Chapitre 4 - sauvetage inextremiste

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Quatre.

Ils étaient quatre à avancer dans sa direction. Leurs visages étaient masqués par une sorte de bulle transparente. Leurs combinaisons noires et l'arme qu'ils tenaient contre leurs cous n'auguraient rien de bon. Guidée par un reflexe primaire, Salomé se rua sur un vieux sac à dos qui trainait dans l'entrée et y fourra la première chose qu'elle trouva, son PC portable. Elle arracha sa veste du porte manteau, attrapa ses clés et son téléphone, et sortit par la porte de derrière.

Son sang battait contre ses oreilles alors qu'elle refermait la porte du jardin derrière elle. Un champ en jachère s'offrit à elle. A son extrémité, la forêt. La jeune femme s'élança dans sa direction et ne se retourna pas avant d'avoir atteint l'orée du bois. Alors, elle risqua un regard.

« Où est-ce que tu cours comme ça ? »

Salomé poussa le hurlement le plus puissant de sa vie et recula sous la surprise. Elle buta contre une racine et s'étala sur un tapis de feuilles séchées. L'homme qui lui faisait face était apparu de nulle part. La dépassant largement, il la toisait de sa hauteur. C'était un des leurs. A travers la bulle qui semblait le protéger de l'air ambiant, ses yeux noirs glacèrent le sang de la jeune femme. Une vilaine ride du lion animait son front. Des cheveux hirsute noirs encadraient un visage nerveux.

« Qui êtes-vous ? », s'écria-t-elle. Il lui lança un regard las.

« Où est-ce qu'il se cache ? », reprit-il lentement, comme si la question qu'elle venait de poser n'avait aucune valeur. Salomé l'avait pressenti. Ils étaient venus pour lui.

« Quoi ? De qui parlez-vous ? », répondit-elle, le souffle saccadé, tentant de jouer la comédie. L'hostilité se lu dans les iris de l'homme.

« Ne mens-pas, articula-t-il. Les commissures de ses lèvres se mouvèrent vers le bas. Je ne suis pas quelqu'un de patient ». Il s'approcha, lentement.

« Mais vous êtes qui ? », répéta-t-elle, bêtement. Son visage se déforma sous l'effet de la colère. Il s'empara de l'arme qu'il gardait pendue à sa main jusqu'à présent et l'engagea dans la direction de la jeune femme.

« Après tout, peu importe », lâcha-t-il tout doucement. Salomé regarda son doigt actionner le mécanisme de mort comme une spectatrice.

Alors qu'elle s'attendait à recevoir un coup mortel en pleine face, elle ressentit un choc sur sa gauche, puis, sans avoir le temps de cligner des yeux, elle se retrouva collée à une masse dure qui se déplaça très vite. Le contact n'avait duré qu'une petite seconde, et elle s'effondra lorsqu'il fut rompu. Cherchant ses repères, Salomé réussit finalement à se remettre debout.

Une cape rouge flottait devant elle.

Il était revenu. L'inconnu blessé. Et il faisait face à son adversaire.

« Tiens, tiens..., susurra l'autre. Regardez-moi ce qu'on découvre quand on te suit à la trace... », il se déplaça en adoptant une posture désinvolte. « Une toute nouvelle planète remplie de trésors... C'est donc ça que tu nous cachais ? ».

« Melchior », tonna l'inconnu.

« On t'a dit qu'on te traquerait. Toi et ta bande de traîtres ! Tu viens de nous offrir sur un plateau une réserve immense pour vous détruire, vous et votre peuple de sauvages », cracha l'homme avant d'activer un mécanisme sur son arme. Une lueur verte émergea d'une des cavités de l'appareil.

« Si j'étais toi, je ne ferais pas ça ! »

Une silhouette féminine élancée débarquée de nulle part fonça sur Melchior et réussit à le déstabiliser. Son arme glissa de ses mains et la femme la lui déroba en se rattrapant par une pirouette. Mais l'homme porta la main à sa poitrine et appuya sur le symbole tracé dans sa combinaison.

