C'était comme si son cœur à elle venait de s'arrêter. Comme si le sang chaud qui bouillonnait à l'intérieur de ses veines avait gelé. Ses bras, ses jambes... Elle s'était paralysée. Incapable de retenir plus longtemps une main devenue trop lourde, elle la laissa retomber involontairement. La paume de Kal-El retrouva le drap, inerte. Elle l'avait brûlé. Brûlé de sa froideur.
Salomé perçut vaguement une voix près d'elle, mais c'était comme si elle était coincée dans une enveloppe de terreur qui brouillait tout interférence avec elle. Focalisée sur le visage éteint du Kryptonien, il lui était impossible de détourner le regard, même quand deux mains se refermèrent fermement sur ses épaules. C'est lorsqu'on tenta de la détourner de lui que Salomé réagit.
« Kal-El », murmura-t-elle pour que lui seul n'entende. Mais il ne répondit pas.
La force de Luther l'entraîna hors de la cage de verre et la fit perdre le contact qui la maintenait dans cette léthargie.
« Salomé, il est trop tard ». Les mots à ses oreilles furent insupportables.
« Nous le ramenons avec nous, il faut y aller », lui chuchota Artier, le visage peiné.
« Aller où ? », laissa-t-elle échapper, d'une petite voix. Son unique boussole venait de disparaître, elle se sentit soudainement terriblement désorientée.
La mine du militaire perdit un peu plus de sa contenance. Il fit légèrement pression à l'aide de sa main sur l'épaule de Salomé. Puis, délicatement, il la poussa vers la sortie. Elle n'opposa aucune résistance, abrutie par le chagrin indicible qui venait de naître au creux de son ventre.
Elle marcha jusqu'à la côte de l'île, tel un robot désarticulé, guidé simplement par ses marionnettistes. Ils s'arrêtèrent à quelques mètres du bateau qui était revenu les chercher.
« C'est ici que nous nous disons aurevoir », entendit-elle.
Salomé se retourna pour faire face à Luther. Son cœur se brisa. Derrière lui, ses hommes portaient l'imposant corps de Kal-El enveloppé dans un drap. Sa bouche s'ouvrit pour laisser s'échapper un cri, mais rien ne vint. Seul le silence. Le silence terrassant, omniprésent, engloutissant. Luther la considéra longuement.
« Nous ramenons Kal-El chez lui, dit-il. Nous ne laisserons pas les humains l'utiliser une seconde de plus ».
Pétrifiée, Salomé aurait dû hurler, refuser, lui dire d'aller se faire voir, qu'il ne pouvait pas lui enlever celui qu'elle aimait. Mais elle ne fit rien. Parce qu'au fond, elle ne pouvait qu'être d'accord avec lui. La douleur lui coupa la respiration. Il fallait qu'elle le laisse partir. Elle n'était pas prête.
« Ils ont appelé du renfort », rappela Artier, le ton pressant, malgré le chagrin qui tous les enveloppait.
« Adieu »
Luther et ses hommes tournèrent les talons et se dirigèrent vers leur vaisseau. Le visage blanc et les boucles de Kal-El disparurent bientôt de son champ de vision. Le souffle vint à lui manquer.
« Attendez ! », s'écria-t-elle en mettant son corps mécaniquement en mouvement. Elle les rejoignit, les yeux gonflés de larmes, hoquetant pour trouver une nouvelle respiration sans lui. Ils le déposèrent doucement sur la passerelle du navire intergalactique et s'écartèrent pour leur laisser un peu d'intimité, sous les ordres de Luther.
Salomé s'agenouilla près de lui, le corps tremblant. De lourdes perles salées vinrent s'écraser sur le visage pâle et dénué de vie de Kal-El. Tentant de se contrôler, elle se mordit violemment la lèvre, puis, se pencha sur sa bouche granitique et y déposa le sienne, désespérée. Le contact, encore tiède lui arracha un long gémissement de désespoir.
« Je t'aime », murmura-t-elle entre ses lèvres avant de coller son front contre le sien.
Elle aurait tellement voulu qu'il ouvre ses merveilleux yeux bleus. Qu'il la regarde, qu'il lui sourît avec ses fossettes. Qu'il la serre contre lui, avec ses bras puissants contre son torse rassurant. Qu'il lui dise qu'ils avaient toute la vie devant eux, qu'ils apprendraient à construire un monde avec leurs différences, plus fort encore. Plus beau. Qu'il lui pardonnait. Qu'il l'aimait. Qu'il ne la laisserait jamais seule. Elle effleura sa peau, reniflant pathétiquement, caressa ses cheveux de jais. Il fallait qu'elle le laisse partir. Luther s'approcha, et elle se releva, piteusement.
« Je suis désolée », sanglota-t-elle.
« C'était son choix, répondit-t-il, en lui lançant un regard encourageant. Il vous aimait, il a pris la décision de vivre cette aventure-là ».
Salomé recula dans l'herbe irlandaise et terrienne. C'était la dernière fois qu'elle voyait l'homme qui avait chamboulé sa vie. L'homme dont elle était tombée amoureuse éperdument. Il était sa magie. Sa merveille. Un chef d'œuvre, un être fantastique, presque fantasmagorique. Les hommes soulevèrent à nouveau Kal-El dont la tête roula sur le côté à cause du mouvement, puis, ils disparurent à l'intérieur du vaisseau. Les réacteurs se mirent en marchent, l'air, l'herbe et les cheveux de Salomé dansèrent une valse funeste alors que l'engin s'envolait vers le ciel. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. On lui avait retiré ce qui la rendait heureuse. Celui qui lui avait apporté un bonheur infini. Des frissons.
Une immensité de tendresse.
« Adieu », chuchota-t-elle dans le vent.
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Un avenir incertain
Fiksi PenggemarLa Terre est un secret pour l'univers. Et la Terre a oublié l'existence de Superman. Jusqu'à ce que les deux se croisent à nouveau. C'était une nuit noire. La nuit où Salomé en appris plus sur les mystères qui peuplent l'univers. Qui est cet homme...