il en sorti très rapidement une loi encadrant les relations dîtes « intergalactiques ». Toute personne physique ou morale qui exerçait une contrainte ou une encontre à l'intégrité physique ou moral d'une personne extra-terrestre serait reconnu coupable et encourait une lourde peine. Salomé accueillit cette première victoire avec un pincement au cœur.

Dans un second temps, une pétition mondiale entraîna l'ouverture d'une enquête sur les évènements en Irlande. Le laboratoire d'Onix fut rapidement perquisitionné ainsi que son entrepôt secret sur l'île. Bien sûr, on n'y trouva plus la moindre preuve. Tout avait été passé au peigne fin par les hommes d'Artier. Mais c'est sûrement lui qui fut la plus grande surprise pour Salomé.

Un matin, il lui envoya un simple message : « Je vais tout raconter ».

L'après-midi, un document dévoilant avec détails et précisions la mission que le militaire avait reçu pour secourir le Kryptonien sortait sur les chaînes nationales. Il lui offrait la preuve irréfutable de son témoignage. De plus, plusieurs cadres à l'ONU confirmèrent ses dires. Le risque encourut par Artier lui valut une requalification de poste. Le virer aurait signifié que l'armée prenait position dans toute cette affaire. Lorsqu'on apprit son changement de fonction pour un poste moins qualifié, révélé par le quotidien de Salomé, l'homme fut alors promu et désigné commandant de la division stratégique de dialogue avec les peuples intergalactiques. Une fonction fraîchement créée au sein d'une nouvelle branche de l'ONU et approuvée par la majorité du concert des nations.

Salomé sortit prendre l'air dans son quartier. Ses pieds la menèrent sur la place de la Contrescarpe où elle emprunta la vieille rue Mouffetard affublée de ses nombreux petits café et boutiques. Le ciel bleu recouvrait Paris. Elle aurait aimé que Kal-El sache ce qui était en train de se passer. Qu'il voit ce qu'il était devenu sur Terre, après s'être fait chasser plus jeune, et assassiné par ce peuple qui aujourd'hui l'acclamait.

Un avenir incertainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant