Perdue

Chapitre 43

★ Clem ★

Je regarde Lou qui est immobilisée par l'angoisse.

Les garçons sont partis et nous sommes maintenant toutes les deux à l'entrée de la Share house.

J'ai énormément de mal à cacher ma déception face à cette situation... 

J'ai cru bon de la laisser avec Alan, pour son bonheur, mais tout m'est revenu dans la tronche comme un boomerang.

Je cherche mes mots pour ne pas être trop blessante, me mordant l'intérieure des joues.

- Clem..

- non laisse-moi parler. Je chuchote en serrant les dents.

- Ok...

- Premièrement, je suis déçue que tu ne me l'ai pas dit en face et deuxièmement, je ne peux plus continuer avec toi. 

La seconde partie me sert la gorge.

C'était tellement dur à dire...

Elle éclate en sanglots, ses pleurs résonnent dans la rue mais cette fois-ci je ne bouge pas.

Il est hors de question de la consolée.

Après tout je suis aussi triste qu'elle...

- tout allait si bien... Elle s'efforce de souffler entre sa gorge nouée.

- C'est vrai. Tu fais des études de lettres, tes parents te soutiennent financièrement, tu es une écrivaine hors pair, et tu étais en couple depuis le lycée. Et cerise sur le gâteau, tu attends un bébé...

Parler de notre relation au passé me brise le cœur en mille morceaux. Mais tout est bien terminé.

Je ne peux pas accepter ça.

Et il va falloir qu'elle fasse avec.

Sans un mot de plus, j'abandonne Lou à l'entrée qui pleure toujours.

Je prends directement la direction du sous-sol.

Je n'ai plus aucune raison d'aller au deuxième étage à partir de maintenant.
Je suis tellement paumée que je n'arrive pas à pleurer.

En arrivant dans le couloir, je m'arrête brusquement.

Le studio d'enregistrement est ouvert, et une mélodie s'en échappe...

C'est celui qui vient de détruire ma vie de couple, et son frère qui a étrangement été présent pour moi ces derniers temps.

Tout à coup les rôles sont inversés pour moi.

Le diable des deux, c'est Alan.

Je les regarde, l'un est affairé derrière un micro et l'autre derrière le matériel musical.

Tayler me remarque mais ses yeux se referment rapidement, et il commence à chanter..

Sa voix est transformée par un effet audio mais elle reste quand même très spéciale.

Je me retrouve à écouter cette musique qui résonne dans le couloir...

Sa voix me transperce, j'ignore si c'est parce que je suis déjà à bout  émotionnellement parlant, mais elle me donne envie de pleurer.

Et en relevant la tête je me rends compte que lui aussi est touché par la musique.

Si j'ai bien suivi c'est Alan qui écrit les paroles, et ça me déchire encore plus quand je découvre le morceau.

Je ne vois pas le visage d'Alan, il est dos à moi et face à son frère...

Par contre celui de Tayler brille sous l'éclairage.

Au moment du refrain il réouvre les yeux et les plantes dans les miens...

Une drôle de sensation me traverse...

Nous nous fixons jusqu'à la fin du morceau, sous une ambiance presque insoutenable.

Quand la musique s'arrête entièrement Alan se lève et il tape dans ses mains.

- Putain Tayler, tu l'as fait !! Il se jette dans ses bras.

À ce moment là je décide de reprendre mon chemin jusqu'au fond du couloir mais la suite de la phrase d'Alan me fige.

- T'as chanté ta propre musique !

Attends voir, ça veut dire que ce que je viens d'écouter ce n'était pas le fruit du travail d'Alan mais de Tayler ?

mon cœur se compresse quand je repense à la façon dont t il m'a regardé tout du long...

† Tayler †

J'étais tellement mal, tellement à fleurs de peau, que les paroles sont sorties toutes seules sur la bande son d'Alan.
Et puis quand j'ai vu qu'elle était là, tout est devenu évident.

Ma vie part clairement en couille.
Mon frère et moi ne nous comprenons pas, mon père est presque un inconnu et ma mère me considère comme une erreur...
Mais elle...
Elle vient de me sortir la tête de l'eau.

Cette sensation que j'ai quand je suis près d'elle, ça n'a rien à voir avec la sensation que j'ai quand je me mutile où quand je me noie dans l'alcool jusqu'à moisir mon foie.
Je me sens bien, je me sens vivant...

J'ai d'abord été méchant, froid et distant, comme avec beaucoup de gens.
Mais j'ai appris qu'elle souffrait autant que moi.
Et que je tenais à elle...

Je tiens trop à elle.
Merde.

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