Un avenir incertain

Chapitre 26 - bis

Le port altier du visage de Sélène s'était envolé. L'ensemble de sa silhouette n'était plus que brume vaporeuse parmi la nuit. Seuls deux yeux luisaient d'une douloureuse amertume. Le choc des paroles de Kal-El retentissait encore en elle. Il ne l'avait pas choisi, il ne l'aimait pas et ne l'avait jamais aimé. Salomé ressenti malgré tout une once de pitié pour cette femme qui avait tant donné pour cet homme.
Le regard vide fixant le sol, la rousse n'avait plus rien de flamboyant.

« Je suis désolée » répéta-t-elle. Puis, elle releva deux iris las sur Kal-El.

« Est-ce que tu accepterais de m'aider, malgré mes erreurs? »

Il l'observa, méfiant.

« De t'aider? »

« Si je te promets un gouvernement parfaitement équitable et égal entre nos deux peuples, viendras-tu avec moi? Je veux dire, m'aideras-tu à gouverner? Le supplice se lisait dans le ton de sa voix.

Il ne décroisa pas les bras, la jaugeant à quelques mètres d'elle, près de Salomé. La jeune femme n'arrivait pas à suivre l'attitude de Sélène. Était-elle prête à tout pour le garder près d'elle, quitte à ne pas être son épouse? Ou essayait-t-elle vainement de se faire pardonner?

« Je créerai deux postes similaires de même rang, un pour toi et un pour moi... et... nous ne serons plus mariés » précisa-t-elle.

« Qu'est-ce qui me dit que tu tiendras parole? »

« Je te le jure sur Oyessa. Tu peux me croire. J'écris et je signe la loi dès que tu le souhaite ».

« Le plus tôt sera le mieux », trancha-t-il.

« Entendu. Allons-y »

Les sourcils haussés, il acquiesça derechef.

L'heure était venue. Ils allaient repartir. Kal-El fit passer l'ordre de rassembler les troupes et de regagner les vaisseaux, trop inquiet que la femme ne change d'avis. Son instabilité s'était révélée au grand jour. Salomé le regardait faire, le cœur serré. Serait-ce la dernière fois qu'elle le verrai? Et si jamais rien ne se passait comme prévu là-bas? Et si elle le trahissait? Il allait l'oublier. Il aurait tellement d'autre choses auxquelles penser... Il avait vu une brèche, une fenêtre d'opportunité pour que son peuple puisse enfin être traité avec respect. Il s'était engouffré. Personne ne pouvait lui en vouloir.

Artier s'était longuement entretenu avec lui et Luther qui assistait désormais à toutes les discussions officielles, pendant que Salomé se faisait soigner proprement. Des vagues de Kryptoniens filèrent peu à peu vers les étoiles. A la fin, il ne restait qu'eux et Sélène. Il était venu l'heure des adieux. Salomé aurait voulu s'enfoncer dans le sol et ne jamais réapparaître plutôt que de devoir vivre ce supplice.

Le commandant Terrien serra vivement la main de Kal-El, un sourire chaleureux aux lèvres. Ça avait été, pour lui, la plus grandes de ses aventures. Le Kryptonien posa une main amicale sur son épaules, avant de se baisser et de lui confier quelque chose à l'oreille. L'autre acquiesça et lui donna une petite tape bourrue sur le bras. Les autres délégués terriens eurent l'occasion d'échanger rapidement avec lui une poignée de main. Sèlène offrit vaguement un signe de la main et se recula, prête à monter dans le vaisseau amiral. Elle attendait Kal-El. Personne ne voulait avoir affaire à elle, après sa démonstration terrifiante.
Le cœur de Salomé s'était mis à battre les tambours dans sa poitrine d'une danse endiablée. Elle s'était isolée, regardant la scène de loin en cherchant à ne faire qu'un avec la pénombre autour d'elle. Mais le regard de Kal-El dissipa les ombres qui gagnaient son corps. Il l'a cherchait et il l'avait trouvé. Il ne restait plus qu'elle. Timidement, elle s'avança vers eux.

« Bon retour! », s'exclama-t-elle d'une voix qu'elle voulue la plus enjouée possible. Le visage devenu grave du Kryptonien se voilât alors qu'il avançait lui aussi vers elle.

« Bonne chance », poursuivit-elle, toujours sur un ton des plus détachés. Elle lui prit la main et la serra mécaniquement, comme il venait de faire avec Artier et les autres. Sélène les observait, déjà à moitié engouffrée dans le navire spatial.
Les yeux de Kal-El furent les seuls à parler. Elle y lut de la reconnaissance, de la gratitude, de la mélancolie et quelque chose d'autre qu'elle ne su analyser. Il lui relâcha la main et lui jeta un dernier regard avant de rejoindre la rousse. Cette fois-ci, elle y distingua nettement une forme à peine voilée de regret.

Elle eu soudain très froid, lorsque le vaisseau disparut dans le ciel d'encre noir. Ce n'était ni à cause de la brise qui faisait danser ses boucles, ni de la température fraîche pour une nuit de juin. C'était l'absence glaciale qu'il laissait derrière lui.