« On devrait ficher le camp », nota la femme, qui se dirigea vers Salomé. Elle portait un ensemble noir et de grosses bottes de rangers. Ses cheveux roux et sa peau laiteuse lui donnait un charme flamboyant. L'inconnu à la cape rouge se retourna enfin en soupirant. Il lui emboita le pas.

« N'oublie pas Kal-El. Tu étais mort. Ils arrivent », vociféra l'autre en le fusillant du regard.

Après avoir lancé un vague regard à Salomé, la femme prit appui sur ses jambes pour prendre de l'élan et se propulsa à une dizaine de mètres en l'air avant de disparaître plus loin dans la forêt.

L'inconnu, visiblement nommé Kal-El, posa une main sur son épaule. La jeune femme tressaillit et arrêta de scruter la cime des arbres.

« Il faut y aller », dit-il simplement.

« Pardon ? s'exclama Salomé en plissant le front. Elle avait assisté à toute cette scène complètement lunaire, et était loin de comprendre ce qui lui arrivait. Vous êtes qui ? », répéta-t-elle pour la troisième fois de la journée en se dégageant de l'emprise de l'homme. Celui-ci plissa les yeux légèrement et secoua la tête.

« Je suis désolé », lâcha-t-il.

« Hein ? Mais de quoi vous p... », Salomé n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'elle se retrouva dans les airs. Le vent fouettait ses cheveux sur son visage. Les arbres défilaient sous ses pieds. La terreur naquit dans son ventre et elle se cramponna de toutes ses forces au corps qui la retenait par la taille. Elle retint son souffle.

Ses pieds touchèrent enfin la terre ferme et se dérobèrent sous elle. Dans sa poitrine, les palpitations de son cœur s'étaient emballées. Une douleur lancinante la scia en deux. Salomé se recroquevilla sur elle-même et tira violemment sur sa veste. Elle étouffait. Des larmes de terreur coulèrent sur ses joues, elle ne savait plus où elle était, elle perdait pied.

Une main chaude passa sur son front pour la calmer, mais elle la repoussa. Elle savait ce qu'elle était en train de vivre. Il fallait qu'elle s'ancre. Qu'elle s'amarre à quelque chose. A tatillon, elle tomba sur une malle en fer qu'elle agrippa puissamment. Respirer. Il fallait qu'elle respire. Son corps s'était mis à trembler. L'angoisse du vide l'avait une nouvelle fois frappé. Elle posa son front contre le matériau froid et tenta d'appliquer les conseils de son médecin. Respirer longuement par le nez, compter jusqu'à quatre. Un. Deux. Trois. Quatre. Retenir la respiration. Expirer en comptant jusqu'à quatre. La jeune femme réitéra l'opération jusqu'à ce qu'elle commence à se calmer.

Alors, petit à petit elle revint à elle. Eut de plus en plus conscience de ce qui l'entourait. Elle se trouvait à l'intérieur d'un vaisseau comme dans les films de sciences fiction. Une douce colère était entrain de naître en elle.

Les joues baignées de larmes, les cheveux en pagaille, les lèvres rougies de les avoir trop mordues, Salomé se retrouva face à ceux qui l'avaient amené jusqu'ici.

Kal-El l'examinait, droit, le front soucieux. La femme la dévisageait comme si elle avait affaire à une folle.

« Putain de bordel de merde vous allez me dire qui vous êtes à la fin ?, laissa-t-elle siffler entre ses dents. Mais elle ne leur laissa pas le temps de répondre. De quel droit vous m'emmenez de force dans votre machine de merde ? A quel moment j'ai donné mon accord pour faire un tour dans les montagnes russes ? A QUEL MOMENT J'AI DIT OUI ? J'AI LA PHOBIE DU VIDE PUTAIN ». Son ton avait monté crescendo. A bout de nerf, elle lâcha encore quelques jurons.

« Préparez-vous, on y va ! », entendit-elle en provenance de l'avant de l'engin. Kal-El s'élança vers elle.

Salomé n'eut pas le temps de réagir.

Le vaisseau fut propulsé dans l'espace à la vitesse lumière et elle perdit connaissance.

Un avenir incertainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant